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Toute oeuvre d'art nous parle-t-elle de l'homme ?

Publié le 30/08/2014

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Au-delà des approches sentimentales ou documentaires des oeuvres, on doit admettre qu'elles ne nous « parlent « que de l'homme. Mais c'est toujours de manière indirecte, de biais, ou silencieusement : ce qu'elles affirment, c'est la position de l'esprit relativement à la nature — et cette position peut se décliner aussi bien comme défi au temps par le pari d'une invention durable que comme réflexion sur l'espace dans la peinture ou la sculpture, ou encore comme mise au point d'un nouveau mode de figura­tion. C'est dire que toutes les formes que présente l'histoire de l'art, y compris les plus récentes qui peuvent dérouter, n'en finissent pas de don­ner des preuves de l'insatisfaction de l'homme, tant par rapport à la nature que par rapport à ses propres inventions.

« Toutefois, ces œuvres ont toutes quelque chose en commun : elles appartiennent à des ensembles culturels qui, eux-mêmes, n'ont d'exis­ tence qu'humaine, et signifient que l'humanité est capable de mettre au point des manières différentes de se distinguer de l'ordre de la nature.

C'est ainsi parce que toute œuvre est en elle-même autre chose qu'une production de la nature qu'elle renvoie bien à« de l'homme», au simple sens où elle témoigne de la capacité d'invention de ce dernier, de la dis­ tance qu'il instaure entre ses productions et ce que lui propose la nature brute.

Dans cette optique, l'œuvre est tout autre chose qu'un document: elle résulte d'une élaboration contrôlée, obéit à certaines règles, est ou non soumise à des critères sociaux, etc.

Son existence évoque indirectement le contexte de sa production, les conceptions d'une époque, c'est-à-dire des modes de vivre et de penser dont elle n'a pas à porter témoignage, mais qui l'ont rendue possible.

[Ill- L'œuvre est la preuve de la liberté de l'esprit] Kant affirme que l'œuvre, dans sa constitution même, c'est-à-dire en raison de l'impression de finalité interne qu'elle produit, symbolise la moralité.

Comprenons que sa contemplation éveille en nous l'écho du fonctionnement qui est celui de la moralité : de même que cette dernière suppose le refus des intérêts égoïstes et 1' obéissance à la loi morale uni­ verselle, de même l'œuvre d'art s'affirme comme rassemblant ses propres éléments dans une totalité nouvelle qui la fait exister.

Si l'on approuve cette idée kantienne, on peut comprendre (à la condition toutefois -ce qui est sans doute contestable dans la mesure où certaines versions de la «beauté » paraissent'fondées sur le «bizarre » comme le formulait Bau­ delaire ou sur la surprise, sinon sur la terreur- d'admettre la validité uni­ verselle de la notion de finalité interne) que toute œuvre, si elle symbolise la moralité, nous « parle » en effet d'une dimension propre à l'homme.

Hegel objecte à Kant que la capacité symbolique ne concerne que les débuts de l'art.

Mais c'est pour proposer une définition de l'œuvre comme «manifestation sensible d'une idée», ce qui- s'il y a idée implicite­ renvoie bien une fois de plus à l'homme.

C'est peut-être encore Hegel qui nous permet le mieux de comprendre que l'œuvre parle toujours de l'homme, et surtout comment elle en parle : d'après lui, l'art est manifestation de l'esprit en tant que tel, et c'est à ce titre que l'homme y est toujours en question, y compris, peut-on ajouter, lorsqu'elle peut paraître la plus « froide » ou la plus éloignée de l'huma­ nité : lorsque Marcel Duchamp décide qu'un porte-bouteille acquis dans une quincaillerie peut accéder, parce qu'il en décide, au statut d'œuvre d'art, que fait-il d'autre que proposer une nouvelle conception de l'œuvre,. »

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