Tout est-il dit lorsque les sciences ont parlé ?
Publié le 05/02/2005
Extrait du document
Analyse du sujet :
Sciences : On utilise généralement le terme « science « pour désigner un certain type de savoir. Science vient d’ailleurs du latin scientia, qui est lui-même un dérivé de scire, « savoir «. Pour les anciens Grecs, la science constitue un savoir supérieur, une connaissance éminente qui a deux caractéristiques principales : elle porte sur l’universel car elle s’oppose aux opinions particulières et elle est purement théorique car elle diffère du savoir-faire pratique. Ils considéraient par ailleurs que la philosophie était la science suprême. Depuis l’époque moderne cependant, le modèle exemplaire de la science est plutôt celui d’une connaissance scientifique positive, basée sur la méthodologie de la science expérimentale. C’est-à-dire une science qui repose sur des critères précis de vérification permettant une objectivité des résultats.
Parler/dire : « Parler « renvoie à la notion de « parole «. La parole vivante, orale ou poétique, s’oppose d’habitude au langage constitué, écrit, prosaïque ou technique. Toutefois, si les sciences parlent, c’est bien entendu en réalité dans ce deuxième sens, le sens rationaliste. Platon définissait par ailleurs la pensée comme étant la « parole intérieure « : cela reviendrait à considérer que la parole serait inséparable de toute compréhension spirituelle, de toute opération de la raison humaine. Ainsi, la pensée et la parole seraient liées, et dire le faux, à la façon des poètes, ce serait trahir la parole. Toutefois, on peut faire une distinction et dire qu’entre la compréhension d’un rapport nécessaire ainsi qu’il en est dans les sciences et son expression par la parole intervient la liberté : la parole humaine est toujours libre et comporte un élément d’arbitraire, même si la relation que l’on veut démontrer est en soi absolument nécessaire. Cela nous renvoie également au « dire « et au statut du « discours. « Le discours scientifique, suivant l’exemple initié par Platon, cherche à plier le langage aux exigences de la pensée. Contre la sophistique qui ne vise que le pouvoir en usant de la fascination du discours, le discours scientifique cherche à utiliser la grammaire de la pensée et évite de se complaire dans les mots vides de sens.
Problématisation :
Prétendre que « tout est dit lorsque les sciences ont parlé «, c’est faire le pari que celles-ci épuisent entièrement leur objet, c’est assumer l’hypothèse selon laquelle le discours scientifique atteint la vérité essentielle de l’objet sur lequel il porte, et qu’il l’atteint dans son intégralité. Il faudrait alors considérer que les sciences possèdent une sorte d’omnipotence qui serait justifiée par le fait qu’elles auraient un accès privilégié à la vérité. Toutefois, n’est-il pas prétentieux, voire dangereux, de croire que l’homme puisse ainsi accéder à la vérité ? Ne serait-il pas tragique de s’en remettre à celui qui dit posséder la vérité s’il ne la possède pas vraiment ?
«
théories, nous pourrions en déduire qu'il n'a aucun accès à la réalité en soi.
En réalité, il est probable que lesthéories scientifiques n'aient pas à être littéralement comprises : ce ne sont en fait que des instruments pourclasser, prédire et agir sur les phénomènes.
Les entités qu'elles mentionnent ne sont que d'utiles fictionsintellectuelles.
Cette position constitue celle que soutiennent les antiréalistes, qui opposent à la thèse de la théorie-reflet soutenue par les réalistes celle de la théorie-outil.
La science est alors ramenée à un simple instrumentpermettant de faire des prévisions.b) Ainsi, du point de vue de l'antiréalisme, le physicien construit voire invente des entités et des processus, en vuede prévoir et de produire des événements.
Le terme « atome », par exemple, n'est pour l'antiréaliste qu'une manièreabrégée de désigner une classe de procédures expérimentales.
Cela ne signifie aucunement que les atomes existenteffectivement dans la nature indépendamment de l'homme qui en parle.
Passant du registre scientifique au registremétaphysique, un philosophe comme Berkeley ira même jusqu'à soutenir que le monde matériel n'est qu'unereprésentation des sujets humains, qu'il n'a pas d'existence autonome et qu'il disparaîtrait en conséquence si tousles hommes disparaissaient.c) Dès lors qu'on considère l'antiréalisme comme une thèse valide, on est bien obligé de considérer que les sciencesne « disent » pas tout.
Celles-ci ne font que donner des instruments pour saisir la réalité, mais elles ne disent pasvraiment ce qu'est le réel.
Aussi, nous pourrions accepter qu'un autre discours vienne compléter le texte de lascience, qui semble dépourvu de sens à lui seul.
Transition : Cette perspective ne doit-elle pas nous inviter à nous interroger sur la valeur du discours scientifique et à modérer son autorité ? Il faut donc éviter que le discours interprétatif des sciences ne se transforme en un discours normatif. 3.
a) Si la science n'est, comme le soutiennent les antiréalistes, qu'un instrument interprétatif, il s'en faut de loinqu'elle puisse prétendre avoir le dernier mot sur tout.
Le risque scientiste consisterait d'ailleurs dans le fait que lascience s'érige en un nouveau dogme et qu'elle nourrisse ainsi l'ambition de juger de tout, alors qu'elle n'est enréalité qu'un instrument pour nous aider à juger en notre âme et conscience.
La barbarie moderne, ce serait croireque tout est dit lorsque les sciences ont parlé.
Au nom d'une vérité qu'elle ne possède pas, la science deviendrait lecentre du pouvoir, un pouvoir qui dit agir au nom de la vérité et qui justifierait cela par la science.
Foucault ad'ailleurs montré que le pouvoir politique est toujours tramé avec le savoir, ainsi déclare-t-il que le pouvoirdisciplinaire « quand il s'exerce dans ses mécanismes fins, ne peut pas le faire sans la formation, l'organisation et lamise en circulation d'un savoir » (« Cours du 14 Janvier 1976 »)b) Le discours scientifique doit donc se doubler d'un discours critique qui mettrait en question la valeur de la scienceet son usage réel.
Il est nécessaire que subsiste un discours qui, plus que la science, ait le dernier mot.
Un discoursouvert au dialogue et au partage, qui permette l'interaction des subjectivités, et s'affirme contre la prétentionabsolutiste de la soi-disant « objectivité » scientifique.c) Ce discours qui chapeauterait la science ne peut bien entendu qu'être un discours éthique.
Comme le disait déjàRabelais au XVI è siècle : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » ( Pantagruel , chapitre VIII).
Puisque la vérité est inaccessible, il ne reste à l'homme qu'à sonder son cœur pour chercher le sens qu'il veut y mettre.
Sansdoute chacun trouvera le sien propre, mais ce sens unique trouvé en soi doit inviter à l'échange entre les hommes,car on sait bien que d'autres hommes ont trouvé d'autres sens.
Ainsi, des multiples interprétations du texte de laréalité, naîtront plusieurs sens qui mèneront finalement chacun – on peut l'espérer – vers un peu plus de noblessed'âme.
Conclusion : Dans une première partie, nous avons présenté le point de vue courant sur les sciences, celui selon lequel lessciences parviendraient à découvrir la réalité du monde, et qu'il n'y aurait ainsi plus rien à ajouter après elles.
Suiteà cela, nous avons montré la faiblesse d'une telle interprétation, et avons souligné que les sciences n'étaient quedes discours interprétatifs et utilitaires.
Enfin, nous en avons conclu que le discours scientifique ne devait pas noussuffire, et que le discours qui devait prendre le dessus devait être un discours éthique..
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