Toute vérité a-t-elle besoin d'être prouvée ?
Publié le 14/03/2004
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On peut obtenir l'adhésion des hommes par la démonstration logique. C'est le cas des propositions mathématiques ; c'est aussi le cas du cogito cartésien : ce qui se conçoit clairement et distinctement est vrai parce qu'il est impossible de le mettre en doute. En effet, je peux douter de tout, mais pour douter il faut bien une pensée qui pense le doute. Ainsi, la pensée est la première vérité et personne ne doute que 2+2=4.On peut aussi obtenir l'adhésion des hommes en prouvant expérimentalement que le vide existe, que le moteur du corps humain est le coeur, ou que l'homme est fait de la même matière que les étoiles, etc.
[II. Mais les vérités du coeur obéissent-elles aux mêmes règles que les vérités de la raison ?]
Mais si l'on a besoin de prouver les vérités expérimentales afin d'établir des lois et des théories reconnues rationnellement par tous, et qui permettent d'agir sur le monde physique, qu'en est-il des vérités qui échappent au contrôle de la logique et des mathématiques, ce que Pascal appelle les «vérités du coeur« ? Descartes conçoit la philosophie comme « de longues chaînes de raison « et sa méthode demeure essentiellement démonstrative. Même lors-qu'il s'agit de l'existence de Dieu, il parle de preuves.
- DEFINITIONS:
• vérité : vient du latin veritas, « le vrai, la réalité «. La vérité est l'accord de la pensée avec elle-même, d'un point de vue logique, ou la conformité de la pensée et de son objet, d'un point de vue métaphysique. • a-t-elle besoin : ressentir la nécessité ; avoir besoin de : éprouver, voir la nécessité de, l'utilité de. • prouvée : témoigner, attester la vérité ou la véracité, manifester, montrer. Être l'indice, la preuve, le signe de : une preuve est ce qui sert à établir qu'une chose est vraie.
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Mais si l'on a besoin de prouver les vérités expérimentales afin d'établir des lois et des théories reconnuesrationnellement par tous, et qui permettent d'agir sur le monde physique, qu'en est-il des vérités qui échappent aucontrôle de la logique et des mathématiques, ce que Pascal appelle les «vérités du coeur» ?Descartes conçoit la philosophie comme « de longues chaînes de raison » et sa méthode demeure essentiellementdémonstrative.
Même lorsqu'il s'agit de l'existence de Dieu, il parle de preuves.
Dans les Méditations métaphysiques, Descartes fournit une double preuve de l'existence de Dieu par l'idée deperfection et l'idée d'infini qui sont en moi, moi qui suis un être imparfait etlimité, à la fois par le temps et par mon entendement.
Je n'ai donc pas puproduire ces idées.
Ces idées n'ont pu être placées en moi que par un êtresupérieur à moi.
Mais Pascal s'opposera à la méthode cartésienne.
La vériténe repose pas sur une méthode universelle, mais sur le respect des troisordres de réalité que sont les corps, les esprits et les coeurs.
La penséedevra se faire, selon les cas, esprit de géométrie, c'est-à-dire esprit déductifet argumentatif, démonstratif, ou esprit de finesse, c'est-à-dire capable deconnaître et de voir par l'intuition.
Le dieu de Pascal est « sensible au coeur», pas aux preuves cartésiennes !L'homme, pour vivre, a davantage besoin de repères existentiels que devérités logico-mathématiques.
L'homme a besoin d'amour, d'affection, deprojet.
« Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour », dit JeanCocteau, c'est-à-dire des actes.
Entre croire et savoir, il y a la mêmedifférence qu'entre aimer et calculer, qu'entre le sentiment et la raison.
Mais ilfaut se méfier des croyances qui conduisent parfois au fanatisme, audogmatisme, et colportent des préjugés dangereux (pensez aux préjugésracistes, par exemple).
Platon nous a avertis : le mythe de la cavernesymbolise l'état d'ignorance de l'homme.
Dans la caverne, l'homme, nonseulement ignore qu'il ne sait pas, mais il refuse de penser autrement.
Là estle danger.
Celui qui veut le soustraire à ce monde de préjugés, d'illusions,c'est-à-dire le philosophe, n'y arrivera que difficilement, après même une certaine violence pour détacher leprisonnier qui a fini par aimer ses chaînes.
[III.
Les postulats kantiens]
Nécessité et universalité sont « les deux marques sûres d'une connaissancevéritable », pense Kant.
Ces deux marques ont besoin du cadre del'expérience.
Une raison qui cherche la vérité en dehors de ce champ risqued'errer, voire de déraisonner.
Pourtant, on peut tenir pour vrais certainsjugements indémontrables, invérifiables, affirme Kant.
C'est ce qu'il appelle les«postulats de la raison pratique» : la liberté, Dieu, l'âme, etc., postulats quiseuls rendent possible l'action morale, le devoir.
Ainsi, affirmer sa liberté, c'esttenir pour vraie une proposition expérimentalement invérifiable.
La liberté esttoujours un postulat.
Il est donc possible de penser ce qu'on ne peut pasconnaître et d'y trouver une vérité.
« J'ai dû supprimer le savoir pour ysubstituer la croyance », dit Kant.
Au risque d'énoncer un paradoxe, on peutdonc dire que, pour Kant, il existe une « foi rationnelle ».
Citation : « Je dus donc abolir/mettre de côté le savoir afin d'obtenir uneplace pour la croyance » / « Ich musste das Wissen aufheben, um zumGlauben Platz zu bekommen »Cette citation est extraite de la préface à la seconde édition de la Critique dela Raison Pure de Kant – en AK III, 19.Le fait que Kant souligne dans le texte les deux notions « savoir » et« croyance » nous invite à nous interroger sur la nature du rapport entre cesdeux notions : radicale opposition, complémentarité, exclusion.
Le savoirexclut-il la croyance ? La croyance exclut-elle le savoir ? La traduction de aufheben par abolir peut naïvement laisser entendre que Kant accorde un primat à la croyance aupoint d'abolir, de mettre fin aux prétentions du savoir.
Cependant la pensée kantienne est plus complexe.
Qu'entendKant par mettre de côté le savoir ? Il faut y voir une entreprise de limitation des prétentions du savoir.
Le savoir estlimité à la sphère phénoménale, autrement dit à ce qui nous apparaît.
Kant en distinguant le phénomène de la choseen soi limite strictement le savoir aux phénomènes qui sont soumis au déterminisme, à une stricte causalité.
Cettelimitation qui est le but de la Critique de la Raison pure laisse donc une place pour la croyance.
Relève de lacroyance tout ce qui n'est pas à la portée de la science, en d'autres termes tout ce qui n'est pas de l'ordre de lapensée scientifique qui n'atteint que des objets construits par le sujet lui-même.
On ne peut à proprement parler dece qui est de l'ordre de la croyance que négativement.
Séparer savoir et croyance s'explique dans la philosophiekantienne par le dualisme entre intelligible / phénoménal.
L'homme ne peut connaître que le phénoménal ; mais ilpeut croire en l'intelligible.
Il n'y a pas de connaissance de l'intelligible mais bel et bien une croyance en celui-ci –croyance en l'immortalité de l'âme, en Dieu et en la liberté.
Kant allie dans un même mouvement dans le cadre decette citation lucidité, rationalité et foi sans tomber ni dans l'écueil positiviste, ni dans l'écueil de la foienthousiaste..
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