« Un livre est une fenêtre par laquelle on s'évade », observe Julien Green dans son Journal. Vous essaierez d'expliquer cette réflexion tout en précisant si elle correspond à votre propre définition du livre. Votre développement sera illustré par des exemples empruntés à vos lectures.
Publié le 02/04/2009
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Green refuse le livre fonctionnel, utilitaire et il le précise bien dans sa « définition « : « une fenêtre par laquelle on s'évade «. Le lecteur ne doit donc pas retrouver la grise et morne réalité quotidienne, mais au contraire il doit oublier les soucis et les méfaits d'un monde de plus en plus agressif ; la technique enlevant progressivement toute personnalité à 1'« homme moderne «, le transformant en robot, il lui est nécessaire de s'évader de cet univers.
En quelque sorte, la lecture est encore une des rares issues vers le calme et la joie, qui perce le mur que notre société a édifié avec son but unique : le profit. On pourrait presque dire « mur de la honte «, parce que basé sur des intérêts, il nous sépare de toute qualité, en nous plongeant dans les vices et la corruption.
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sont exploités par ces livres, et s'y retrouvent, encore amplifiés !Personnellement je vois la littérature sous un autre angle.
Le livre ne doit pas être un dérivatif, drogue médiocre quine parvient même pas à son but, qui ne fait que nous distraire pendant quelques instants et nous trompehonteusement.Mais le livre, par un pouvoir de diffusion qu'il devra retrouver, doit informer, instruire et communiquer la culture àtout le monde, tout en la présentant sous un aspect agréable, qui ne rebutera personne.
Je rejoins l'idée de Green,un peu plus nuancée, peut-être, car l'auteur ne précise pas exactement sa conception : l'évasion peut (on l'a vu !)se trouver dans deux types totalement opposés de littérature ; c'est pour cela que je vais préciser mes idéespersonnelles sur le rôle et la fonction du livre.Le rôle du livre, c'est avant tout une meilleure connaissance de soi-même.
Connaissance qui peut être acquise parla réflexion du lecteur sur les questions que lui poseront le livre, l'auteur.
J'estime en effet qu'un écrivain ne devrajamais proposer de réponses ; il devra formuler des questions.
Et que chacun y réponde ! De cette manière chaquehomme devrait pouvoir « voir les choses » d'une façon très « propre à lui-même », et non se contenter de réponsestoutes faites, au nom de quelque principe que les écrivains « jettent à la figure »du lecteur.
C'est en cela que j'admire profondément Montaigne, ce sage qui refusait le jugement par des dogmesrigides, mais qui proposait une explication simple, car chacun y mettait sa propre conclusion.Dans la recherche de l'évasion, alliée à une connaissance, un enrichissement, je citerai surtout deux grandsmouvements qui m'ont beaucoup apporté tant en joies qu'en réflexions.Les classiques que j'admire le plus, ce sont Racine, pour ses « passions complexes » et son action simple, quiamènent à réfléchir sur les moteurs profonds de nos réactions ; La Fontaine, par ses fables très incisives et sonenseignement, continue à m'émerveiller.
Mais le plus grand de ces classiques, Molière (conception toute personnelle!), est celui dont j'ai le plus de plaisir à parcourir les comédies, pleines de piquant et pourtant si moralisatrices, sisatiriques.
Voici le type même de cette lecture « de culture générale » : son style limpide et sa verve nous égaient,tandis que ses idées nous font réfléchir, jusqu'à notre « essence ».Les Romantiques, du moins certains d'entre eux, restent mes auteurs préférés : ils ont fait fi des règles classiques,pour s'abandonner à leurs sentiments ; en quelque sorte ils complètent les classiques.Hugo, ce grand poète lyrique, m'émeut lorsque je parcours sa Légende des siècles ; quelle magnifique épopée quecelle de l'humanité ! Avec l'imagination hugolienne elle devient une grande fresque où le lecteur, tout en admirant,est poussé vers une grande réflexion : le progrès de l'humanité : utopie ou réalité ? Quoi de plus exaltant que cepeuple avide de liberté qui gronde dans Les Misérables ? Le roman lorsqu'il n'est pas uniquement sentimentalm'intéresse toujours : romans historiques de Hugo, Balzac et Flaubert (Quatre-vingt-treize, Les Chouans,Salammbô...), romans réalistes qui me font revivre l'époque de la misère ouvrière : Balzac et surtout Flaubert ; Zolaest un auteur que je n'aime pas, à cause de sa doctrine naturaliste, qu'il a poussée à l'extrême, et qui rend salecture ennuyeuse et pénible : voici donc un auteur qui ne répond pas à ces deux exigences : « la distraction et laconnaissance ».
Après cet exposé, je réaffirme que je partage les opinions de Julien Green (mais non prises à lalettre) car l'évasion doit consister (pour moi) en l'alliance équilibrée d'une lecture distrayante et enrichissante, quine fera pas oublier les problèmes de notre société (comme le fait la « littérature de sentiment »), mais les poserasous une forme attrayante.
La lecture ne doit pas devenir ce « divertissement », source d'illusions, que Pascal attaquait ; il n'est pas demeilleure définition de cette littérature médiocre ; c'est bien un « divertissement» de l'âme, au sens où l'entendaitPascal dans Les Pensées, qui fait oublier (très passagèrement) les réalités aux hommes.Julien Green n'a pas voulu proposer ce genre de divertisse- ment qui plonge les hommes dans l'erreur, la médiocrité,mais il affirme le besoin d'évasion que le lecteur doit pouvoir satisfaire par cette lecture alliant les sentiments etl'esprit..
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