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Texte de Sartre : essence et existence

Publié le 09/11/2012

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           « L'existentialisme athée [...] déclare que si Dieu n'existe pas, il y a au moins un être chez qui l'existence précède l'essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c'est l'homme ou, comme dit Heidegger, la réalité-humaine. Qu'est ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. L'homme est non seulement tel qu'il se conçoit, mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence, l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait. Tel est le premier principe de l'existentialisme. C'est aussi ce qu'on appelle la subjectivité, et que l'on nous reproche sous ce nom même. Mais que voulons-nous dire par là, sinon que l'homme a une plus grande dignité que la pierre ou que la table ? Car nous voulons dire que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur ; rien n'existe préalablement à ce projet ; rien n'est au ciel intelligible, et l'homme sera d'abord ce qu'il aura projeté d'être. «
 
Sartre, L'existentialisme est un humanisme, (1945), Paris, Gallimard, p. 29-30.
 
 
 
            
Ce passage est extrait d’une conférence faite par Sartre en 1945 au Club maintenant sous la forme interrogative : l’existentialisme est-il un humanisme ? Il s’agit alors de répondre aux objections des thèses défendues dans son opus magnum L’Être et le Néant (1943). Le problème est de savoir si l’existence est postérieure ou antérieure à la nature de l’homme. Sartre refuse au nom de la liberté la notion de « nature humaine « en rejetant ici l’idée d’une humanité inscrite dans une essence, donnée à la naissance. Pour l’auteur il faut parler plutôt de « condition universelle de l’homme «. 

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« l’inverse, pour Sartre, l’homme ou la « réalité -humaine » (transposition du Das ein , l’être -là, chez H eidegge r), existe d ’abord, c’est -à -dir e qu’il est un être là, qu’il est là , qu’il surgit de manière conting ente dans le monde, et il est définit ensuite s eulem ent par un conc ept.

On ne le déduit pas d’une I dée préexistante, mais il n’est d’abord « néant » et c’ est uniquem ent par c e qu’il fait, par s es act es, qu’il se définit : la notion de « nature humaine », de concept universel (par exemple, l’homm e s erait un animal polit ique (Aristote), raisonnable (Descartes) que l’ on retrouverait en philosophie et chez le se ns commun, est ainsi ruinée par la critique sartrienne, car il n’existe pour lui aucun Dieu qui formerait l’Idée d’homme pour en tir er s elon une opération logique ou tec hnique l’existence concrète d’un individu.

Si l’homme n’est pas créé, c’ est lui qui se crée par son activité subjective.

S’agit -il ici d’un subjectivisme que le s critiques marxist es reproch ent à Sartre ? L e subj ectivisme est une conséqu ence du fait que chez l’homme, l’e xistenc e précède l’ess ence : en e ffet, si l’homme existe d’abord pour se définir ensui te, c’est qu’il vit sa situation et ses projets au lieu de les subir ; il est conscient de ce qu’il fait, par opposition à ce qui est en soi.

L’exist ence e st donc subje ctive, elle est celle d’un sujet consci ent d e lui -m ême.

L’homme n’ existe pas à la manière des choses natu relles comme l’h erbe qui se développe conformément à des lois qu’ elle n’a pas choisie (lois d e la nature), mais il n’e xiste pas non plus à la manière des objets fabriqués.

Ce stylo bleu dont on se sert existe évidemm ent.

Mais avant d’exister il a été conçu par un ingénieur.

Construit selon un modèle et pour un usage de ce stylo qui a été une idé e, autrement dit une « esse nce », une nature avant d’être une existenc e.

Mais l’homme existe, c’est -à -dire au sens fort d’ ex- sister, d’ être un ê tre tou jours en avant de lui -m ême.

Il est cet être qui a pour nature de ne pas être, il est « rie n » avant d’être jeté dans des situations historiqu es singulières.

Ma su bjectivité, ma personnalité n’est pas const ruite sur un archétype dessiné au préala ble et pour une finalité précise et déterminée.

Tous l es obj ets sont relatifs à l’usage qu e l’homme en fait, mais il n’est pas l’objet ni l’outil de personne.

Le stylo est pour l’écrivain, non l’écrivain pour l e stylo.

L’existence est donc « absurde » sans signification préétablie , ce qui n’acc rédite pas une pe nsée pessimiste d e la vie.

Bie n au contraire, pour Sartr e, la vie n’est ni laide ni cruelle comm e ch ez Schopenhaue r.

Absurde (absurdum, ce qu’on ne pe ut ent endre d’ emblé e) doit ê tre compris au sens logique : non réductible par la raison.

« Les existants apparaissent , dit Sartre, se laiss ent r encontrer mais on ne peut jamais les déduire.

» Sartre lie la négation de l’essence d e l’homme à ce lle de Dieu.

Ce qu’il ent end dire c’est qu’il n ’y a pas un Di eu créateur, artisan, il nie ainsi le Dieu de Leibniz qui conçoit d’abord dans son entendem ent l’ess ence d e l’homme et cré e e nsuite par un acte de sa divine volonté l’espè ce humaine, conforme à l’esse nce préalablement conçue.

Ainsi le concept d’homme, dans l’esprit de Dieu est assimilable au concept de stylo dans l’esprit d e l’ingéni eur qui le produit.

Notons que le Dieu rej eté par Sa rtre est aussi bien l e Dieu -horloger d e Voltaire que le Dieu C réateur de Leibniz.

L’homme n’ayant reçu aucune essence préétablie sera t el qu’il se sera fait.

L’ exist entialisme est donc outre une pe nsée de la liberté absolue, mais aussi une philosophi e de là joie, pu isque rien ne nous déte rmine intérieure ment et extérieur em ent.

Assurém ent, tout homme est en « situation ».

Il a un corps, un passé, des amis, des obstacles devant lui, d es problèm es existentiels au xquels il est constamment confronté.

Mais ces situations dans l esqu elles l’homm e e st jeté n’en dét ermin ent pas sa conduite.

Par exemple , le dét ermi nism e prét end (Sartre pense à Spinoza s’inscrivant dans une nécessitarisme) que l es ge ns opprimés se sont révoltés parce qu’ils étaient dans des circonstances intolérables.

L’ existentialiste remarque qu’aucune situation n’est en soi intolérable, elle le devi en t parc e qu’un projet de révolte lui a conféré un sens.

On aurait pu ave c un autre projet considérer la situation comme une épreuve sanctifiante, comme l’oc casion bénie de s e purifi er et d’ offrir se s souffrances à Dieu.

En projetant des int entions, l es visées d’avenir sur la situation actuelle, c’ est le sujet qui librem ent transforme celle -ci en motif d’action.

C e sont donc l es projets libr es qui assign ent un sens aux circonstances.

Le monde ne prend de signification que par référ ence aux projets , il n’ est jamais que le miroir d e ma lib erté absolu e.

Ce « dépassem ent, cet « échappement », des situations présent es par un pro-je t à venir, c’est ce que Sartre. »

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