Une justice universelle ?
Publié le 30/08/2014
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Même si elle ne se fonde que sur des sentiments vagues, l'idée de justice universelle mérite d'être maintenue, ne serait-ce qu'à titre de pari sur le maintien d'une humanité se respectant elle-même. Un penseur hégélien pourrait faire valoir que ce préconcept finira, à travers les manifestations particulières que nous en fournissent les droits relatifs aux temps et aux lieux, par se réaliser en totalité, lorsque la totalité du monde se montrera rationalisée. Sans qu'il soit nécessaire d'affirmer des postulats aussi éminents, on peut considérer, plus modestement, que c'est malgré tout à travers la diversité des systèmes juridiques que l'idée fait son chemin, en dépit de ses retards ou échecs, parce qu'elle s'appuie toujours sur le refus universel — même s'il s'exprime différemment — de ce qui est perçu comme injuste.

«
[1 -Le relativisme juridique]
Il n'est pas nécessaire d'être expert en histoire du droit pour deviner
que les systèmes juridiques ont étonnamment varié dans le temps,
puisque, même en considérant une histoire courte, on peut constater des
modifications dans les lois
d'un pays: il n'y a que quelques années qu'on
a autorisé l'IVG en France, tandis que sous le gouvernement de Vichy,
l'avortement était passible de condamnation à mort.
Si
l'on prend davantage de recul, les différences sont encore plus sen
sibles : ce qui se modifie, ce n'est pas seulement la matérialité des délits,
c'est aussi bien la notion de responsabilité.
Ainsi, le code d'Hammourabi
organise les sanctions selon une conception du coupable qui a de quoi
nous surprendre aujourd'hui : si la maison construite par un architecte tue
le fils de l'occupant, on tuera
...
le fils de l'architecte.
Ce qui semble ici
recherché, c'est un équilibre entre les douleurs ressenties, et non entre le
délit et la peine, comme nous y sommes habitués depuis l'instauration du
droit romain.
Cette variabilité historique s'accompagne bien entendu
d'une varia
bilité comparable dans l'espace, c'est-à-dire
d'une culture à une autre
contemporaine.
Alors que certains États ont aujourd'hui supprimé la
peine de mort, d'autres la maintiennent, et ceci vaut même pour les dif
férents États que rassemble la fédération des États-Unis.
Dans certains
pays du Moyen-Orient, le vol est puni par l'amputation
d'une main,
alors
qu'en Europe, il ne mérite que de la prison.
Et la femme adultère,
qui n'aura d'autre sanction, en France, qu'une scène de ménage ou, au
pire, un
divorce- avant de provoquer éventuellement le rire lorsqu'on
transpose théâtralement son cas dans le
vaudeville- peut, sous d'autres
cieux moins cléments, être très officiellement condamnée à la lapida
tion.
Autant dire que les institutions juridiques sont liées, même si elles
n'en dépendent pas uniquement, aux cultures, à l'évolution des mentalités
et des mœurs, aux conceptions de
1' autonomie individuelle et de la dis
tinction entre espace privé et espace public.
Dans de telles conditions,
quelle consistance peut-on trouver à l'idée de justice universelle
?
[Il -Le sentiment universel de justice]
Face à une telle hétérogénéité institutionnelle du droit, on peut se
contenter d'une position totalement relativiste, et considérer en consé
quence que l'idée d'une justice universelle relève de l'utopie, ou de l'illu
sion, dans la mesure où
l'on se trouve incapable de lui accorder le
moindre contenu.
L'analyse des droits positifs tels qu'ils existent invite
alors à qualifier une telle idée de pure fiction, trop idéaliste pour corres
pondre si peu que ce soit à la moindre réalité..
»
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