Véronèse, Paolo Caliari dit le
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
VÉRONÈSE
1528-1588
CETTE inquiétude très justifiée que l'Inquisition manifesta envers certaines œuvres de Paul
Véronèse peu conformes aux récits évangéliques, il semble que d'autres tribunaux, profanes ceux
ci, auraient pu à leur tour la ressentir si le sens de l'éternel -ou seulement de la fidélité à soi
même -leur avait été aussi imparti.
Le premier de ces tribunaux aurait été la République de
Venise elle-même,
dont Véronèse célébra cependant la gloire dans le palais ducal, mais dont
il trahit l'esprit traditionnel et profond; un autre serait formé par les fondateurs et les gardiens
de l'idéal réaliste
du classicisme et l'accuserait, au nom de la vérité et du respect dû à la raison
et au bon sens, de bouleverser les règles de l'honnêteté visuelle et de l'entendement normal.
Sous
la naïveté, sans doute ironique, des réponses de Véronèse au Saint-Office, transparaît une sorte
de proclamation révolutionnaire dont nous ne comprenons qu'aujourd'hui la portée et qui parut
alors digne seulement de sourires indulgents.
«Nous autres peintres, disait-il, nous prenons de ces
licences
que prennent les poètes et les fous.
Je fais des peintures avec toutes les considérations
qui sont propres à
mon esprit et selon qu'il les entend>l.
Ne pourraient-elles, ces paroles, être
sorties
tout fraîchement de la bouche d'un nos jeunes peintres, figuratifs ou non, de 1947? Et
celle-ci encore: «J'ai fait cela [représenté des bouffons, des Allemands ivres, des nains et autres
niaiseries, comme dit le
Tribunal, dans la Cène du couvent des Saints-Jean-et-Paul] en supposant
que ces gens sont
en dehors du lieu où se passe la Cène.» Mais Véronèse n'a pas dit là toute sa
pensée; le sujet n'est à
la vérité pour Véronèse qu'un prétexte, et peu lui importe la scène repré
sentée, son sens et son drame.
Prétexte de composition colorée, prétexte de jeux de formes, pré
texte de construction dont il prend les éléments n'importe où, en ne se préoccupant aucunement
de leurs rapports normaux, mais qu'il dispose, avant de se conformer à une relative vraisemblance,
selon les nécessités
du tableau en soi.
Il n'existe pour Véronèse qu'une seule réalité après celle
de son esprit, c'est la réalité de l'espace et de sa lumière.
Les peintures de Véronèse ne racontent
pas d'histoires, ce sont des décorations dans l'espace, des créations d'espace.
L'art grandiose et monumental de Véronèse, dont la virtuosité donne le vertige, n'est
donc,
en considération des exigences de l'art venitien, qu'un art amputé.
Ce qui a fait la dignité
de
l'art de Venise, et ce qui la fera encore jusqu'à Tiepolo, c'est que la source de sa somptuosité,
et même
de sa volupté, est dans cette âme dont la substance provient directement de celle, mys
tique et contemplative, de l'Orient byzantin.
Imprégnée dès l'origine de spiritualité et ecroite
ment fidèle à celle-ci pendant des siècles, la peinture vénitienne, qui connut des heures magni
fiques dans ses temps primitifs, ne se convertit à l'Europe- mais à l'Europe du Nord, l'Europe
gothique- que parce que l'existence même de Venise l'exigeait.
Le banquier du Rialto, le navi
gateur s'enrichissant au commerce des produits du Levant, le puissant membre de la Seigneurie,
au milieu même de leurs tractations et de leurs fêtes, n'oublient pas le sens profond de leur vie.
Nulle
part ailleurs, les intérêts et les réjouissances ne se confondent aussi quotidiennement
avec le
surnaturel; et Venise n'est-elle pas un étonnant paradoxe, capitale du négoce internatio-.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- VÉRONÈSE Paolo Caliari : Le Mariage mystique de sainte Catherine
- Véronèse (Paolo Caliari.
- Paolo Caliari, dit Véronèse
- Véronèse, Paolo Caliari dit le
- Les grandes dates de la vie de Paolo Caliari, dit Véronèse