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WEIL Simone : sa vie et son oeuvre

Publié le 12/11/2018

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WEIL Simone (1909-1943). Née à Paris, élève d’Alain, dont elle subit très fortement l’influence jusqu’au début des années 30, elle entre à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm en 1928, passe l’agrégation de philosophie en 1931 et commence une carrière de professeur de lycée, mais ne tarde pas à s’intéresser en priorité à la question sociale et à ses implications politiques. Elle s’engage dans le syndicalisme révolutionnaire, publie en 1933, dans la Révolution prolétarienne, sous le titre « Perspectives », un brillant pamphlet contre le règne de la bureaucratie, notamment en U.R.S.S., et rédige en 1934 un long mémoire sur « les causes de la liberté et de l’oppression sociale ». Mais elle perd confiance dans les mouvements révolutionnaires et syndicaux, et prend un an de congé pour s’engager comme ouvrière d’usine, afin d’avoir une approche concrète des problèmes du

 

travail. Les écrits qui rendent compte de cette expérience — qui fut aussi celle du malheur — ont été rassemblés en 1951 dans la Condition ouvrière. En 1936, Simone Weil se rend en Espagne aux côtés des républicains, et cette nouvelle expérience la confirmera dans une conception assez pessimiste, sinon de la nature de l’homme, du moins de son comportement habituel spontané, surtout dans une situation de pouvoir et dans un état d’ivresse collective.

 

Accablée par ces deux épreuves, elle a alors, dans un contexte de beauté, trois contacts avec le catholicisme, entre 1935 et 1938. Au début de la guerre, elle écrit deux articles importants. Dans l’un, « Quelques réflexions sur les origines de l’hitlérisme », repris en 1960 dans Écrits historiques et politiques, elle esquisse une philosophie politique qu’on retrouvera plus tard dans ses études sur la civilisation occitane, puis dans une perspective sur l’histoire de France. Elle y oppose le libre développement des cités et des provinces à l’impérialisme de la Rome antique. Celui-ci est à ses yeux totalitaire, comme Israël avant l’exil, l’Église de l’inquisition et l’absolutisme de Louis XIV. Dans l’autre, « l’Iliade, ou le poème de la force », repris dans la Source grecque (2e éd. 1953), elle fait l’éloge d’une franchise lucide qui dévoile la puissance de la force et ne travestit pas la peur de la mort. On voit déjà dans sa conclusion ce qui fera pour Simone Weil la valeur éminente du christianisme : d’avoir représenté, dans la détresse du Christ sur la croix, le malheur sans fond qui peut être le lot de tout homme, si innocent et juste qu’il soit. Sa métaphysique religieuse se construit à partir de là. L’impersonnalité du grand art et l’épreuve surmontée de la destruction du moi dans le malheur amènent l’âme à un état « dé-créé », où nous n’agissons plus par une décision de notre volonté, mais par « obéissance à Dieu ». Cette philosophie se développe en divers essais et dans les réflexions qui couvrent une quinzaine de cahiers, en 1941 et 1942, à Marseille puis à New York. Elle donne aussi une coloration religieuse aux projets politiques et sociaux que Simone Weil, à Londres, dans les derniers mois de sa vie, sera chargée de soumettre au gouvernement de la France libre.

 

Simone Weil a également tenté d’aborder des genres proprement littéraires. Ses poèmes laissent transparaître ses préoccupations majeures. L’un d’eux, « Nécessité », s’adresse aux astres et se termine ainsi :

 

Déchirez les chairs, chaînes de clarté pure. Cloués sans un cri sur le point fixe au Nord, L'âme nue exposée à toute blessure, Nous voulons vous obéir jusqu'à la mort.

