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Thomas d’Aquin, Somme théologique - l’usure

Publié le 11/02/2019

Extrait du document

Expliquer le texte suivant :

 

Recevoir un intérêt ou une usure pour de l’argent prêté est une chose injuste de soi, car en faisant cela on vend une chose qui n’existe même pas ; d’où résulte évidemment cette sorte d’inégalité qui est opposée à la justice. Pour rendre cette proposition évidente, remarquons d’abord qu’il est des choses dont l’usage entraîne leur destruction ; ainsi le vin que nous buvons, le blé que nous mangeons se consomment ou se détruisent par l’usage. Pour de telles choses on ne doit pas séparer l’usage de la chose elle-même ; du moment où la chose est cédée, on en cède aussi l’usage. [...] Il est des choses, au contraire, qui ne sont pas du tout desti-nées à être consumées ou détruites par l’usage ; l’usage d’une maison consiste à l’habiter et non à la détruire. Pour ces sortes de choses on peut traiter séparément de l’usage et de la chose elle-même ; ainsi l’on peut vendre une maison en s’en réservant l’usage pour quelque temps, et, réciproquement, céder l’usage d’une maison, en s’en réservant la pro- priété. Voilà pourquoi on est en droit de faire payer l’usage d’une maison et de demander en outre qu’elle soit convenablement entretenue, comme cela se pratique dans les baux et les locations. Mais la monnaie a été principalement inventée [...] pour faciliter les échanges. D’où il suit que l’usage propre et principal de l’argent monnayé consiste en ce qu’il soit dépensé et consumé en servant aux commutations ordinaires. Il est donc illicite en soi de retirer un intérêt pour l’usage de l’argent prêté, ce en quoi consiste l’usure proprement dite. Et de même qu’on est tenu de restituer toute autre chose injustement acquise, de même on est tenu de restituer l’argent qui est le fruit de l’usure.

 

Thomas d’Aquin, Somme théologique.

 

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

La troisième « catégorie » de biens concerne la monnaie et elle seule, parce qu’elle se distingue des deux premières : son usage ne la détruit pas, du moins en tant que telle (il peut simplement modifier la richesse de celui qui en use), et il n’est pas possible d’y distinguer ce qui y représenterait un bien de ce qui en serait un usage. Si cette distinction était possible, on voit que la monnaie serait intégrée dans la catégorie précédente : on pourrait alors la louer - et cela rendrait légitime l’intérêt et l’usure.

« .

COUP D• PQPÇ• • Analyse du sujet - Le texte n'est pas d'un abord facile, non seulement à cause de son style, mais aussi parce qu'il propose une analyse de l'argent et de sa cir­ culation antérieure à la mise en place de l'économie telle que nous la connaissons.

- Thomas fonde sa condamnation de l'usure sur une différenciation des usages que l'on peut faire des biens, et sur une définition de la mon­ naie comme simple moyen d'échange.

- Le prêt est fait pour être dépensé, ce qui est l'usage normal de la monnaie ; l'usure est donc « injuste en soi», puisqu'elle prétend retirer un intérêt d'un usage normal, ou correspondre à la verite d'un objet inexis­ tant.

• Piéges à éviter - Ne pas tenir compte de l'époque du texte (xm• siècle), et prétendre le contester en lui opposant l'existence des prêts bancaires, du système bour­ sier.

etc.

- Confondre les différentes catégories de biens que distingue le texte : on n'hésitera pas à utiliser ces distinctions pour élaborer le plan de la copie.

- Négliger le fait que, si Thomas critique l'usure, c'est qu'elle est déjà pratiquée : sa condamnation morale peut-elle avoir quelque efficacité sur 1' « économie ? CORRIGÉ [Introduction] L'économie moderne nous a si bien habitués à verser un intérêt pour toute somme empruntée que cela nous semble « obligatoire » ou « natu­ rel >>.

Thomas d'Aquin considère au contraire que l'intérêt, plus volontiers nommé, à son époque, l'usure, est immoral et injuste, et il entreprend de le démontrer.

C'est précisément parce que son texte peut surprendre dans sa manière de considérer la circulation de l'argent qu'il est intéressant d'examiner en détail une argumentation correspondant à un moment «pré-capitaliste » de l'économie.. »

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