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Zénon d'Élée

Publié le 22/02/2012

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Ce qui est mû ne se meut ni dans le lieu où il est, ni dans le lieu où il n'est pas.      Avec Zénon, la pensée retombe bien au-dessous de la sublimité où elle s'était établie avec Héraclite et Parménide. Zénon, aurait dit Aristote, est l'inventeur de la Dialectique. Un tel propos n'a rien d'un compliment, car, pour Aristote, la Dialectique, comme la Sophistique, n'a de la philosophie que l'apparence. Elle s'attache en effet non pas à l'être en tant qu'être, non pas même aux êtres dans leur vérité primitive et directe, mais seulement à ce qui leur arrive par voie de conséquence. Le vrai philosophe est celui qui regarde et qui donne à voir. Zénon ne s'attarde pas à regarder et ne donne rien à voir. Il n'est attentif qu'à ce qui arrive si... C'est pourquoi il ne cesse de cheminer au fil des preuves, et nous voilà pris au piège sans avoir été éclairés. Inventeur de la Dialectique, Zénon est le premier des raisonneurs. Les raisonneurs fatiguent une vérité préalablement mise au jour en avançant les yeux fermés dans ce jour dévoilé par un autre. Ils s'opposent les uns aux autres dans l'aveuglement de la polémique. " Ils ont, dit Kant, bien combattu ; les ombres qu'ils pourfendent se rassemblent en un clin d'oeil comme les héros du Walhalla, et ils peuvent toujours se donner le plaisir de combats aussi peu sanglants. " Ainsi en va-t-il des polémiqueurs qui ne sont d'accord que pour substituer la marche jusqu'au bout de l'argumentation contraignante à la station pensive de l'étonnement initiateur.   

« Ce qui est mû ne se meut ni dans le lieu où il est, ni dans le lieu où il n'est pas.

Avec Zénon, la pensée retombe bien au-dessous de la sublimité où elle s'était établie avec Héraclite et Parménide .

Zénon, aurait dit Aristote , est l'inventeur de la Dialectique.

Un tel propos n'a rien d'un compliment, car, pour Aristote , la Dialectique, comme la Sophistique, n'a de la philosophie que l'apparence.

Elle s'attache en effet non pas à l'être en tant qu'être, non pas même aux êtres dans leur vérité primitive et directe, mais seulementà ce qui leur arrive par voie de conséquence.

Le vrai philosophe est celui qui regarde et qui donne à voir.

Zénon ne s'attarde pas à regarder et nedonne rien à voir.

Il n'est attentif qu'à ce qui arrive si...

C'est pourquoi il ne cesse de cheminer au fil des preuves, et nous voilà pris au piège sans avoir été éclairés.

Inventeur de la Dialectique, Zénon est le premier des raisonneurs.

Les raisonneurs fatiguent une vérité préalablement mise aujour en avançant les yeux fermés dans ce jour dévoilé par un autre.

Ils s'opposent les uns aux autres dans l'aveuglement de la polémique.

" Ils ont,dit Kant , bien combattu ; les ombres qu'ils pourfendent se rassemblent en un clin d'oeil comme les héros du Walhalla, et ils peuvent toujours se donner le plaisir de combats aussi peu sanglants.

" Ainsi en va-t-il des polémiqueurs qui ne sont d'accord que pour substituer la marche jusqu'aubout de l'argumentation contraignante à la station pensive de l'étonnement initiateur.

Dans le Parménide de Platon , le jeune Socrate reproche précisément au raisonneur Zénon de n'être que l'épigone de Parménide : " Je vois, Parménide , que Zénon ici présent, ce n'est pas seulement à ton amitié qu'il veut être uni, mais aussi à ton oeuvre.

C'est même chose que toi, en un sens, qu'il écrit, mais, lui donnant un autre tour, il essaie de faire illusion en nous faisant croire qu'il dit autre chose.

" Devant la franchise del'attaque, Zénon cherche à s'excuser et considère son livre comme un péché de jeunesse.

" Une chose t'échappe, Socrate , quand tu crois que ce ne serait pas dans un mouvement d'agressivité juvénile que j'ai écrit cela, mais mû par l'ambition de l'homme mûr.

" Mais qu'il en soit ou non comme le dit l'interlocuteur de Socrate , l'essentiel est de voir en quoi Zénon se rattache à Parménide , son aîné, son ami, son maître, et en quoi cependant il reste original.

La thèse de Parménide , nombreux sont ceux qui s'attachent à la bafouer en montrant que, s'il y a un, multiples et grotesques seront les conséquences et les contradictions qu'une thèse de ce genre aura à souffrir.

L'écrit de Zénon est dès lors une réplique, qui, rendant avec usure aux adversaires de Parménide H036 la monnaie de leur pièce, entend faire paraître avec évidence que, s'il y a plusieurs, plus grotesques encore seront les conséquences à qui serait capable de les pousser à fond.

Ainsi la Dialectique de Zénon, prenant pour accordée la thèse de l'adversaire, consiste à montrer que si cette thèse apparaît d'abord comme moins paradoxale qu'une thèse apparemmentinadmissible, son développement logique ne nous conduira pas moins au comble de l'extravagance.

Quoi de plus naturel, en effet, que de poser, contre l'être un et immobile de Parménide H036 , la pluralité et le mouvement ? Posons-les cependant et cherchons ce qui arrive.

