Un philosophe contemporain a écrit : qui n'a pas réfléchi sur le langage n'a jamais vraiment philosophé. — Pourquoi le langage présente-t-il une telle importance philosophique ?
Publié le 17/07/2004
Extrait du document
Si le langage, en effet, révèle la pensée constituée, il 'est encore l'outil constituant de la pensée. Dès lors, pour philosopher vraiment, faut-il se rendre maître du langage, c'est-à-dire des pensées que la langue conserve et transmet avec les mots; s'assurer encore des mécanismes qui, finalement, structurent les relations des pensées entre elles : cela n'est pas autre chose qu'apprendre à définir et situer des termes. On conçoit par là quelle peut être l'importance philosophique du langage, puisque celui-ci nous offre une matière en même temps qu'un instrument dont on ne peut se passer. Toute pensée se forme et se fixe par le moyen du langage; mais cela ne va pas sans difficulté et l'on peut, à l'usage, verser dans l'automatisme ou l'erreur, deux accidents du verbalisme. La langue reste, en ce sens, la meilleure et la pire des choses. Pour n'en être pas victime, pour en connaître la valeur et les limites, la bonne méthode est donc de réfléchir sur la nature et les manifestations du langage. L'homme, comme par une pente naturelle, entre deux actions et, aussi bien, en vue de l'action, examine le discours d'autrui; et c'est par là qu'il pense des paroles tandis qu'il parle des pensées. A travers cette action, il compare objets et projets, attaché au langage qui porte ce mouvement et figure le lien véritable en ce qu'il déroule un schéma en évoquant des thèmes : l'analyse des mots, la prise de conscience de leurs différents sens fortifient l'esprit par un inventaire dont tous les éléments sont à la fois présents dans la langue. Découvrir cela, c'est déjà philosopher, c'est à nouveau faire peser au verbe son poids de connaissance tentée, de vie diverse. En effet, les mots consonnent, s'appellent et se distinguent, autant qu'ils s'enchaînent.
Alain nous propose ici de réfléchir sur l'origine de la philosophie. Quand commençons-nous à philosopher véritablement ? Pourquoi st-il nécessaire de réfléchir sur les mots, leur maniement pour pouvoir faire oeuvre de philosophie ? Quel rapport particulier la réflexion philosophique entretient-elle avec la langue ? Si tout est langage, si l'homme est bien un être de signes et de symboles, on comprend déjà mieux l'injonction alinienne...
«
Il s'agit donc pour le philos ophe, comme le note V aléry, de « raffermir dans le langage même les pos itions de (la) pensée » et justement en vue de «s'assurer contre le danger de paraître poursuivre un but purement verbal ».
C e n'est pas dire, pour autant, que la langue du philosophe est formée d'unesuite de néologismes, de signes techniques qui n'auraient de sens que pour lui.
Les mots philosophiques sont aussi les mots communs; certains termes,pour avoir été employés par les philosophes, n'en ont pas moins conservé une notable ambiguïté.
Or, en la distinguant de l'équivoque, on prend consciencede ce que l'ambiguïté est susceptible de fournir à l'analyse.
En ce sens, la mise au point philosophique est bien aussi un effort de style.
Si penser vraiment,c'est penser sa pensée (A ristote ne dit-il pas que la pensée est la pensée de la pensée ?), si, comme l'écrit A lain, « on ne peut penser que sur la pensée »,quel moyen autre que de penser le langage ? A ussi l'accord du fond et de la forme, le fait qu'on ne puisse les dissocier, voilà la marque d'une heureuseréflexion philosophique.
Cette réflexion construit des rapports qui déterminent le savoir en tant qu'ils s'adaptent à l'objet par une méthode convenable.
Lesmots apparaissent comme le lieu des efforts où se manifeste l'esprit d'examen; c'est l'action même de la pensée qui crée la philosophie comme langage,mais elle ne peut, ce faisant, que s'insérer dans le langage.Tel est le sens de la méditation à laquelle se livre Heidegger lorsque — essayant de répondre à la question : qu'est-ce que la philosophie ? — il c onstate quele chemin vers lequel il se dirige alors se trouve immédiatement devant lui.
Si, en effet, nous entendons le mot philosophie, « nous l'entendons depuis sonorigine ».
Le mot, en effet, parle grec, c 'est en tant que mot grec (philosophia) qu'il es t un chemin ».
Et il ajoute : « Ce chemin, en un sens, se situe devantnous, car le mot, depuis bien longtemps, nous a parlé en nous devançant ».
