Y a-t-il des limites a la liberté d'expression ?
Publié le 09/01/2006
Extrait du document
«
n'avait pas de valeur intrinsèque et que le plaisir de celui qui la goûte, qu'il soit bon ou méchant,est la règle la plus sûre pour en bien juger.
En composant des poèmes suivant cette idée et en yajoutant des paroles conformes, ils inspirèrent à la multitude le mépris des usages et l'audace dejuger comme si elle en était capable.
» (Platon, Lois , 700d) Ainsi la raison déclina-t-elle, et les artistes, esclaves de la multitude, allèrent toujours plus avant dans leur détérioration de l'artmusical.
« L'aristocratie céda la place dans la ville à une méchante théatrocratie » ajoute Platon(Platon, Lois , 701a). - De cette liberté excessive découle ainsi l'instauration de la démocratie, ce « bazar aux constitutions » comme il l'écrit dans la République (en 557d).
Sans autorité légiférant d'après la raison, ce sont alors les sophistes qui prennent le pouvoir et il s'en suit la tyrannie dans laquelleaucune liberté n'est plus possible. - Platon a pris l'exemple de la musique pour justifier la censure, mais on aurait pu en prendre d'autres, en invoquant notamment le fait que certains discours corrompent la jeunesse, ou quecertains comportements ostentatoires encouragent le vice.
Aussi peut-on penser que la libertéd'expression doit parfois être limitée pour permettre l'usage de la liberté fondée en raison. Mais c'est lorsqu'on laisse le peuple s'exprimer qu'il s'éduque le mieux et par lui-même. 2.
- Le point de vue platonicien est cependant largement critiquable.
On peut notamment en trouver une critique parfaitement valable chez Kant, dans son opuscule Qu'est-ce que les Lumières ? - Kant y établit que les lumières se caractérisent par « La sortie de l'homme de sa minorité dont il est lui-même responsable.
Minorité, c'est-à-dire incapacité de se servir de son entendementsans la direction d'autrui, minorité dont il est lui-même responsable puisque la cause en réside nondans un défaut de l'entendement mais dans un manque de décision et de courage de s'en servirsans la direction d'autrui.
Sapere aude ! (Ose penser) Aie le courage de te servir de ton propreentendement.
Voilà la devise des Lumières.
» - On sait que les Lumières représentent le progrès de la raison au sein de l'humanité.
Ainsi cette sortie de la minorité exprime-t-elle un progrès vers plus de raison chez tous les hommes. - Kant ajoute que cette sortie de la minorité provoque une peur qui est entretenue par des discours fallacieux, et dans lesquels on pourrait semble-t-il ranger celui de Platon.
Ces discourssont le fait des « tuteurs qui très aimablement ont pris sur eux d'exercer une haute direction surl'humanité.
Après avoir rendu bien sot leur bétail et avoir soigneusement pris garde que cespaisibles créatures n'aient pas la permission d'oser faire le moindre pas hors du parc où ils les ontenfermés.
Ils leur montrent les dangers qui les menacent, si elles essayent de s'aventurer seulesau dehors.
» - D'après Kant, si un public ne naît pas forcément doué et intelligent, il est en mesure, par l'exercice de son entendement, de parvenir à la lumière.
Dans le quatrième paragraphe de sonopuscule, il écrit ainsi : « qu'un public s'éclaire lui-même, rentre davantage dans le domaine dupossible, c'est même pour peu qu'on lui en laisse la liberté, à peu près inévitable.
Car onrencontrera toujours quelques hommes qui pensent de leur propre chef, parmi les tuteurs patentésde la masse et qui, après avoir eux-mêmes secoué le joug de leur minorité, répandront l'espritd'une estimation raisonnable de sa valeur propre et de la vocation de chaque homme à penser parsoi-même.
» - Ainsi Platon ne semble pas comprendre que, si les hommes se laissent guider par leurs plaisirs viciés plutôt que par leur vertu, c'est peut-être parce qu'il ne favorise en rien leur esprit critique.« Les hommes se mettent d'eux-mêmes en peine peu à peu de sortir de la grossièreté, siseulement on ne s'évertue pas à les y maintenir » écrit encore Kant dans Qu'est-ce que les Lumières ? - La liberté d'expression, qui est un encouragement à se servir de son entendement et donc à sortir « l'homme de sa minorité » ne doit donc peut-être pas connaître de limites.
Ce n'est peut-être que parce qu'on maintient l'homme dans la bêtise qu'il se sert bêtement de sa liberté, et lepaternalisme promu par Platon est peut-être le meilleur moyen de le maintenir ainsi hors del'entendement.
En effet, la censure est la façon la plus sûre de ne pas entraîner sa raison critiqueen déléguant celle-ci à des autorités prétendument compétentes. - Mais comment expliquer que la liberté d'expression livrée à elle-même puisse encourager la raison ? La démonstration des bienfaits de la liberté d'expression par Mill dans De la liberté. 3.
- Nous trouverons une démonstration rigoureuse des bienfaits de la liberté d'expression dans l'ouvrage de John Stuart Mill intitulé De la liberté . - Dans le deuxième chapitre de De la liberté , Mill insiste sur le fait qu' « il y a eu, et il y aura encore peut-être, de grands penseurs individuels dans une atmosphère générale d'esclavageintellectuel.
Mais il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais dans une telle atmosphère de peupleintellectuellement actif.
» Or, lorsque le peuple est intellectuellement actif, c'est là qu'à lieu unevéritable émulation intellectuelle qui seule permet de grandes avancées sociales et de grandesdécouvertes.
La liberté d'expression est donc favorable pour élever le niveau culturel du peuple etainsi permettre qu'un plus grand nombre d'esprits inventifs s'exprime..
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