Tout désir n'est-il qu'illusion de son objet ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
besoin s'indexe sur l'objet, le désir porterait quant à lui sur un objet sans être causé par lui.
Autrement dit ce n'estpas la pomme qui était désirable en soi, c'est le désir d'Adam pour elle qui l'a rendu désirable.
Comme l'écrit Spinoza dans son Ethique III, 9 « nous ne nous efforçons pas vers quelque objet, nous ne le voulons, ne le désirons que parce que nous désirons qu'il est unbien, mais au contraire nous ne jugeons qu'un objet est un bien que parceque nous nous efforçons vers lui, parce que nous le voulons le poursuivons, ledésirons ».
Ainsi c'est notre désir qui est premier et nous croyons qu'il estcausé par l'objet.
Par conséquent notre désir s'illusionne lorsqu'il croit qu'il estlui-même causé par la connaissance d'un objet réel._C'est ce qui explique pourquoi l'amoureux croit aimer une femme pour desqualités objectives, lorsque ses amis proches s'étonnent que son choix se soitporté sur une femme dont ils perçoivent la laideur.
Pourquoi le proverbe ditque « l'amour est aveugle » sinon parce que le désir habille de qualitésillusoires l'objet sur lequel il a jeté son dévolu ? C'est la thèse développée,par Stendhal au chapitre II de son livre De l'amour sous la forme du processus de cristallisation : lorsque on aime, on désire une personne qu'onpare de qualités de même que la branche trempée dans l'eau hivernale secouvre de cristaux.
L'amoureux est victime d'une illusion : il croit aimer unefemme parce qu'elle est belle, alors qu'il ne la trouve belle que parce qu'ill'aime.
Ainsi le désir est doublement illusion de son objet : il croit être causépar l'objet alors que c'est lui qui le pare de qualités désirables et sa croyancese fonde sur une logique rétrospective d'inversion._ Enfin le désir s'illusionne sur son objet dans la mesure où il croit pouvoir être satisfait par sa possession.
L'illusionfondamentale du désir réside dans la croyance en la capacité d'un objet à le satisfaire, c'est à dire à faire accéderle sujet qui l'éprouve au bonheur.
Comme l'écrit Pascal au fragment 148 des Pensées en édition Lafuma : tous les hommes recherchent d'être heureux jusqu'à ceux qui vont se pendre.
Si la quête du désir nous mène au désespoir,c'est parce que nous croyons que le désir peut nous faire accéder au bonheur.
Il suffirai de posséder l'objet du désirpour qu'il soit satisfait.
Or les hommes, selon Pascal, depuis le péché originel ne cessent de s'illusionner suer l'objetde leurs désirs : ils croient pouvoir être heureux grâce à des richesses, de beaux vêtements, une femme, ou unmétier.
Ils essaient de combler par des objets finis l'infinité du désir lui-même : « ce gouffre infini ne peut êtrerempli que par une objet infini et immuable, c'est à dire par Dieu-même ».
Par conséquent, il serait dans l'essence dudésir de s'illusionner sur son objet dans un triple sens : le désir croit être causé par un objet que le sujet pare lui-même de qualités, son illusion est renforcée par la logique rétrospective qui inverse les causes et les effets, etenfin, le sujet désirant croit que son désir peut être comblé et lui apporter le bonheur ; ce qui représente sansdoute l'illusion la plus fondamentale et la plus dangereuse du désir.Si tout désir est par essence illusion de son objet, faut-il penser que le désir constitue une malédiction pourl'homme ? III « L'illusion » comme propriété essentielle de la vie humaine _ Le désir est constitutif de notre humanité.
Désirer, c'est tours désirer quelque chose qui n'est pas essentiellementnécessaire, mais comporte une part de gratuité, de luxe ou de superflu.
Comme l'écrit Bachelard dans la Psychanalyse du feu , « la conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire ».
L'esprit qui est ce par quoi l'homme s'arrache à l'animalité naît du désir et non du besoin.
Le besoindéfinit ce qui est animal en l'homme, c'est dire le processus physiologique et biologique par lequel il conserve soncorps et le perpétue dans la durée.
Les cochons s'alimentent au sens où ils consomment des objets nécessaires àleur survie.
Mais l'homme seul mange dans la mesure où l'acte même de manger dépasse le simple seuil biologique.
Sile fait d'être rivé au nécessaire constitue l'animalité, c'est notre capacité à nous tourner du côté du superflu quinous permettrait d'être des hommes.
De ce point de vue, on pourrait affirmer avec Breton dans son Manifeste pour le surréalisme qu'il n'y a rien de plus nécessaire pour les hommes que le superflu.
En ce sens, selon Bachelard, « l'homme est une création du désir non pas une création du besoin ».
Or si c'est par le désir que l'homme est unhomme, en quel sens peut-on dire qu'il est par essence illusoire ?_Etre victime d'une illusion, c'est tenir pour vraie une chose qui ne l'est pas.
Or si l'homme tient pour nécessaire à sasurvie biologique le fait de déguster des plats en sauce, il se trompe assurément ; mais il ne commet cependant pasd'erreur lorsqu'il tient pour nécessaire à son humanité le fait de manger et non pas seulement de s'alimenter.
Lagastronomie de ce point de vue est une invention aussi essentielle à notre humanité que la littérature ou laphilosophie.
En effet la gastronomie arrache notre alimentation à la bestialité pour l'inscrire dans le champ du sens.Bachelard explique par exemple ce que représente pour lui le fait de manger une gaufre ou de boire de l'alcool ; ellene se limite pas à un horizon biologique, mais ouvre sur la construction imaginaire de significations sédimentées dansla culture : « je mangeais du feu, je mangeais son or, son odeur et jusqu'à son pétillement tandis que la gaufrebrûlante craquait sous mes dents ».
Par la gastronomie, nous consommons ce qui résiste à toute consommation,c'est à dire le sens constitué par les significations imaginaires.
Le sens résulte d'une construction imaginaire qui nouspermet d'habiter un monde humain et non un chaos.
Le sens désigne l'aura indéfinissable qui nous semble émanerdes choses quoique ce soit nous humains qui les projetions sur elles.
Autrement dit nous feignons de croire que nousdésirons les choses pour ce qu'elles sont, mais nous ne sommes pas dupes nous-même de ce procédé artificiel._Plutôt que victimes, nous sommes les auteurs de cette illusion féconde et consentie qu'est le monde humain de laculture.
Si nous ne sommes pas passifs, c'est que nous sommes en grande partie complices de cette ruse du désirqui consiste à attribuer à un objet la cause du désir.
Il est en ce sens essentiel au désir de s'ignorer lui-mêmecomme cause et de s'éprouver comme effet.
De ce point de vue, il est possible de réhabiliter la perspective de.
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