Un objet peut-il être à la fois utile et beau
Publié le 20/03/2004
Extrait du document
- 1) Un objet serait-il beau parce qu'utile ?
- 2) La beauté est en réalité inutile.
- 3) Mais la beauté exclut-elle l'utilité ?
«
palais est beau sans désirer aucunement y habiter ou en estimant que sa construction ayant coûté beaucoup desouffrance aux hommes, il eût mieux valu ne pas le bâtir.
La satisfaction qui accompagne le jugement du goût estdonc bien «un plaisir pur et désintéressé».• Il apparaît dans ces conditions que, contrairement à la thèse exposée par Socrate, le beau ne peut être défini parl'utilité, et qu'il se distingue ainsi profondément du bon et de l'agréable, lesquels sont toujours liés à un intérêt.
c) Le beau n'est pas l'agréableL'agréable, en effet, est lié à un intérêt, celui des sens.
Car l'agréable, remarque Kant, est «ce qui plaît au sens dans la sensation» (id., § 3).
En outre, le jugement sur l'agréable, sur ce quime plaît, est un jugement qui dépend du désir individuel, et ne prétend doncpas avoir une valeur absolue, universelle, comme lorsque je dis d'un objet qu'ilest beau : «Pour ce qui est de l'agréable, écrit Kant, chacun se résigne à ceque son jugement, fondé sut un jugement individuel, par lequel il affirme qu'unobjet lui plaît, soit restreint à sa seule personne.
[...] L'un trouve la couleurviolette douce et aimable, un autre la trouve morne et terne ; l'un préfère leson des instruments à vent, l'autre celui des instruments à cordes.
Discuter àce propos pour accuser d'erreur le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre,comme s'il s'opposait à lui logiquement, ce serait folie ; au point de vue del'agréable, il faut admettre le principe : à chacun selon son goût (il s'agit dugoût du sens).
Il en va tout autrement du beau.» (Id., § 7).
d) Le beau n'est pas le bon• Si l'agréable est ce qui plaît dans la sensation, le bon est, selon Kant, «cequi, au moyen de la raison, plaît par simple concept».
Dans le bon «il y atoujours le concept d'un but, le rapport de la raison à un vouloir (tout aumoins possible) ; par suite une satisfaction causée par l'existence d'un objetou d'une action, c'est-à-dire quelque intérêt» (id., § 4).• En résumé «on nomme agréable ce qui donne du plaisir; beau ce qui plaîtsimplement ; bon ce qui est estimé (approuvé), c'est-à-dire ce à quoi l'onattribue une valeur objective» (id., § 5).
Mais seule la satisfaction procuréepar le beau est «désintéressée et libre, car ici aucun intérêt ni des sens, ni de la raison ne nous oblige à donnernotre assentiment» (id.).
Ainsi donc, tandis que l'agréable et le bon ont un certain caractère d'utilité dans la mesureoù ils sont liés à la faculté de désirer et ont donc l'utilité de satisfaire le désir, le beau, lui, n'a strictement aucuncaractère d'utilité, puisqu'il ne répond à aucun désir ni aucune nécessité.• Nous pouvons donc donner avec Kant la définition suivante du beau : «Le goût est la faculté de juger un objet ouun mode de représentation par la satisfaction ou le déplaisir d'une façon toute désintéressée.
On appelle beaul'objet de cette satisfaction» (Id.).
Mais dés lors il apparaît que la satisfaction causée par le beau ne peut êtrequ'universelle, puisque toute utilité, tout intérêt, en est absent.
«Car l'objet qui donne une satisfaction dont on aconscience qu'elle est exempte d'intérêt ne peut être jugé comme contenant un motif de satisfaction pour tous.
Eneffet, celle-ci n'est pas motivée par quelque inclination du sujet (ni quelque intérêt réfléchi), et le juge se sententièrement libre par rapport à la satisfaction qu'il trouve dans l'objet; aussi ne peut-il trouver comme motif à sasatisfaction des conditions personnelles auxquelles tienne son sujet seul ; il faut donc qu'il la considère commemotivée par quelque chose qu'il doit supposer aussi en tout autre ;par suite il doit penser qu'il a raison d'attribuer àchacun une satisfaction semblable.
[...] Mais ce n'est pas de concepts que cette universalité peut résulter; cardeconcepts, on ne peut passer au sentiment du plaisir ou de la peine (sauf dans les pures lois pratiques, mais ellescontiennent un intérêt; il ne s'en joint aucun au pur jugement de goût)» (Id., § 6).
Nous pouvons donc donner uneseconde définition du beau : «Est beau ce qui plaît universellement sans concept» (id.)..
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