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Un homme injuste peut-il être heureux ?

Publié le 17/01/2005

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Ø  Toutefois, comme le rappelle Socrate aux sophistes, il ne faut pas oublier que le bonheur est aussi inséparable d'une certaine représentation du bien : ce que je désire est ce que je pense être bon pour moi (au contraire, tout mal me repousse). Ø  Du coup, Socrate s'emploie alors à montrer qu'un homme injuste est avant tout un homme qui confond le bien et le plaisir.   2-      Un homme injuste, ignorant le bien, ne peut pas être heureux   a)      Faire ce qui plaît et faire ce que l'on veut Dans le Gorgias de Platon, Polos affirme à Socrate que le plus grand bonheur consiste à faire tout ce qui nous plaît et tout ce que l'on veut, et cela sans égard pour la justice. Ainsi il donne pour exemple à sa thèse le pouvoir dont jouit un tyran : les désirs de celui-ci ne sont jamais empêchés. Mais Socrate rétorque alors à Polos que le tyran ne peut être heureux en ce qu'il ignore où est son vrai bien. Or Socrate affirme ceci parce que la conception du bonheur présentée par le sophiste repose sur une confusion entre le plaisir et le bien : on peut faire ce qui nous plaît sans faire pour autant ce que l'on veut. Car qu'est-ce que vouloir ? Comme on l'a posé avec Aristote, la volonté nous porte à agir en vue d'un bien. Vouloir = se donner une fin. Or comme le montre Socrate, un malade voulant recouvrer la santé doit bien accepter de boire le remède amer.

« dont jouit un tyran : les désirs de celui-ci ne sont jamais empêchés.

Mais Socrate rétorque alors à Polos que le tyran ne peut être heureux en ce qu'il ignore où est son vrai bien .

Or Socrate affirme ceci parce que la conception du bonheur présentée par le sophiste repose sur une confusion entre le plaisir et le bien : on peut faire ce qui nous plaît sans faire pour autant ce que l'on veut.

Car qu'est-ce que vouloir ? Comme on l'a posé avec Aristote, lavolonté nous porte à agir en vue d'un bien.

Vouloir = se donner une fin .

Or comme le montre Socrate, un malade voulant recouvrer la santé doit bien accepter de boire le remède amer.

Quel plaisir y prend-il ? Aucun sur l'instant etpourtant, il agit en vue de son bien (la santé) et donc fait ce qu'il veut.

b) Plaisir et bonheur sont deux choses distinctes Tout plaisir n'est pas un bien.

Selon Platon, le bien = intelligible, alors que le plaisir = sensible .

Le premier, de par sa nature ne change pas et est durable ; aussi lui seul rend heureux puisque le bonheur = état durable de satisfaction ; le second est instable, relatif et ponctuel.

Aussi l'injustice qui est méconnaissance du bien provoque tout au plus de l'agrément, mais non pas du bonheur véritable . Transition :Ø Cette distinction opérée entre bien apparent (plaisir de satisfaire un désir immédiat) et bien réel (connaissance de ce qui est bien en soi, indépendamment de mes désirs), Socrate dégage finalement que non seulement un hommeinjuste ne peut pas être heureux, qu'il passe à côté du bonheur, mais que, de surcroît, il est malheureux. Ø Autrement dit, après avoir montré que la justice est gage de bonheur, on peut achever la démonstration en montrant que l'injustice est le pire des maux : le « bonheur » qu'elle favorise est un malheur camouflé par le plaisir de l'instant.

Dans le long terme, un homme injuste est condamné au malheur. 3- L'INJUSTICE EST UN MAL TEL QU 'IL VAUT MIEUX ENCORE LA SUBIR QUE DE LA COMMETTRE Socrate va donc ainsi jusqu'à soutenir qu'un homme injuste est plus malheureux que sa victime.

En effet l'injustice commise est pire que l'injustice subie puisqu'elle présuppose, comme on l'a vu l'ignorance du bien.

