Un monde sans travail est-il souhaitable?
Publié le 09/02/2005
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Selon Marx dans Le Capital, livre I, le travail se définit comme l’action de l’homme sur la matière. Cette force de travail est l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles existant chez l’homme, que ce dernier met en mouvement pour produire des choses utiles, qui pourront être échangées. Or, en produisant une marchandise qu’il ne garde pas, le travailleur est dépouillé de sa propre existence. C’est la raison pour laquelle un monde sans travail serait souhaitable, c’est-à-dire un monde où nul n’aurait un travail répétitif pour produire de la marchandise. Peut-on soutenir cette thèse ? Rien n’est moins sur, en effet, il semblerait que l’acte de produire, ou l’utilisation d’outil, soit ce qui nous distingue de l’animal. Aussi, défendre la thèse selon laquelle un monde sans travail est souhaitable revient à défendre la thèse selon laquelle le monde peut se passer de la technique et de la pensée humaine. Nous nous interrogerons dans un premier temps sur la thèse selon laquelle un monde sans travail est souhaitable. Dans un second temps, nous analyserons les limites de cette thèse. Dans un troisième et dernier temps, nous nous demanderons dans quel sens le travail est souhaitable pour le monde.

«
Kant dira que le travail est constitutif de notre humanité.
• Le travail est l'activité par laquelle l'homme transforme la nature pour la plierà ses besoins.
La technique est l'ensemble des moyens qu'il met en oeuvrepour cela.
D'un côté, l'homme invente des outils pour mieux exploiter lesressources naturelles, de l'autre, ces outils deviennent eux-mêmes l'objet d'untravail.
Ce cycle voue l'homme à transformer indéfiniment la nature.• On peut y voir un cercle vertueux permettant à l'homme de progresser, nonseulement matériellement, mais aussi moralement.
C'est le cas par exemple deKant, pour qui le travail ne doit pas être vu comme une malédiction (Adamchassé du Paradis et voué à «manger son pain à la sueur de son front»),mais, d'une part, comme un moyen pour l'homme de ne pas s'ennuyer, etd'autre part, comme une ruse de la nature qui pousse l'homme à développerses facultés.
« L'homme est le seul animal qui doit travailler.
Il lui faut d'abord beaucoup de préparation pour en venir à jouir de ce qui est supposé par saconservation.
La question de savoir si le Ciel n'aurait pas pris soin de nousavec plus de bienveillance, en nous offrant toutes les choses déjà préparées,de telle sorte que nous ne serions pas obligés de travailler, doit assurémentrecevoir une réponse négative: l'homme en effet a besoin d'occupations etmême de celles qui impliquent une certaine contrainte.
Il est tout aussi fauxde s'imaginer que si Adam et Eve étaient demeurés au paradis, ils n'auraient rien fait d'autre que d'être assisensemble, chanter des chants pastoraux, et contempler la beauté de la nature.
L'ennui les eût torturés tout aussibien que d'autres hommes dans une situation semblable.
III. Il y a une forme de travail souhaitable pour le monde
Penser le travail comme l'activité qui développe l'intelligence de l'homme, c'est penser le travail comme une activitécréatrice.
Cette analyse nous permet de comparer le travail en tant qu'activité laborieuse et répétitive analysée parMarx, et le travail comme activité de l'esprit analysée par Bergson.
Nietzsche, dans Humain, trop humain , compare l'activité du génie à celle de l'inventeur en mécanique, de l'astronome, de l'historien, du maître entactique.
Le point commun de ces activités est celle de la pensée quis'exerce dans une direction unique .
Le besoin nous contraint au travail dont le produit apaise le besoin : leréveil toujours nouveau des besoins nous habitue au travail.
Mais dansles pauses où les besoins sont apaisés et, pour ainsi dire, endormis,l'ennui vient nous surprendre.
Qu'est-ce à dire ? C'est l'habitude dutravail en général qui se fait à présent sentir comme un besoinnouveau, adventice : il sera d'autant plus fort que l'on est plus forthabitué à travailler, peut-être même que l'on a souffert plus fort desbesoins.
Pour échapper à l'ennui, l'homme travaille au-delà de lamesure de ses propres besoins ou il invente le jeu, cad le travail qui nedoit apaiser aucun autre besoin que celui du travail en général.
Celuiqui est saoul du jeu et qui n'a point, par de nouveaux besoins, de raisonde travailler, celui-là est pris parfois du désir d'un troisième état, quiserait au jeu ce que planer est à danser, ce que danser est à marcher,d'un mouvement bienheureux et paisible : c'est la vision de bonheurdes artistes et des philosophes.
NIETZSCHE
A la question –apparemment provocatrice- de savoir si nous avons réellement besoin de travailler, Nietzsche répondpar l'image d'un cercle vicieux qui nous mène indéfiniment, selon une régression à l'infini, du travail au besoin et dubesoin au travail.
C'est ce qu'exprime le premier temps du texte, qui est implicitement centré autour d'une mise encause de la notion de besoin.
Dénonçant l'illusion abstraite du besoin naturel qu'il faut bien combler par le travail,Nietzsche soupçonne le besoin d'être un résultat : l'habitude du travail produit le besoin du travail, qui répond doncà un besoin culturel (« nouveau », « adventice ») et non plus naturel.
C'est culturellement que nous avons besoinde travailler, besoin qui envahit même ce qui n'est pas le travail.
Aussi, dans un second temps, Nietzsche repère-t-iljusque dans nôtre attitude de « loisir » des traces d'une attitude qu'on croirait réservé au travail.
Sans travail, nousnous ennuyons, de cet ennui métaphysique (et dont l'accent est assez pascalien) qui témoigne de ce que le travailest rentabilisation, organisation machinale porteuse de repères.
L'exemple du jeu, ce travail sans travail, est biensignificatif : il n'y a finalement rien de plus sérieux qu'un jeu aux règles duquel nous sommes souvent plus attachésqu'aux lois elles-mêmes.
Bref : le travail social exporte son « esprit de sérieux ».A cet esprit de sérieux, Nietzsche oppose dans le dernier temps du texte sa vision des natures artistes et.
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