Vaut-il agir par intérêt, devoir ou désir ?
Publié le 04/01/2006
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Analyse :
•L’intitulé du sujet pose la question du meilleur principe d’action. « Vaut-il «, c’est-à-dire est-ce préférable, cela a-t-il plus de valeur d’agir en choisissant l’intérêt, le devoir ou le désir ?
•Trois termes sont donc proposés à votre réflexion. Comment les relier ?
Sans connaissance, la tâche est difficile. Vous risquez de partir de définitions vagues et d’affaiblir le développement.
Par exemple, on peut avoir l’idée du désir comme d’une tendance découlant de l’imagination et de l’affectivité et qui s’impose à nous en dehors de toute décision. L’intérêt serait plutôt du côté de la réflexion et du calcul des moyens en vue d’une fin. Faire toute une partie sur cette opposition serait inappropriée, car sa remise en cause est immédiate. L’intérêt n’est-il pas un désir rationnel ? L’imagination et l’affectivité ne sont-elles pas déterminantes dans le choix d’une fin tandis que la réflexion permettrait de réaliser les moyens ?
Mais l’acquisition des connaissances n’est pas encore suffisante. Il faut les utiliser pour mettre en rapport l’intérêt, le devoir et le désir. Proposons trois approches pour relier ces termes.
-L’égoïsme vital. L’intérêt est défini comme un désir rationnel. Il n’y a d’autre devoir que de rechercher le bonheur par la satisfaction des passions.
-La sagesse antique. L’action juste est toujours un désir rationnel en quête du bonheur. Il ne renvoie plus à la satisfaction des passions, mais à la vertu.
-Le devoir moral. La valeur de l’action est élevée à l’universel par la pureté de l’intention morale. Il y a une nette opposition entre le désir rationnel et le devoir qui n’est plus la recherche du bonheur, mais l’impératif catégorique.
Problématique :
N’est-ce pas d’abord l’intérêt qui donne valeur à notre action en la rendant efficace et adaptée au monde ? Mais notre conscience morale ne met-elle pas en garde contre les dangers d’une action faite seulement par intérêt qui crée finalement plus d’insatisfactions que de contentements ? La conscience morale doit-elle alors condamner ou corriger notre intérêt ?
«
Dans le livre X de la République, Platon compare le recouvrement de l'identitéfondamentale de l'homme au dieu marin Glaucos, couvert de coquillages,d'algues et de cailloux.
Cette prise de conscience implique que l'action doitêtre orientée vers l'excellence de l'âme.
* Pour réaliser le but de l'action qu'est la vertu, il est nécessaire de pratiquerce que Pierre Hadot appelle, dans Qu'est-ce que la philosophie antique ? , desexercices spirituels.
Hadot divise ces exercices en deux catégories : lesexercices de concentration et d'expansion du moi.
Les exercices deconcentration sont une ascèse qui réclame détachement et abstinence pourne plus s'identifier au corps et à son personnage social et ne plus se laisserentraîner par des désirs et des intérêts qui ne nous appartiennent pasréellement.
Ainsi Platon compare, dans le Phédon, l'exercice philosophique à lamort puisque tous deux impliquent la séparation de l'âme et du corps.
Or cesexercices sont propédeutiques à l'expansion de l'âme par laquelle elle vaéprouver la félicité.
Ainsi Platon affirme dans la République que l'âme doittendre « sans cesse à embrasser l'ensemble et l'universalité du divin et del'humain », à « la contemplation de la totalité du temps et de l'être ».* Mais le bonheur, même recherché dans la vertu et non dans l'intérêt, n'est-il pas fondamentalement une illusion ? Dès lors, la conscience morale qui dictele devoir ne doit-elle pas condamner l'intérêt et non le corriger ? 3- Il faut agir ni par intérêt, ni par désir, mais par devoir car il est la source unique de notre dignité . * Même s'il est vrai que tout homme est animé par la quête du bonheur, les hommes n'arrivent cependant pas às'accorder sur ce qu'il est et comment l'atteindre.
C'est la raison pour laquelle Kant qualifie le bonheur de « conceptindéterminé » et « d'idéal de l'imagination ».
Car le bonheur implique une exigence de totalité irréalisable dans notremonde.
« Or il est impossible qu'un être fini, si perspicace et en même temps si puissant qu'on le suppose, se fasseun concept déterminé de ce qu'il veut ici véritablement.
Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que depièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être celane fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d'une manière d'autant plus terrible les mauxqui jusqu'à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus debesoins encore ses désirs qu'il a déjà bien assez de peine à satisfaire.
Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que cene serait pas une longue souffrance ? Veut-il du moins la santé ? Que de fois l'indisposition du corps a détournéd'excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc.
! Bref, il est incapable de déterminer avec une entièrecertitude d'après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience.[...] » KANTFondements de la Métaphysique des Moeurs, II* En conséquence, tous les principes qui inspirent la recherche du bonheur ne peuvent valoir pour descommandements, mais pour des conseils.
Ils ne sont pas ce qui donne la valeur morale à notre action.
Mais, pourKant, il ne faut pas s'en attrister.
Car, l'échec de la réalisation du bonheur est le signe que la destinationfondamentale de l'homme est ailleurs.
Kant la perçoit dans l'action faite par devoir et non seulement conformémentau devoir.
Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, Kant illustre cette distinction en comparant lemarchant qui vend au juste prix parce que c'est le juste prix et celui qui le vend parce qu'il craint d'être sanctionné.* Le devoir donne donc sa vrai valeur à l'action parce qu'il élève l'intention au-dessus de l'intérêt rationnel etégoïste.
C'est la raison pour laquelle le devoir n'est pas de l'ordre de l'impératif hypothétique qui prendrait en compteun désir de satisfaction.
Il est un impératif catégorique que Kant formule dans les Fondements de la métaphysique des moeurs :.
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