Une vie sans examen vaut-elle la peine d'être vécue ?
Publié le 04/01/2006
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La société hédoniste post-moderne tend de plus en plus à valoriser un genre de vie d’où la réflexion et l’étude sont exclues. En effet, le plaisir immédiat, l’immaturité et le divertissement sont les vertus cardinales : plus on rigole et plus notre vie est intense ! Mais l’intensité est-elle gage de qualité ? Socrate défend la thèse selon laquelle l’identification du bien au plaisir, c’est-à-dire l’amalgame entre bonheur (finalité de nos actions) et sensibilité ne va pas de soi : le plaisir peut tout aussi bien nuire qu’être bénéfique. Aussi seul l’examen de ce qu’est le bien en soi est à même de façonner une certaine qualité d’existence, de rendre possible la vie heureuse. Cependant, si la pensée est déterminante dans le genre de vie que l’on mène, est-ce suffisant pour soutenir qu’une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue ? De quel droit hiérarchiser ainsi les genres de vie ?
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2- UNE VIE SANS EXAMEN NE VAUT PAS LA PEINE D 'ÊTRE VÉCUE : EXPLICITATIONDE LA THÈSE SOCRATIQUE L'examen opère une conversion de l'esprit (au terme de la dialectique, l'esprit n'a plus affaire à des ombres mais aux choses telles qu'en elles-mêmes, aux Idées dont les objets sensibles ne sont que des images [1]) qui bouleverse nos habitudes en donnant à nos vies leur plénitude (au terme de l'ascension dialectique présentée dansLe Banquet , 211 d, Socrate dit qu'une fois celle-ci accomplie : « c'est à ce point, plus que partout ailleurs que la vie vaut d'être vécue ».
Pour Socrate, l'examen doit faire connaître ce qu'est le Bien (l'idée de Bien = ce qui est supérieur à toutes les autres idées [2] ) Une telle connaissance est incompatible avec une vie de plaisir .
En effet, je peux certes agir selon mon bon plaisir en n'examinant pas si mes actions sont sensées ou non ; néanmoins, je n'agirais pas selon mon bien– et cela, seul l'examen le révèle : il est ce par quoi mon action visera, non un plaisir, non un but, mais une fin(télos ).
Or la fin d'une chose, en est aussi l'achèvement au sens d'accomplissement.
Dès lors, tant que j'ignore quelle est ma fin, je ne suis pas achevé, parfait et ma vie est médiocre, inférieure à ce qu'elle devrait et peut être . Exemples : 1- je peux vouloir être riche et cela me paraît être un but ; mais la question à se poser : en vue de quoi suis-je réellement en train de rechercher la richesse ? L'argent est-il une fin en soi ? 2- le malade acceptede boire la potion amère parce que son action vise, non pas l'agréable ou un plaisir immédiat, mais un but déterminé: recouvrer la santé (Gorgias , 467 c-e ) Dans les deux cas, seul l'examen permet l'accès au bonheur via un exercice de la raison sur les fins que l'on se donne ( = sur ce qu'est le bien en soi).
Transition :§ La vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue : une telle vie, excluant la possibilité de donner du sens (=rôle de la pensée), ne peut être que vouée à l'insatisfaction (l'esprit est soumis à l'incessante réitération desdésirs et voué à des satisfactions ponctuelles, éphémères) et surtout, elle ne peut être heureuse. § Conséquence : l'examen est nécessaire : il donne à la vie une dimension plus haute. 3- L'EXAMEN GÉNÈRE L 'ANGOISSE QUI PROVOQUE LA RÉVOLTE OU DONATION DE SENS Pour la philosophie existentialiste une vie sans examen = vie possédant un « caractère machinal » (Sartre). Tant que nous vivons sans nous étonner et sans nous lasser de vivre, la vie se ramène à « faire les gestes quel'habitude commande » (Camus) : « Lever, tramway ; quatre heures de bureau ou d'usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cetteroute se suit aisément la plupart du temps .
» L'examen s'impose donc comme une rupture qui engendre la reconnaissance brutale de l'absurdité : « Un jour seulement, le « pourquoi » s'élève et tout commence dans cette lassitude teintée d'écœurement ».
Or, à partir de l'examen et du sentiment d'angoisse qui l'accompagne, va se mettre en place une exigence de sens visant à élucider ce sentiment d'absurdité et qui sortira le sujet de lamonotonie aliénante menée jusqu'à présent. L'examen de sa propre vie provoque l'angoisse : des questions telles que la raison de notre venue a monde, celle de savoir quelle est notre destinée, provoquent un malaise au sein duquel vivre semble absurde : aucune raison ne justifie mon existence.
Toutefois, une telle absurdité n'est pas sans issue.
En effet, si la vie est absurde nous ditCamus, rien n'empêche de rendre cette absurdité supportable en lui opposant nos choix , nos engagements , en défiant ainsi « l'irrationnel de la vie ».
Ainsi, ce qui donne sens et valeur à une vie = la volonté.
Il s'agit alors de se révolter contre l'absurde, l'absence de sens, en l'accommodant à la pratique, c'est-à-dire en accumulant les projets.
Finalement, on ne peut mettre un terme au désoeuvrement par le divertissement : la vie exige autre chose : un investissement intégral qui ne se paye pas en terme de plaisir immédiat.
[1] Voir l'allégorie de la caverne, incipit du livre VII de La République [2] Fin livre VI de La République : le bien = soleil qui dégage la lumière permettant à toute chose d'être vue..
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