Un peuple sans mémoire peut-il etre libre ?
Publié le 02/01/2006
Extrait du document
- Mais c'est aussi pour apprécier le chemin qu'il a déjà parcouru vers sa définition, les obstacles qu'il a dû vaincre dans la conquête de son autonomie, les combats éventuellement menés pour construire sa liberté (prendre en exemple, banalement, la France, avec ce que signifie 1789 dans la mémoire collective, ou un pays africain pour lequel l'histoire récente - l'accès à l'«indépendance« - reste évidemment déterminante).
- La mémoire collective peut aussi rappeler ce que le peuple a accompli de moins recommandable (cas de l'Allemagne). Mais cet apport n'a rien de négatif: au contraire, il permet d'assumer pleinement le passé - non pour l'« avouer« et se faire «à moitié pardonner«, mais pour en repérer à fond les causes et les extirper de la réalité sociale. Un passé enfoui ou refoulé risque toujours de «faire retour« dans les pires conditions. Au contraire, le passé analysé et compris constitue en lui-même un acte de libération à l'égard des pires fantômes.
III. Quelle liberté?
- L'apport de la mémoire peut être pénible ou douloureux: il n'est guère enthousiasmant, pour un Français, de savoir que les lois anti-juives de Vichy ont bien été énoncées par quelques-uns de ses prédécesseurs.
Être libre, pour un peuple, c'est choisir son mode d'organisation sociale et sa culture (langue, institutions, lois, gouvernement, etc.) ainsi que son destin. Il s'agit donc d'examiner dans quelle mesure cette liberté culturelle et politique implique une mémoire collective. Pour ce faire, on pourra étudier non seulement le rôle de la mémoire collective et des formes qu 'elle prend (mythes, histoire populaire, histoire officielle, commémorations, etc.), mais aussi comment elle se construit et se modifie en fonction de l'évolution des peuples et de leurs fins, qu 'ils les choisissent librement ou qu'elles leur soient imposées.
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Être libre, pour un peuple, c'est choisir son mode d'organisation sociale et sa culture (langue, institutions, lois,gouvernement, etc.) ainsi que son destin.
Il s'agit donc d'examiner dans quelle mesure cette liberté culturelle etpolitique implique une mémoire collective.
Pour ce faire, on pourra étudier non seulement le rôle de la mémoirecollective et des formes qu 'elle prend (mythes, histoire populaire, histoire officielle, commémorations, etc.), maisaussi comment elle se construit et se modifie en fonction de l'évolution des peuples et de leurs fins, qu'ils leschoisissent librement ou qu'elles leur soient imposées.
1.
Qu'est-ce que la mémoire d'un peuple?
a) Mémoire collective et mémoires individuelles
Il convient de rappeler que la mémoire d'un peuple n'est pas la somme des mémoires individuelles.
C'est une mémoirecollective qui a sa structure et sa dynamique propres.
L'homme structure le temps (son passé), comme il structurel'espace : cette structuration a pour fin une appropriation et une certaine maîtrise du temps : les souvenirs, enfournissant des sortes de jalons, de repères et de fixation du temps, constituent un des moyens d'appropriation dupassé.
Par le biais de ses mythes, commémorations, monuments, etc., chaque peuple structure à sa manière sonpassé, et cette structuration forme la mémoire collective.
b) Histoire et mythes
On prendra garde que la mémoire n'est pas — ou du moins pas nécessairement — la connaissance de l'histoireobjective.
On a dit que certains peuples n'ont pas d'histoire, au double sens du mot, celui de processus historique etcelui de connaissance historique ; ceci est inexact car tout peuple possède au moins un système de mythes rendantcompte des événements fondamentaux, en particulier des événements fondateurs (ceux qui ressortissent àl'Origine).
Les mythes et les légendes sont donc bien une forme, qui peut être prédominante voire exclusive, de lamémoire collective.
2.
Fonctions de la mémoire collective
a) Assurer l'unité du groupe
La mémoire collective affirmant l'existence d'un passé commun dans lequel se fondent les passés individuels, une deses premières fonctions est de proclamer et d'assurer l'unité et la cohésion du groupe : à travers elle le groupe serassemble et se reconnaît en tant que tel (par exemple en tant que nation), c'est-à-dire non comme un amasd'individus atomisés, mais comme un corps unique, enraciné dans un passé commun qui continue de nourrir unprésent commun.
b) Alimenter la pensée sociale
Dans son ouvrage classique, Les cadres sociaux de la mémoire (Paris, 1925), M.
Halbwachs a montré que la penséesociale est essentiellement une mémoire.
En effet, les souvenirs collectifs forment pour le groupe une chaîne d'idéeset de jugements, et les croyances sociales sont le plus souvent des souvenirs — ce qui est particulièrementmanifeste dans le cas des croyances religieuses.« Les croyances sociales, écrit Halbwachs, quelle que soit leur origine, ont un double caractère.
Ce sont destraditions ou des souvenirs collectifs, mais ce sont aussi des idées ou des conventions qui résultent de laconnaissance du présent.
Purement conventionnelle (en ce sens), la pensée sociale serait purement logique : elle n'admettrait que ce qui convient dans les conditions actuelles ; elle réussirait à éteindre, chez tous les membres dugroupe, tous les souvenirs qui les retiendraient en arrière si peu que ce fût, et qui leur permettraient d'être à la foisen partie dans la société d'hier, en partie dans celle d'aujourd'hui ; purement traditionnelle, elle ne laisserait pénétreren elle aucune idée, même aucun fait qui serait en désaccord, si peu que ce fût, avec ses croyances anciennes.Ainsi, dans l'un et l'autre cas, la société n'admettrait aucun compromis entre la conscience des conditionsprésentes, et l'attachement à des croyances traditionnelles : elle se fonderait tout entière sur l'un, ou sur l'autre.Mais la pensée sociale n'est pas abstraite.
Même lorsqu'elles correspondent au présent, et qu'elles l'expriment, lesidées de la société prennent toujours corps dans des personnes ou dans des groupes ; derrière un titre, une vertu,une qualité, elle voit tout de suite ceux qui la possèdent ; or des groupes et des personnes existent dans la duréeet laissent leur trace dans la mémoire des hommes.
Il n'y a pas en ce sens d'idée sociale qui ne soit en même tempsun souvenir de la société.
Mais, d'autre part, celle-ci s'efforcerait en vain de ressaisir sous une forme purementconcrète telle figure ou tel événement qui a laissé une forte empreinte dans sa mémoire.
Tout personnage et toutfait historique, dès qu'il pénètre dans cette mémoire, s'y transpose en un enseignement, en une notion, en un.
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