Vous paraît-il nécessaire d'imposer des limites à la recherche en biologie humaine ?
Publié le 27/02/2008
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La recherche, en biologie, progresse très vite. Elle dispose depuis peu de moyens qui posent des problèmes au plan éthique. Par exemple, certaines expériences visent à produire des chimères (croisement homme-animal). De même, des techniques de clonage (reproduction, à partir d'une cellule, de jumeaux ou de doubles) sont déjà pratiquées sur des animaux. Il n'y a aucune raison de penser qu'elles ne pourraient l'être sur l'homme dans un proche avenir. Ces seules expériences indiquent assez de quoi il est question : de l'identité de l'homme, individuelle et collective. Sa possible modification justifie à elle seule que l'on pose la question des limites de la recherche. Autre problème soulevé avec une conscience toujours plus aiguë : celui de la vivisection, c'est-à-dire de l'expérimentation en laboratoire sur des animaux vivants. Faut-il l'interdire? La question est posée, à mesure que progresse le souci, en Europe comme en Amérique du Nord, pour la condition animale. On sait d'autre part que la crainte la plus légitime peut alimenter une véritable haine du savoir, toujours prête à se monnayer en interdictions de toutes sortes. Entre une «science sans conscience« et la peur de la science se situe tout l'espace de la réflexion éthique. La question posée y ouvre et y invite.
«
[Les grands progrès de la médecine et de la biologie sont étroitement liés à l'expérimentation sur levivant.
Limiter cette dernière, c'est faire un pas en arrière.
L'homme doit comprendre, mais aussi maîtriser la vie.]
Les manipulations sur le vivant sont légitimesDescartes rêvait que l'homme deviennent comme maître et possesseur de la nature.
Ce rêve doit se réaliserpour que l'homme puisse se réaliser et s'épanouir pleinement.
Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont noussommes les héritiers.
Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leursrapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ».
Descartes n'inaugure passeulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde.Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicaleet essentielle avec sa compréhension antérieure.
Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémiqueavec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme uneréappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote.Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dansles écoles » une « philosophie pratique ».
La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominerla contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.
Aristote et la tradition grecque faisaient de la science uneactivité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.
Lavie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais desdieux.Descartes subvertit la tradition.
D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie »,d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets deconnaissance.
Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au cœur même de l'activité deconnaître.La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophiepratique ».
« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'onjouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, maisprincipalement aussi pour la conservation de la santé […] »La nature ne se contemple plus, elle se domine.
Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte àl'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ».Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, cellede la technique.
Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peuts'appliquer dans une technique.
La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient unescience appliquée.D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nosartisans ».
Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».
Il n'est pasindifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.
On connaît comme on agit ou ontransforme, et dans un même but.
La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action del'homme, dans son propre intérêt.
Connaître et fabriquer vont de pair.D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit lanature.
La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement,artificiellement la nature.Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement unenature désenchantée est encore le nôtre.Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur dela nature ».
« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.
Cependant, l'homme est icidécrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut enfaire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »).Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'actionde l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.
C'est ce qu'a fait lamétaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.
Ce qui relèvedu corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.
De même en assimilant les animaux àdes machines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.
Précisons enfin que l'époque de Descartes estcelle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les taboustouchant la dissection, à tomber.Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la.
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