Vous comparerez deux des plus célèbres personnages de Balzac : Lucien de Rubempré et Eugène de Rastignac. ?
Publié le 02/04/2009
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On soulignera dans l'introduction que Balzac lui-même a voulu mettre en parallèle la destinée d'Eugène de Rastignac et celle de Lucien de Rubempré, en écrivant Le Père Goriot (1834) et les Illusions Perdues (1836). Il l'indique dans la préface des « Souffrances d'un Inventeur « (première partie des Illusions Perdues) où il parle de la « superposition du caractère de Rastignac qui réussit, à celui de Lucien qui succombe «.
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I. - LES RESSEMBLANCES
Une première partie présentera ce qui rapproche les deux personnages : leurs origines et la trame de leur vie. 1. Tous deux sont nés en province, à Angoulême, et sont partis de là avec la volonté arrêtée de conquérir Paris. Rastignac, bachelier ès-lettres et bachelier en droit, vient dans la capitale pour y poursuivre ses études juridiques ; il laisse à Angoulême une famille à laquelle il reste très attaché et où l'on demeure prêt à se dévouer pour lui. Lucien de Rubempré part à Paris avec l'intention d'y devenir un auteur célèbre. Lui aussi demeure attaché à sa famille provinciale. Cette même origine garantit à chacun des deux héros une certaine pureté de coeur, qu'ils perdront par la suite : Rastignac, quand il versera au cimetière du Père Lachaise « sa dernière larme de jeune homme « ; Lucien, quand il exhalera, lors du mariage de sa sœur, le « dernier soupir de l'enfant noble et pur «.
«
1.
Plan historique.
Lucien et Rastignac s'insèrent dans un tableau très large, celui de la jeunesse d'une époque.
Lespréfaces du premier tome des Illusions Perdues et du troisième tome insistent là-dessus : « Les rapports qui existententre Paris et la province...
ont montré à l'auteur le jeune homme du XIXe siècle » (1er tome), « Dans lacomparaison des moyens, des volontés, du succès, il y a l'histoire tragique de la jeunesse depuis 30 ans » (3etome).
Il s'agit pour lui, de peindre la première génération qui suivit la Révolution (Rastignac est né en 1797, Lucienen 1800 environ), celle dont l'esprit fut hanté par le souvenir de Napoléon, qui parti de rien était arrivé à la plushaute puissance.
Rastignac représente les jeunes gens qui voulurent « arriver » par la politique, Lucien ceux qui voulurent « arriver » par la littérature.
Ce sont là les deux faces d'un même problème, dont la solution est claire : leshommes sensibles qui vivent par l'imagination sont voués à l'échec ; seuls, les hommes d'action peuvent triompher.
2.
Plan psychologique.
La deuxième leçon de ce parallélisme Lucien-Rastignac concerne le problème de la volonté. D'Arthez dit à Lucien, au tome 2, des Illusions Perdues -.
« Vous avez au front le sceau du génie ; si vous n'en avez pas au cœur la volonté...
renoncez dès aujourd'hui.
» Rastignac et Lucien, en effet, sont tous deux de la mêmeespèce, mais l'espèce du premier est pure (homme volontaire), celle du second est viciée (homme lâche).
Or, dans la vie, l'homme sans volonté est voué à l'échec: Lucien échoue, doublement d'ailleurs, dans le domaine de la pureté(Cénacle), et dans le domaine de l'arrivisme (journalisme).
Vautrin, dans le Père Goriot, a ce mot sublime : « Je ferai vouloir le Bon Dieu », Lucien, lui, est incapable de se faire vouloir lui-même.
De plus, sa conscience morale ne vientpas relayer cette volonté impuissante : Lucien s'avère un lâche, dans le domaine de la pureté en trahissant d'Arthez, dans le domaine de l'arrivisme en trahissant les Libéraux.
La permanence de cette lâcheté explique qu'ils'en remette toujours aux autres, à Madame de Bargenton pour partir à Paris, à d'Arthez pour corriger L'Archer de Charles IX, à Lousteau pour obtenir son titre, et finalement à Vautrin dans Splendeur et misère des Courtisanes (alors que Rastignac, lui, avait refusé le pacte avec ce forçat diabolique).
Ici aussi, donc, Lucien et Rastignac incarnent les diverses solutions d'un même problème.
3.
Il y a cependant une revanche de Lucien sur Rastignac, sur le plan de la Création romanesque.
Le succès de ce dernier est toujours ascendant, son caractère est simple, on peut parler d'une histoire de Rastignac.
Par contre, Lucien est plus riche en couleurs, plus grand malgré ses échecs : il y a une épopée de Lucien.
Cette épopée del'échec est très particulière et très significative : Lucien échoue, non pas parce qu'il est victime des circonstances,de la fatalité ou des lois ; son échec est dû à lui-même, à sa faiblesse congénitale, et provient donc de l'intérieurmême du personnage.
C'est ce qui explique que ce héros malheureux nous paraisse plus vivant que l'autre, etfinalement plus près de nous.
Tandis que l'un, malgré ses victoires, donne toujours l'impression d'avoir été voulu etfabriqué par l'auteur, l'autre, grâce à ses malheurs et à sa complexité humaine, se sépare de son créateur et vitpersonnellement.
Lucien, dans le monde de la création romanesque, l'emporte sur Rastignac : il gagne là où l'autreéchoue.
Types tous deux, l'un échappe à cette détermination dangereuse, l'autre en reste éternellement prisonnier.
CONCLUSION
Lucin et Rastignac, semblables et différents à la fois, sont pour Balzac l'occasion d'une sorte d'expérimentationpseudo-scientifique, qui lui permet de dégager les divers aspects des problèmes posés par la vie sociale à lajeunesse.
Mais par delà leur valeur démonstrative, il sont aussi le développement des deux virtualités de Balzac lui-même, qui passa sa vie à poursuivre en vain des triomphes à la Rastignac, tout en évitant, souvent de justesse, deséchecs définitifs à la Rubempré..
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