Texte de Spinoza: ... Pour parvenir à garder un autre individu en sa puissance...
Publié le 03/10/2013
Extrait du document
"Pour parvenir à garder un autre individu en sa puissance, on peut avoir recours à différents procédés. On peut l'avoir immobilisé par des liens, on peut lui avoir enlevé ses armes et toutes possibilités de se défendre ou de s'enfuir. On peut aussi lui avoir inspiré une crainte extrême ou se l'être attaché par des bienfaits, au point qu'il préfère exécuter les consignes de son maître que les siennes propres, et vivre au gré de son maître qu'au sien propre. Lorsqu'on impose sa puissance de la première ou de la seconde manière, on domine le corps seulement et non l'esprit de l'individu soumis. Mais si l'on pratique la troisième ou la quatrième manière, on tient sous sa dépendance l'esprit aussi bien que le corps de celui-ci. Du moins aussi longtemps que dure en lui le sentiment de crainte ou d'espoir. Aussitôt que cet individu cesse de les éprouver, il redevient indépendant. Même la capacité intérieure de juger peut tomber sous la dépendance d'un autre, dans la mesure où un esprit peut être dupé par un autre. Il s'ensuit qu'un esprit ne jouit d'une pleine indépendance, que s'il est capable de raisonnement correct. On ira plus loin. Comme la puissance humaine doit être appréciée d'après la force non tant du corps que de l'esprit, les hommes les plus indépendants sont ceux chez qui la raison s'affirme davantage et qui se laissent davantage guider par la raison. En d'autres termes, je déclare l'homme d'autant plus en possession d'une pleine liberté, qu'il se laisse guider par la raison."
Spinoza.
Dans une première étape, comme il l'annonce au début du texte, Spinoza distingue deux formes de domination : une première qui s'exerce sur le corps, une seconde sur l'esprit et le corps ensemble. Il suggère à la fin du premier paragraphe le fondement de cette domination : les passions de crainte et d'espoir .
Dans une seconde étape, l'auteur réaffirme tout d'abord l'existence d'une domination s'exerçant sur l'esprit seul ; mais c'est pour déterminer ensuite les conditions et la définition d'une vraie liberté, affranchie de toute domination : un homme est d'autant plus libre qu'il vit davantage sous la conduite de sa raison. Notons au passage que la formulation de Spinoza (« d'autant plus ... que «) suggère la possession d'une liberté plus ou moins étendue ; autrement dit, elle indique l'existence de divers degrés de liberté. Cette idée devra être commentée au cours de l'étude.
«
Q Analyse du texte
LES TERMES À RETENIR
.,..
Tout d'abord, une série de termes renvoie à la notion de pouvoir.
Ils
qualifient la
domination qu'un homme peut exercer sur un autre : « puis
sance
», « maître », « domine », « soumis », « dépendance ».
Le texte
va donc tenter de
définir la nature du pouvoir .
.,..
A contrario, le second paragraphe du texte développe un vocabulaire
de la liberté : cc indépendance », « capacité intérieure de juger », cc puis
sance humaine
» « liberté ».
La présence de ces deux champs séman
tiques suggère que Spinoza oppose domination
et liberté, tout en défi
nissant
leurs conditions d'existence •
.,..
Il faut noter que le terme de puissance reçoit dans ce texte deux signi
fications opposées
selon le contexte où il est utilisé : soit il renvoie au
pouvoir exercé par un homme sur un autre (dans le premier paragraphe,
1.
1-7); la puissance est alors puissance subie.
Soit il signifie au contraire
la liberté même de l'homme (dans le second paragraphe, 1.
17-19); dans
ce cas,
la puissance est puissance possédée.
Il importe de bien dis
tinguer ces deux significations car
elles structurent la progression même
du texte.
LA CONCLUSION DU TEXTE
.,..
La dernière phrase du texte expose la thèse du second paragraphe :
l'homme est d'autant plus libre qu'il obéit davantage à la raison.
Cette
conclusion est importante ; cependant, elle ne résume correctement que
la seconde partie du texte.
Pour posséder une vue d'ensemble du propos
de
Spinoza, il faut se référer au début du second paragraphe, où l'auteur
affirme que l'esprit d'un homme peut, lui aussi, être maîtrisé et dominé.
Ces deux thèses résument le double objectif de Spinoza dans ce texte :
d'une part, définir un type de domination qui porte à la fois sur l'esprit
et le corps ; d'autre part, établir la condition d'une liberté qui puisse
s'affranchir de cette domination.
LA STRUCTURE DU TEXTE
La structure d'ensemble du texte est relativement claire et suit un
découpage
en deux paragraphes..
»
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