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Un philosophe est-il nécessairement un homme de son temps ?

Publié le 01/03/2006

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En tant qu'homme, le philosophe est nécessairement un être de son temps, mais en tant que philosophe, nécessairement et tout aussi nécessairement, il dépasse son temps pour penser le temps de l'humanité qui se caractérise par la création intellectuelle des valeurs qui constitue l'originalité du monde humain. Si les opinions et les idéologies changent et sont filles de leur temps, en revanche les valeurs que pensent les philosophes sont éternelles et créatrices de « ce monde qui concerne l'homme «.
 
► Le philosophe appartient à son époque, comme tout homme. Cependant l'objet de son savoir le détourne de l'actualité dans laquelle est noyée la simple opinion. Le philosophe est toujours le critique de son époque : il lui appartient mais doit aussi la juger. Il ne coïncide pas avec son temps mais ne lui est pas non plus étranger. Le philosophe ne peut être de son temps qu'en le surmontant par une réflexion qui lui permet d'échapper au temps.

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« « Dépasser son temps » semble contradictoire.

Le philosophe est désireux devérité ( sa définition étymologique ), la recherche en fonction des besoins etdes attentes de son temps : il apporte avec recul ce que l'on n'arrivait pas àse donner.

Par exemple, dans l'Ancien Régime, la société ressentait un certainmalaise : Rousseau remonte à sa source : « l'inégalité parmi les hommes ».

Ildéveloppe pour le résoudre une conception d'une nouvelle société avec pouridéaux : liberté et égalité.

Il annonce donc, en dépassant ou en anticipantson époque, la Révolution Française.

Le philosophe paraît distant par rapportà son époque, mais il n'en est pas indifférent ; il veut faire avancer sontemps, de façon différente de la masse qu'il peut juger maladroite ouaveuglée.

Pour Marx, il s'agit pour la philosophie de changer le monde et nonplus seulement avant lui de l'interpréter passivement ou d'interpréter seschangements.

C'est pourquoi, il affirme : « jusqu'à présent, les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde, il s'agit désormais de le transformer »dans la XIème Thèse sur Feuerbach . [ Transition ] Le philosophe, bien qu'il soit homme de son temps, se distingue des autres : les autres ne le comprennent pas.

Socrate est condamné et tué,d'autres poursuivis, tels Voltaire, Freud ou Marx lui-même.

Cependant, lephilosophe, avant Marx, ne faisait pas qu'interpréter : chez Platon, lephilosophe a le devoir de redescendre dans la caverne et d'éclairer sesanciens compagnons.

Quelle est alors la condition spécifique de vie du philosophe s'il doit la compromettre en fonction des siens ? [ III) OUI, mais ] Le philosophe doit assumer les conditions de son époque.

[ A) parce que ] Le philosophe ne vit pas à la manière de l' « homme ordinaire », de manière purement passive ( bien qu'il vit avec lui, et provient de sa même origine ) ; si vivre avec son temps, c'est se conformer auxmoeurs et aux idées de l'époque à laquelle on appartient, c'est être anonyme, se fondre dans l' « anonymat du on »,comme le dirait Heidegger.

Or la philosophie est une certaine critique qui engage son auteur.

[ B) parce que ] La philosophie est critique de l'opinion.Des pensées admises top facilement ou spontanément, l'exigence de vérité est questionnement perpétuel pourdépasser l'opinion trop gratuite.

Platon critique la « doxa » et élève la connaissance aux degrés de l'Idée, descauses abstraites et dons malaisées à saisir : ainsi le philosophe va à contre-courant des pensées et des valeursthéoriques et morales de son époque car il les envisage dialectiquement à l'opposé pour en saisir la sourceirréfutable : il essaie d'écarter ,par le dépassement, les différences apparentes de la « doxa », dangereusemoralement ( rabaisse l'homme à l'esclavage, du moins à la dépendance et va à l'encontre de la dignité des hommes).

Conclusion : Le philosophe s'efforce de ne pas entendre, de la même manière, la réalité existentielle des hommes, non pas tantpar mégalomanie que par prudence.

Il évite les écueils de l'opinion, pensée rapide et irréfléchie, voire illusoire ; pourcela il doit se placer dans une autre hauteur de vue pour saisir les conditions et les enjeux abstraits de la vie deshommes, desquels il provient lui-même.

Il parle alors bien de ce qu'il vit comme les autres, paradoxalement en s'yécartant.

Cette disposition à s'écarter des conditions de vie commune peut parfois paraître forcée ou rebelle , maisc'est le prix que doit payer le philosophe pour non seulement parler de ce qu'il vit, mais aussi pour assigner, à partirde là, une fin espérée par tous les hommes : le meilleur-vivre ; Pour cela, le philosophe doit défier les douceurssécuritaires de la « doxa ».

C'est pour cela qu'il critique l'opinion commune ou publique, une pensée unique qui nereflète pas les possibilités de la liberté de penser de chaque homme.

Le philosophe est avant tout homme parmi leshommes en ce sens qu'il aspire fondamentalement à l'autonomie de penser.

En ce sens encore, il peut légitimementse placer comme tête de proue, comme éducateur des siens.

Se distinguant des autres, il indique ( sa fonctionpremière ) le sens d'une pensée personnelle et libre.. »

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