Une oeuvre d'art nous permet-elle de nous évader du monde ou de mieux le regarder ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
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3) Parce que l'art n'est qu'imitation d'une imitation, un simulacre .
Dans La « République » (X 597b-598c - cf.
texte), Platon montre que le peintre est « l'auteur d'une production éloignée de la nature de trois degrés ».
En effet, il y a trois degrés de réalité. · La première, celle qui est vraiment et pleinement, est la réalité intelligible ou Idée.
Pour Platon les Idées ne sont pas des produits de notre intelligence, constitutives de cette dernière (rationalisme) ou formées au contact de l'expérience (empirisme).Elles existent indépendamment de notre pensée.
L'Etre est l'intelligible ou monde des Idées.
Cette thèse rend compte et de laconnaissance, la réalité est intelligible, objet d'une connaissance, et de l'ordre du monde.
C'est parce que le monde est en lui-même intelligible que nous pouvons le connaître.· La seconde, ensemble des êtres naturels ou artificiels, est seconde, sa réalité est moindre, dans la mesure où elle est imitation de la première.
Les êtres naturels doivent leur existence à un Démiurge qui a façonné la matière en contemplant lemonde des Idées (« Timée » ).
De même le bon artisan fabrique son objet en se réglant sur son Idée.
Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contentent de les imiter.· La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintre puisqu'il imite ce quiest déjà une imitation.
Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notre reflet dans le miroir.
Elle est le reflet d'uneapparence.
En fait, il n'y a rien à voir.Au nom de la vérité Platon critique l'art.
Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art comme imitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence, apparence trompeuse, apparence duvrai.
Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et en accentue la puissance trompeuse, mais encore il nous attacheà ce monde des apparences en produisant des apparences qui plaisent, excitent les sens et l'imagination.
L'art, effet du désirsensible et des passions, les accroît en retour.
L'homme raisonnable n'y a pas sa place.
L'art, ennemi de la vérité est ennemi dela morale.
On trouve ici la première condamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de la censureartistique dont relève encore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.
Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.
L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.Apparence, il joue le jeu des apparences.
Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de la comparaison,du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.
On va au théâtre pour exhiber satoilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir les potins...
Ensuite parce qu'il nous plongedans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner sur nous-mêmes.
Par exemple nous versons de chaudeslarmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui et nous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de luiporter secours.
Mais cependant nous avons pu croire à notre bonté naturelle.
Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes.Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir de la prise en compte de sa conception de la beauté.
Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elle est une Idée et précisémentune des plus belles.
Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme à l'Idée du cheval ou archétype, à l'idée dece que doit être un cheval sensible pour être pleinement un Cheval.
Un cheval est plus ou moins beau et son degré de beauté estproportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.
Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.
Est beau cequi est parfait.
Comme la perfection n'est pas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sansdéfaut du modèle mais toujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.
Est beau ce qui existepleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.
La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.
La laideur estl'imperfection, l'incomplétude.
Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beau cheval ou un beau corpsd'athlète, leur oeuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.
Le poète inspiré est sorti de la caverne, acontemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.
Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux.
L'art nous permet de nous évader agréablement du monde réel pour mieux le supporter. 2.
L'art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-mêmes tolérables aux autres et agréables si possible :ayant cette tâche en vue, il modère et nous tient en brides, crée des formes de civilité, lie ceux dont l'éducationn'est pas faite à des lois de convenance, de propreté, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bonmoment.
De plus, l'art doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables etdégoûtantes qui, malgré tous les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours denouveau à la surface : il doit agir ainsi surtout pour ce qui en est des passions, des douleurs de l'âme et des.
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