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Toutes les inégalités sont-elles injustes ?

Publié le 06/03/2005

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La question est d'importance, et pas seulement au niveau conceptuel abstrait. Il y va notamment, pour les citoyens ou membres de la société civile que nous sommes, de la réponse à des interrogations aussi importantes que : «Qu'est-ce qu'un État juste?«, et aussi: «Qu'est-ce qu'une société juste?«. La question de l'inégalité sociale est assez sensible pour qu'on se demande au moins si elle est justifiée, et jusqu'à quel point. La justification des inégalités au nom de la justice intéresse bien sûr en priorité ceux qui en bénéficient. Mais on ne saurait négliger que les dominés, socialement parlant, tendent eux aussi à intégrer le discours bien connu de la légitimation : «Il a fait de grandes études!« ; «Il a de grandes responsabilités!«; «Il est plus intelligent que moi«; «Il le mérite«. Les discours sont pleins de ces justifications spontanées des inégalités, et utilisent un certain nombre de critères implicites (comme le mérite). Supposons qu'on vienne à établir que rien, tout bien réfléchi, ne constitue une justification satisfaisante des inégalités sociales, pour ne parler que d'elles. Il est clair qu'une telle analyse ne serait pas seulement d'ordre conceptuel, mais engagerait de véritables prolongements politiques. Mettre la domination à nu, dans les faits ou dans les discours, c'est déjà la combattre.

  • I) Toutes les inégalités sont injustes.
a) L'égalité est l'oeuvre de la raison. b) L'égalité devant la loi est le principe suprême du droit. c) L'égalité est l'essence même de la justice.

  • II) Toutes les inégalités ne sont pas injustes.
a) Il y a des inégalités naturelles. b) Il est normal que les meilleurs aient davantage que les autres. c) L'égalité universelle et absolue est une injustice.
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« " [...] il est aisé de voir qu'entre les différences qui distinguent les hommes,plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l'ouvrage de l'habitudeet des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société.Ainsi un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui endépend, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont on a étéélevé, que de la constitution primitive des corps.

Il en est de même desforces de l'esprit, et non seulement l'éducation met de la différence entre lesesprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui setrouve entre les premiers à proportion de la culture ; car qu'un géant et unnain marchent sur la même route, chaque pas qu'ils feront l'un et l'autredonnera un nouvel avantage au géant.

Or, si l'on compare la diversitéprodigieuse d'éducations et de genres de vie qui règnent dans les différentsordres de l'état civil avec la simplicité et l'uniformité de la vie animale etsauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la mêmemanière et font exactement les mêmes choses, on comprendra combien ladifférence d'homme à homme doit être moindre dans l'état de nature que danscelui de société, et combien l'inégalité naturelle doit augmenter dans l'espècehumaine par l'inégalité d'institution.

"Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes(1754) Propositions pour orienter votre recherche1.• Les inégalités sociales ne trouvent pas leur origine dans la nature mais bien dans la société : milieu social,éducation.• Rousseau constate, explique, introduit des exemples et tire les conséquences de la véritable source desdifférences entre les hommes. - Il constate les inégalités physiques et intellectuelles entre les hommes.— Il explique que ces inégalités sont dues à l'éducation.• Il montre que plus on est cultivé plus on s'éloigne de celui qui ne l'est pas (métaphore du géant et du nain).• Il en conclut que :• Lorsque l'on vit de la même façon, les différences s'estompent jusqu'à devenir presque invisibles.• A l'inverse, les inégalités s'aggravent lorsque les modes de vie diffèrent. 2.

Les inégalités naturelles ont une origine biologique.

Elles sont dues à l'hérédité, elles sont innées (on naît avec).Par contre, les inégalités sociales ont pour origine le milieu dans lequel on vit.

Elles sont donc transmises etacquises, surtout par l'éducation.

Par exemple, pauvreté, nationalité ne sont pas héréditaires.

La couleur des yeuxet de la peau est héréditaire.3.

Cherchez la définition d'« incompatible ».

Demandez-vous si le progrès des sociétés s'accompagne d'un progrèsmoral qui réduirait les inégalités.Justice et progrès ne s'excluent-ils pas? Ce a quoi le texte s'oppose Rousseau conteste, dans cet extrait du Discours sur l'origine de l'inégalité, le préjugé selon lequel la nature estinégalitaire et instaure des différences de constitution entre les hommes, aussi bien sur le plan physiquequ'intellectuel.L'opinion commune affirme, en effet, que la nature a fait les uns plus robustes, les autres plus fragiles, les uns moinsintelligents, les autres plus rusés, etc.

Les sophistes grecs de l'Antiquité s'appuyaient d'ailleurs sur ces différencesnaturelles pour poser que seuls les plus forts doivent commander aux plus faibles.

Ainsi, pour eux, l'inégalité desdroits civils devait trouver sa justification dans l'inégalité que la nature avait instituée entre les hommes.

Dans ledialogue qu'il a intitulé Gorgias, Platon nous présente même le sophiste Calliclès soutenant, face à Socrate, la thèsesuivante : la véritable justiceest celle qui respecte les inégalités naturelles ; il est donc juste que les plus forts dominent les plus faibles etdeviennent les chefs dans une cité puisqu'ils sont, par nature, les plus forts.Rousseau s'oppose totalement à cette idée et inverse la perspective précédente : l'inégalité civile ne peut être,selon lui, légitimée par une prétendue inégalité naturelle puisque, dans l'état de nature, « l'uniformité de la vieanimale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même façon et font exactement lesmêmes choses », rend minimes les différences d'homme à homme.L'auteur déduit de cette constatation la loi selon laquelle l'inégalité naturelle augmente, dans l'espèce humaine, enproportion de l'inégalité d'institution, c'est-à-dire à mesure que les différences culturelles augmentent entre leshommes.

Ce que défend ce texte: Ce n'est donc pas la nature qui produit de l'inégalité, mais bien la culture.

En civilisant les hommes, la société créede l'inégalité et, souvent, des différences qui passent pour naturelles « sont uniquement l'ouvrage de l'habitude etdes divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société ».. »

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