Mesurons par là l'importance philosophique d'un langage où s'inscrit l'histoiremême de l'homme, cet animal qui forme des symboles et trace des concepts.
Analyse du sujet
La question qui est ici posée consiste à interroger le lien entre langage et pensée.
S'il apparaît que la philosophie est une méthode de questionnement deschoses qui a pour but de découvrir la vérité et d'apprendre la sagesse, il semble nécessaire de dire que la philosophie consiste en une recherche desprincipes d'explication des c hoses permettant ainsi à l'homme de c omprendre et d'agir sur ces choses.
Or, cela revient à définir la philosophie comme uneméthode d'élucidation des choses, comme un discours sur les choses.
La façon de rationaliser les choses est donc également une façon d'exprimer leschoses, c'est-à-dire de les formuler avec des mots et à l'aide du langage.
Or, la formulation du s ujet a ceci de paradoxal qu'elle semble faire du langage plusqu'un outil de formulation de la pensée.
En effet, si l'on s'en tient à la définition présentée plus haut de la philosophie, il semble que le discours est le moyende traduire la pensée mais que seule la pensée a le privilège de mettre en place les c onditions de la vérité.
Cette approche peut toutefois sembler fausse,dans la mesure où ce n'est qu'en utilisant les mots que la pensée va parvenir à s'établir.
A utrement dit, ce n'est qu'en exprimant ce qui est vu et ressentique l'homme va pouvoir sortir d'une existence immédiate et universaliser son appréhension du monde.
Le langage semble donc être plus qu'une traductionde la pensée, mais il est bel et bien le lieu d'une réflexion qui a pour but d'établir la connaissance sur des principes de vérité.
En outre, le langage estégalement le moyen de formuler la connaissance et de l'enseigner.
En ce sens, philosopher, c'est réfléchir au langage, c'est-à-dire non seulement à la façon de traduire rationnellement les choses, mais surtout à la façon defaire comprendre la connaissance et d'apprendre à se conduire devant le cours des choses.
Le langage es t donc le moyen de la conviction et du savoir-faire.
Plan rédigé
I.
Il paraît d'abord possible de penser que le langage es t essentiel à la philosophie en tant qu'il est un outil de la pensée qui cherche à comprendre leschoses.
(a) En ce sens, le langage permet de traduire la pensée, c'est-à-dire d'identifier, de nommer les c hoses.
(b) Plus encore, le langage permet de mettre les choses en relation dans l'espace et d'en comprendre les rapports dans le temps : le langage est conditiond'intelligibilité du monde.
(c) Toutefois, le langage ainsi défini reste un auxiliaire qui n'est pas proprement philos ophique, sauf a qualifier de philosophique toute méthode de recherchede la vérité.
Or, la philosophie est une recherche qui a c eci de particulier, par rapport aux autres sciences, qu'elle interroge plus fondamentalement lesconditions de possibilité de l'existence des choses sans les tenir pour évidentes.
II.
A cet égard, il est intéressant de remarquer que le langage échappe à la pensée et il serait faux d'en faire le simple outil d'une appréhensionphilosophique du monde.
C e qu'il y a justement de philosophique dans le langage est sa façon de se dérober à un sens unique et définitif.
(a) Les mots véhiculent plusieurs significations qui dépendent de la façon dont nous les avons appris et des images mentales que nous leur attribuons.
(b) En outre, au-delà des différences de dénotations, les mots ont des connotations qui dépendent du contexte de la parole et de la façon d'utiliser lelangage.
(c) Dès lors, il semble que le langage est philosophique par essence car il interroge la pensée en permettant de multiplier les interprétations du monde et deconstruire une vérité qui n'est jamais définitive et dogmatique.
III.
Enfin, au-delà de cette fonction de vérité, il apparaît clairement que la réflexion sur le sens participe essentiellement de la façon dont le philosophepense son action et recherche la sagesse.
(a) En effet, le langage, en découvrant la richesse des interprétations possibles du monde, invite à la prudence dans l'action.
(b) Or, une telle prudence est le critère même d'une action sage, dans la mesure où l'action prudente es t une action qui s'efforce de juger de la meilleurefaçon possible et de parvenir à être la plus juste.
(c) Dès lors, la réflexion sur le langage est le propre de la philosophie puisque c'est seulement à l'aide des mots que peut s e chercher un critère stable dubien et du mal, et c'est en cultivant ce souci que le philosophe pourra définir une éthique du comportement humain..
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