Or parce qu'il est meilleur en toute chose de savoir que d'ignorer, l'injustice est bel et bien un mal : mal agir rend malheureux non pas au sens où cela causerait du déplaisir ou de la douleur, mais au sens où l'injustice est laide : le plus grand dommage est de commettre un injustice et d'être soi-même injuste dans la mesure où cela revient à être responsable d'une disharmonie au sein de la communauté , mais aussi à introduire du désordre en soi-même (= subvertir la hiérarchie des parties de l'âme exposée dans La République : injustice consiste à ôter tout contrôle à la raison au bénéfice de la partie désirante qui devrait lui être soumise).

Finalement, à la question de savoir comment agir et comment être heureux, la réponse sera différente selon que l'on privilégie le plan des affects ou celui de la rationalité : d'un point de vue sensible, il est évident que commettre l'injustice ne provoquant aucun désagrément ne rend pas malheureux ; mais envisagée du point de vuede la rationalité, c'est-à-dire d'un point de vue où plaisir et douleur ne sont que des moyens en vue d'une fin, il convient de reconnaître que l'injustice, occultant le rapport à la raison (connaissance du bien qui seul à valeur defin), rend malheureux au sens où elle provoque la ruine de l'harmonie, de la mesure propre à toute action utile etbelle.C'est dans le « Gorgias » de Platon que l'on trouve exposé le paradoxe socratique : « Nul n'est méchant volontairement ».

Cette thèse surprenante de prime abord doit être reliée aux deux autres : « Commettre l'injustice est pire que la subir » ; « Quand on est coupable il est pire de n'être pas puni que de l'être ».

L'injustice est un vice, une maladie de l'âme, c'est pourquoi, nul ne peut vraiment la vouloir (on ne peut vouloir être malade), et lapunition, qui est comparable à la médecine, est bénéfique à celui qui la subit.L'attitude commune face à la justice est résumée par Polos dans « Gorgias » et Glaucon au livre 2 de la « République ».

Les hommes souhaiteraient être tout-puissants et pouvoir commettre n'importe quelle injustice pour satisfaire leurs désirs.

Il vaut donc mieux, selon eux, commettre l'injustice que la subir.

Cependant, commesubir l'injustice cause plus de dommage que la commettre de bien, les hommes se sont mis d'accord pour faire deslois en vue de leur commune conservation.

Nous ne sommes donc justes, en vérité, que par peur du châtiment.

Sinous pouvions être injustes en toute impunité, comme Gygès qui possède un anneau le rendant invisible, nous agirions comme lui : nous ne reculerions devant aucune infamie pour nous emparer du pouvoir, devenir tyran.

Bref,nous serions injustes pour satisfaire nos désirs.Platon réfute inlassablement cette thèse, cette hypocrisie qui consiste à ne vouloir que l'apparence de la justice, l'impunité, pour pouvoir accomplir n'importe quelle injustice.Le nerf de l'argument consiste à montrer que, en réalité, « Commettre l'injustice est pire que la subir ».

C'est par une ignorance du bien réel que les hommes souhaitent pouvoir être injustes.

Parce que nous confondons le bienapparent (le plaisir, la satisfaction immédiate des désirs les plus déréglés) avec le bien réel, la santé de l'âme.

Nouscroyons vouloir commettre l'injustice, alors que c'est impossible, que « nul n'est méchant volontairement », parce que nous voulons.

Etre injuste est faire son malheur en croyant se faire plaisir.L'antagonisme entre le point de vue habituel et la position de Socrate est magnifiquement exposé par le débat entre Calliclès et Socrate , dans le « Gorgias ».

Calliclès prétend : « Voici, si l'on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer .

» Socrate pense, lui, que l'accès au bonheur, au Bien, « cela veut dire être raisonnable, se dominer, commander aux plaisirs et aux passions qui résident en soi-même ». Pour tenter de réfuter Calliclès , Socrate lui montrera que son idéal de mode de vie ressemble bien à une « passoire ».

L'intempérance consiste à accumuler des plaisirs qui n'ont aucune consistance, à ne pas savoir se mesurer, se satisfaire, mais au contraire à être habité par des désirs tels que pour les combler il faut « s'infliger les plus dures peines ».

L'erreur fondamentale de Calliclès est de confondre l'agréable et le bon, de confondre la démesure des désirs déréglés et irrationnels avec l'équilibre de la satisfaction véritable.. »

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