« Toute oeuvre d'art est un beau mensonge », écrit Stendhal. S'agissant de romans ou de poèmes que vous aimez, dites dans quelle mesure vous partagez cette opinion.

« — le vrai de la noce d'Emma et Charles (Flaubert) ;— le vrai de la mine dans Germinal, avec toute la documentation sur le travail et les maladies de .la mine (Zola) ;— le vrai dans le roman historique : Cinq Mars de Vigny. B.

Toujours du vrai même quand on ne l'érigé pas en théorie. 1.

La description des lieux.Même si c'est un mélange, il existe une base.

Le cadre de la Cour dans La Princesse de Clèves est un mélange desCours de Henri II et Louis XIV.2.

Le fantastique.Le Horla de Maupassant est plein d'épouvante et de fantastique, et cependant, il peint beaucoup de vrai : laNormandie, la maison, et même peut-être certaines hallucinations de Maupassant lui-même.

3.

Les sentiments.S'ils ne sont pas vrais, c'est du mauvais roman ou de la mauvaise poésie.

Peu importe qu'ils reposent sur unmélange, mais les composantes au moins doivent être vraies.— Eluard a aimé profondément trois femmes, certains de ses poèmes s'adressent à une sorte de femme idéale etapparemment irréelle, qui est un mélange de ces trois femmes, Gala, Nusch et Dominique. III.

Mais l'art est une re-création de la réalité. A.

Echec de la peinture réelle.1.

Si ce n'était pas un mensonge, ce serait une photographie de la réalité, et non plus une œuvre d'art.

Boileaudisait déjà que :« Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable »— On aboutirait à faire une chronique, un article de journal, un constat d'huissier, un inventaire, une photod'identité.2.

Exemples :a) Échec du réalisme absolu chez les Goncourt, qui ne parvenaient qu'à ennuyer leurs lecteurs ;— Échec de Grand, personnage de La Peste de Camus, qui reste toujours à la première phrase de son roman, car labelle amazone qu'il décrit ne lui semble jamais tout à fait conforme à la réalité ;— En peinture, différence frappante entre « Le Banquet de la garde civique pour fêter la conclusion de la paix deMunster » de Van der Helst, qui est une simple photographie de la réalité, purement anecdotique, et « La Ronde deNuit » de Rembrandt, qui est une œuvre d'art. B.

L'art comme re-création.L'art donne une seconde naissance, donc ne reproduit pas simplement. 1.

De nombreuses théories dans ce sens.

Parmi de nombreux exemples : a) Proust fait revivre tout un monde par l'art, tout un passé par la littérature.

L'incident de la madeleine, et lespavés inégaux dans la cour de la Princesse de Guermantes lui font comprendre qu'il peut « retrouver le temps » parl'Art.b) Valéry explique qu'il faut « choisir le meilleur dans ce vrai sur quoi l'on opère ; comment ne pas souligner, arrondir,colorer, chercher à faire plus net, plus troublant, plus intime, plus brutal que le modèle.

En littérature, le vrai n'estpas concevable ». 2.

Même le bon réalisme est sélectif. Les grands réalistes ont compris qu'il fallait choisir pour faire vrai.— Flaubert choisit les éléments caractéristiques, comme la casquette de Charles Bovary ou la pièce montée demariage pour faire comprendre ses personnages.— Maupassant, dans la Préface de Pierre et Jean, explique qu'il faut choisir certains éléments et en supprimerd'autres pour faire ressortir la vérité. 3.

L'art, c'est rendre des impressions. a) Les peintres impressionnistes, tels Monet, Degas, Renoir, transformaient la réalité pour la rendre plus vraie : ilspeignaient les ombres, les touches de couleur qui traduisaient les effets de lumière, si critiqués à l'époque.

Renoirpeignait les deux filles d'un banquier de façon beaucoup plus vraie que dans une simple reproduction, ou dans unephoto d'identité, et cependant, le père mécontent, refusa de le payer.b) Les poètes, tels Baudelaire, Verlaine, Rimbaud rendent des impressions de rêve, de sentiments esquissés, defemmes idéales et de paysages vagues.

Les « correspondances » s'établissent, et nous font entrevoir un autremonde.c) Des romanciers, comme Marcel Proust, ou d'une façon différente, comme Marguerite Duras créent des impressions: pour Proust, ces impressions viennent d'une extrême précision, d'une infinité de détails, de digressions etd'analyses psychologiques interminables; pour Marguerite Duras, elles ressortent dans Le Vice-Consul ou dansModerato Cantabile, d'une peinture floue et illogique de l'Orient ou d'une ville de bord de mer, avec des phrasesconstruites de façon étrange et une absence de logique dans le récit. Conclusion.. »