Dans l'un et l'autre cas, nous allons être contraints d'affirmer à la fois quelque chose et son contraire radical.

En d'autrestermes, nos propos vont devenir semblables à ceux du ventriloque Euryclès que nommera le Sophiste de Platon H038 et qui, quand sa bouche dit une parole, son ventre a déjà dit le contraire.

Faire apparaître, dans le discours raisonnable de l'adversaire, un tel effet de ventriloquie, n'est-ce pasle meilleur moyen de le réduire à néant par l'arme invincible du ridicule ? C'est ainsi que s'y prend Zénon, inaugurant une tradition, qui, plus prèsde nous, refleurira avec éclat au milieu même de la Critique de la Raison Pure , où celui qui, dans toute la naïveté du sérieux, dit raisonnablement le Monde, le dit à la fois fini et infini, aussi bien comme totalité supposée achevée que dans sa division supposée exhaustive.

Cette ventriloquiede la raison, que Kant H026 dénonce sous le nom d'antinomie, est zénonienne.

D'où le respect avec lequel il évoque " le subtil dialecticien, blâmé à tort comme un méchant Sophiste par Platon , qui croit que c'est seulement pour montrer son habileté qu'il prouve une thèse par arguments spécieux, pour la renverser bientôt après par d'autres arguments tout aussi forts.

" Essayons donc, contre la parole de Parménide , de composer l'être d'unités élémentaires.

L'être devient dès lors un " plusieurs ".

Mais l'unité constituante, pour mériter vraiment son nom, doit être indivisible, c'est-à-dire sans grandeur, et cependant avoir grandeur, sinon sa répétition nenous ferait pas sortir du néant de grandeur.

Dès lors, écoutons Zénon : " Si l'être n'avait pas de grandeur, il ne serait même pas.

Si au contraire ilest, la nécessité exige que ce qui est chaque détienne lui-même quelque grandeur et contenance et qu'en lui l'un que voici s'abstienne de l'autre que voilà.

Et pour ce qui se tient devant, même argumentation ; lui aussi détiendra grandeur et quelque chose se tiendra devant lui.

Or cela revientau même d'énoncer la chose une fois et de la dire sans cesse ; rien de lui, s'il en est ainsi, ne sera extrémité, et aucun ne sera jamais que devant unautre.

Ainsi donc, si le plusieurs est, il est nécessaire qu'il soit, lui, petit et grand à la fois : petit d'une part jusqu'à ne point détenir de grandeur,grand d'autre part jusqu'à être illimité.

" Ainsi, dans l'hypothèse du plusieurs, l'agressivité juvénile de Zénon retourne les rieurs contre lespluralistes et assure par là le triomphe de Parménide H036 .

Le Palamède d'Élée ainsi le nomme encore Platon passe pour avoir composé quarante arguments du même genre, " parlant chaque fois avec un art capable de faire apparaître à ceux qui l'écoutaient les mêmes choses semblables et dissemblables, unes et multiples, ou encore aussi bienimmobiles qu'en mouvement ".

Les derniers mots de Platon H038 évoquent les quatre arguments les plus célèbres de Zénon, ceux que nous rapporte Aristote H002 .

Dénombrant dans son Poème les signes qui définissent le partage de l'être, Parménide l'avait fait apparaître non seulement comme un, mais aussi comme immobile.

" Et d'autre part, il est immobile dans les limites de liens puissants, sans commencement et sans cesse,puisque naissance et destruction ont été écartées tout au loin où les a repoussées la foi qui se fonde en vérité.

" Faisons donc, contre Parménide , l'hypothèse du mouvement, et cherchons ce qui arrive.

La recherche des conséquences paradoxales de l'hypothèse apparemment vraisemblable sedéroule ici à travers quatre figures qui parviennent jusqu'à nous, par la mémoire sans défaut du poète, dans une strophe inoubliable du Cimetière marin .

Non seulement Achille aux pieds légers ne rattrapera pas la tortue, mais nul n'a même jamais pu commencer son premier pas.

Car comment parcourir une distance sans en avoir d'abord parcouru la moitié, et auparavant la moitié de cette moitié, etc., de sorte que le trajet le plus court esten même temps un trajet infini ? Tels sont les deux premiers arguments.

Les deux suivants nous contraignent à dire la flèche, dans son vol, figée àchaque instant, et ceux qui, sur le stade, courent en sens inverse, dans l'impossibilité de se croiser, sans que soit divisée l'indivisibilité de l'instant.

Le ressort des deux premiers arguments est la divisibilité à l'infini de tout espace.

Celui des deux derniers, la décomposition du temps en instantsindivisibles où rien ne peut plus se passer.

Car si, dans l'instant, une distance pouvait être franchie à une certaine vitesse, une vitesse plus grandefranchirait la même distance en moins que l'instant, qui cesserait ainsi d'être l'instant indivisible ! Dès lors la flèche ne peut être, en son vol,qu'instantanément immobile.

Immobile et non pas au repos, comme elle l'est dans le carquois de l'archer.

Le repos est tout autre chose que cesuspens où le mobile soudain se fige, étranger aussi bien au repos qu'au mouvement, comme, dit Aristote H002 , le son est étranger à la visibilité... Démobilisée plus encore qu'immobilisée par le sortilège de l'instant, telle est la flèche de Zénon.

Tel aussi l'athlète sur le stade, dans le vent de la. »

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