 

Le canevas d’une tragédie, intitulée Venise sauvée, et les parties rédigées, presque entièrement en vers blancs de diverses longueurs, valent surtout comme expression des idées de Simone Weil sur l’homme et sur la société. C’est par sa prose qu’elle est vraiment un écrivain. L’étude de ses manuscrits révèle un travail acharné pour atteindre la formulation la plus sobre, la plus exacte, la plus percutante. Simone Weil y parvient surtout dans les dernières œuvres, par exemple dans les « Cahiers d’Amérique », publiés en 1950 sous le titre la Connaissance surnaturelle. Elle possède aussi un certain don narratif, sensible notamment dans ce « Prologue » mystique qu’elle désirait voir publier en tête de ses fragments.

 

Simone Weil était connue avant la guerre parmi les élèves d’Alain — et dans les milieux syndicaux — pour ses analyses politiques, à la fois rigoureuses et déconcertantes pour beaucoup. Ses réflexions religieuses ne furent révélées au public qu’après sa mort, par une publication qui fit date, la Pesanteur et la Grâce. Puis sa position en face de l’Eglise catholique retint Inattention. Depuis 1970, on songe davantage, jusqu’aux États-Unis et au Japon, à approfondir sa pensée, plus cohérente que

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« la dispersion de ses écrits le laisserait supposer mais étroitement liée à son existence.

On se trouve ainsi devant une figure singulière, déroutante, dérangeante, et fascinante pour beaucoup.

n y avait chez elle un refus tellement profond de se fixer une limite quelconque dans l'accomplissement de ce qui lui apparaissait comme une « obligation stricte >> ou comme sa vocation propre, qu'elle n'a que trop rapi­ dement brOié ce qu'elle possédait d'énergie.

Mais J'œu­ vre abondante qu'elle nous laisse constitue un axe de référence pour toute réflexion sur notre civilisation et dégage pleinement la métaphysique impliquée, autour de la notion de détachement, par des religions telles que le christianisme ou le bouddhisme.

BIBLIOGRAPHIE J.P.

Litt le, Simone Weil, a bibliography et Simone Weil, a bibliography, Supplement Nr.

/, Londres, Grant & Cutler, 1973 et 1979; A.

Marcheui, , Bibliografia sistematica (Atti della Acad>, fondée par Albert Camus, mais aussi Plon et la Colombe, puis Fayard et le Seu il) .

Citons quelques n:cueils.

Pensée politique : Oppression et liberté (1955), /' Enracirr.!ment (2< éd.

1950).

Pensée religieuse : Attente de Dieu (3< éd.

1 966), Pensées sans ordre sur l'amour de Dieu ( 1962).

Litt éra tur e : Poèmes.

suivis de « Venise sauvée» (1968).

Cahiers de Marseille.

précédés d'un cahier parisien: Cahiers (3 vol., 2• éd.

1970, 1972.

1974).

Quelques extraits en avaient paru en 1947 soui le titre la Pesanteur er la Grâce.

mais il est dangereux de tirer de ce recueil des conclusions d'un point de vue littéraire, étant donné que l'éditeur, Gustave Thibon, qui a regroupé ces fragments, a opéré parfois de lé gè res modifications dans l'ordre des phrases et dans le sryle.

Les Œuvres complètes, combinant l'ordre chronologique et la division thématique, paraissent chez Gallimard depuis 1988.

Leurs 16 volum es, répar­ tis en 7 tomes, comprendront un grand nombre d'inédits.

Études.- S.

Pétrement.

la Vie de Simone Weil (2 vol.), Fayard, 1973; M.

Vetô, la Métaphysique religieuse de Simone Weil, Vrin, 1971, ainsi qu e Simone Weil philosophe.

historienne et mystique, Aubier.

1978; Ca'1iers Simone Weil.

revue trimestrielle publiée , depuis 1 978, sou� la direction d'André-A.

Devaux (Association pour l'étude de la pensée de Simone Weil) ; B.

S aint- S ernin , l'Action politique selon S.

Weil, Cerf , 1988; Georges Hourdin, Simone Weil, La Découverte, 1989.

G.KAHN. »

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