Y a-t-il une philosophie romantique ?
Publié le 23/02/2004
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PHILOSOPHIE (gr. philo, désirer; sophia, savoir) Étymologiquement, « amour de la sagesse ». Cependant, la sagesse n'étant qu'un art de vivre, la définition commune de la philosophie comme sagesse" est critiquable. En effet, sophia désigne en fait moins un savoir empirique adapté à la conduite de la vie qu'un savoir abstrait. En ce sens, la philosophie est essentiellement élévation de la pensée, théoria, contemplation. Cependant, comme l'indique l'allégorie de la caverne de Platon, le philosophe ne quitte le monde sensible que pour y redescendre, puisqu'il lui revient de gouverner la cité idéale. S'il s'agit de s'exercer à l'abstraction, il faut ne pas s'y perdre. Or, si la philosophie ancienne reste encore marquée par l'opposition de la contemplation (théoria) et de l'action (praxis"), la philosophie moderne est plutôt soucieuse d'abolir cette distinction, comme le signale le projet cartésien de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Elle cesse alors d'être un savoir désintéressé pour se mettre au service de la construction d'un monde régi par la science". Du coup, elle risque ou bien de devenir une spécialité comme les autres, ou bien, refusant cette spécialisation, de passer pour une activité dilettante réservée à quelques dandys de la pensée. Telle est l'aporie du philosophe contemporain : rester un généraliste sans sombrer dans l'insignifiance. Dès lors, pour éviter ce piège, la philosophie doit affirmer son sérieux par la prudence d'un jugement née de l'accumulation du savoir. Elle devient ainsi histoire de la philosophie, non pas connaissance érudite des doctrines, mais plutôt éveil de la pensée à elle-même à partir de ce qu'ont pensé les autres. Le développement de la philosophie peut alors se comprendre comme celui de la vérité à travers les différents moments nécessaires à son déploiement. Cette définition dialectique, proposée par Hegel, permet de saisir la nécessité rationnelle qui gouverne l'histoire de la philosophie : le philosophe est fils de son temps, et comme ceux d'hier, il lui revient de répondre aux besoins de son époque. La philosophie ne se réduit donc pas à ses oeuvres qui sont comme les tombeaux de la philosophie passée : elle est essentiellement vivante dans l'activité présente de penser, qu'exprime magnifiquement tout enseignement où le maître, à la manière de Socrate, requiert la participation du disciple.

«
-[
1 Il n'y a pas de philosophie romantique
J
-~[·]~1
-
La philosophie repose sur un discours rationnel.
Les sentiments et l'amour n'y ont de place qu'en tant
qu'objets d'é tude.
C'est pourquoi il est contradictoire
de parler de philosophie romantique.
La philosophie
est rationnelle
((L a ph~losophie est
la sc1ence
du rap
port qu 'a toute connais
sanc e aux fins essen
tielles de l'humaine rai
son , et le phil osophe
•Est classique ce qui est sain, romantique ce qui est • malade .• Johann Wolfgang von Gœthe , Conversations avec Eckermann
n'est pas un artiste de
la raiso n, mais le légis
lateur de la raison
h umaine» , dit Kant dans
Critique de la raison pure.
La philosophie n'a pas
de place pour les effu-
sions l yrique s et l 'ir
rationalisme.
L e phi
losophe suit sa raison et
se méfie des sentiments.
Le philosophe
n'est pas
un inspiré
((L e ~hilosop he ~·est
pomt en thousiaSte ,
il ne s 'érige point en pro
phète , il ne se d it point
inspiré des
dieux», écrit
Voltaire dans so n Dic
tionnaire philosophique.
Autant de reproches
que l'on pourrait faire
aux philosophes « ro
mantiques» , ceux qui
se laissent aller à des
doctrines parfaitement
irrationnelles , tels
Schelling et son «âme
du monde>> ou Hegel et
son «esprit du mond e».
Il n'y a pas
de philosophie
romantique
M
ême les philo
sop hes all em ands
d u débu t d u X IX e siècle
ne sont pas à propr e
ment parler «roman
tiques» ,
dans la mesure
où ils tentent d'é tayer
le
urs théories par une
arg u menta tion rat ion
nelle .
Leur s y stème
philosophique , en soi ,
est logique et rigou
reux.
C'est pl utôt leur
sensib ilité que l'on peut
d i
re romantique .
En tant
que savoir rationn el, la philosophie
n e pe
ut pa s ê tre romantique.
Elle doit se méfier des sentiments ~
et se la isse r guider par la seul e raison..
»
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