Voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux; et ceux qui font sur cela les philosophes et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à courir après un lièvre qu'ils ne voudraient pas avoir acheté, ne connaissent guère notre nature. Ce lièvre ne nous garantirait pas de la vue de la mort et des misères qui nous en détournent, mais la chasse nous en garantit.
Publié le 03/10/2013
Extrait du document
Dans ce contexte, l'incapacité à «demeurer en repos dans une chambre « est la marque d'une inquiétude au sens étymologique, le symptôme d'une insatisfaction, d'un tourment auxquels l'activité sert de palliatif, c'est-à-dire un faux remède qui atténue la souffrance, mais de manière passagère et sans agir sur ses causes. Le malheur des hommes vient donc, selon Pascal, de leur incapacité à affronter avec lucidité la terrible vérité d'une condition humaine vide de sens.
«
Il ne s'agit donc pas tant d'une forme de réclusion monastique que d'une
vie sage qui saurait se ménager des temps de repos et de recentrement
pendant lesquels il serait possible de s'interroger sur le sens de sa vie au
lieu de se perdre dans une agitation permanente.
2 Confrontation aux œuvres
Sénèque partage assez largement l'approche de Pascal, donnant de
nombreux exemples de vies fondées sur l'illusion et l'agitation stérile,
donc incapables de
mener au bonheur.
La Brièveté de la vie insiste par
ticulièrement sur la nécessité de concevoir au plus vite la vie comme
marquée par la finitude et la mort.
Ce n'est qu'ainsi que l'homme peut
mettre à profit le temps qui lui est donné pour se consacrer à l'essen
tiel, à savoir
méditer en compagnie des sages et des philosophes, au lieu
de
s'agiter en vain dans diverses occupations dénuées d'intérêt.
Cepen
dant, la deuxième partie de La Vie heureuse (ainsi que la vie même de
Sénèque)
montre la difficulté d'un tel choix : on peut savoir comment il
faudrait vivre sans se résoudre à conduire sa vie selon de sages préceptes.
Les raisons avancées
par Sénèque sont à considérer.
Tchekhov montre bien l'impossibilité dans laquelle sont ses person
nages de
« demeurer en repos ».
La paresse de Sérébriakov et de son
épouse empoisonne
la vie des résidents habituels du domaine et dérègle
leur emploi
du temps jusque-là consacré au travail; après leur départ,
tout reprend comme avant et les dernières paroles de Sonia montrent
que l'absence de repos est la seule façon de supporter sa vie.
Astrov
n'échappe pourtant pas, malgré son activité de médecin et ses préoccu
pations écologiques à un certain sentiment d'impuissance et d'inutilité.
Le
travail n'empêche pas la souffrance, Vania le dit clairement.
Le Clézio présente un personnage extrêmement actif, toujours en
quête, toujours au-delà de lui-même.
Sa quête d'un trésor purement ima
ginaire
peut apparaître comme le summum du divertissement au sens
pascalien : chercher devient
une activité qui se justifie en elle-même, au
delà de la question de l'échec ou de la réussite.
La leçon à tirer du livre
ne
va pourtant pas dans le sens de Pascal, puisque c'est précisément à
travers cette recherche à la dimension presque métaphysique qu'Alexis
se découvre
ou se retrouve lui-même, trouvant le chemin d'une insertion
véritable, quoique solitaire, dans la beauté du monde et un dénuement
qui n'a rien à envier à celui du sage..
»
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