Travail et consommation de H. ARENDT
Publié le 06/01/2020
Extrait du document
«
Tout ce que produit le travail est fait pour être absorbé pres
que immédiatement dans le processus vital, et cette consom
mation, régénérant le processus vital, produit - ou plutôt repro
duit - une nouvelle «force de travail» nécessaire à l'entre
tien du corps.
Du point de vue des exigences du processus vital,
de la «nécessité de subsister», comme disait Locke 1, le tra
vail et la consommation se suivent de si près qu'ils constituent
presque un seul et même mouvement qui, à peine tenniné, doit
recommencer.
La « nécessité de subsister» régit à la fois le
travail et la consommation, et le travail lorsqu'il incorpore,
« rassemble » et « assimile » physiquement les choses que pro
cure la nature, fait activement ce que le corps fait de façon plus
intime encore lorsqu'il consomme sa nourriture.
Ce sont deux
processus dévorants qui saisissent et détruisent la matière, et
«l'ouvrage» qu'accomplit le travail sur son matériau n'est que
préparation de son éventuelle destruction.
Cet aspect destructeur, dévorant, de l'activité de travail n'est,
certes, visible que du point de vue du monde et pàr opposition
à l'œuvre qui ne prépare pas la matière pour l'incorporer, mais
la change en matériau afin d'y ouvrer et d'utiliser le produit
fini.
Du point de vue de la nature, c'est plutôt l'œuvre qui est
destructrice, puisque son processus arrache la matière sans la
lui rendre dans le rapide métabolisme du corps vivant.
Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne (1958), trad.
G.
Pradier, Calmann-Lévy, 1961, « Presses-Pocket », pp.
145-146.
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
Hannah Arendt oppose le « monde humain » et la
«nature».
La reproduction de l'espèce, le maintien en vie
de l'individu sont des processus naturels.
Le travail fait par
tie de ce cycle vital : la consommation du produit du travail
permet la reconstitution des forces vitales.
Travail et consom
mation doivent toujours être recommencés, puisque ce cycle
vital ne s'achève qu'à la mort de l'individu.
Destinés à être
consommés, les produits du travail ne font pas partie du
«monde humain», constitué d'objets destinés à durer.
1.
Philosophe anglais du xv11• siècle (cf.
texte 11 )..
»
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