Une morale peut-elle être scientifique ? La science suffit-elle à diriger l'action ?
Publié le 22/03/2004
Extrait du document
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INTRODUCTION. — Pendant des siècles, l'activité humaine à été dirigée par des recettes d'origine mystérieuse, transmises religieusement de génération en génération.
Mais, peu à peu, à cette conception plus ou moins magiquede l'action se substitue la conception scientifique, fondée sur la connaissance expérimentale des choses.
On amême tenté d'introduire la méthode scientifique jusque dans le\domaine moral et de constituer une moralescientifique.Mais, étant donné la nature de la science et la nature de la morale, peut-il y avoir une morale scientifique?
I.
Commençons par préciser ce qu'il faut entendre par morale et par sciences.
A.
Le mot science : a) est d'abord dans un sens large, peu usité, synonyme de connaissance; 6) au sens strict, ilest réservé aux connaissances explicatives; c) au sens usuel,, aux explications fondées sur l'expérience.
B.
La morale est l'ensemble .des lois qui régissent l'activité libre de l'homme.
Ainsi : a) la morale n'est pas une simplecollection de préceptes, mais l'ensemble des règles de conduite qui encadrent toute la vie de l'homme; bien plus,quand on parle d'une morale, on entend une systématisation de ces règles autour d'un principe central d'unification;b) à l'opposé des lois physiques qui nécessitent et par suite indiquent ce qui est, les lois morales laissent la libertéet même la supposent : elles obligent et par suite indiquent ce qui doit être, non ce qui est.
II.
Ces précisions données, examinons la question : peut-il y avoir une morale scientifique ?
A.
La question pourrait d'abord signifier : le savant a-t-il des devoirs moraux, en tant que savant? On ne saurait endouter : a) d'abord, rien de l'activité humaine n'échappe à la morale; b) ensuite, le travail scientifique exige à unhaut degré certaines vertus morales : désintéressement, loyauté, constance...
B.
Telle qu'elle est posée, elle peut signifier : a) d'abord : La morale peut-elle se constituer sous la forme d'unescience explicative dans laquelle les lois particulières se rattacheraient à de grands principes ? Il faut répondre : oui.Sans doute la cohérence n'est pas encore parfaite entre les divers impératifs de la morale; elle tend, du moins, à seréaliser, et le rôle des moralistes est de collaborer à cette réalisation; b) mais signifie plutôt : peut-elle seconstituer sous forme de science expérimentale? 1° On peut sans doute, prenant les faits moraux comme des faitsd'expérience, constituer de ces faits une science qui serait un chapitre particulier de la psychologie ou de lasociologie; 2° Mais cette science positive, qui constate ce qui est, ne peut pas tenir lieu de morale, sciencenormative indiquant ce qui doit être.
CONCLUSION.
— Il y a une différence essentielle entre l'attitude du moraliste et celle du savant : le second se fonde sur le réel; le premier, sur l'idéal.
Cependant, le moraliste a, autant que le savant, le souci de l'objectivité.
S'ilreconnaît, au-dessus du réel, un ordre idéal qui n'est pas vérifiable par l'expérience, c'est qu'il a tout d'abordlongtemps réfléchi sur l'homme et constaté chez lui des facultés qui le placent très haut au-dessus de la matière:l'intelligence et la liberté.
C'est sur ce qui est qu'il fonde ce qui doit être et la morale reste dans un sens très vrai,scientifique..
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