Texte de Sartre : essence et existence
Publié le 09/11/2012
Extrait du document
«
l’inverse, pour Sartre, l’homme ou la « réalité -humaine » (transposition du Das ein , l’être -là, chez
H eidegge r), existe d ’abord, c’est -à -dir e qu’il est un être là, qu’il est là , qu’il surgit de manière conting ente
dans le monde, et il est définit ensuite s eulem ent par un conc ept.
On ne le déduit pas d’une I dée
préexistante, mais il n’est d’abord « néant » et c’ est uniquem ent par c e qu’il fait, par s es act es, qu’il se
définit : la notion de « nature humaine », de concept universel (par exemple, l’homm e s erait un animal
polit ique (Aristote), raisonnable (Descartes) que l’ on retrouverait en philosophie et chez le se ns commun,
est ainsi ruinée par la critique sartrienne, car il n’existe pour lui aucun Dieu qui formerait l’Idée d’homme
pour en tir er s elon une opération logique ou tec hnique l’existence concrète d’un individu.
Si l’homme
n’est pas créé, c’ est lui qui se crée par son activité subjective.
S’agit -il ici d’un subjectivisme que le s
critiques marxist es reproch ent à Sartre ? L e subj ectivisme est une conséqu ence du fait que chez l’homme,
l’e xistenc e précède l’ess ence : en e ffet, si l’homme existe d’abord pour se définir ensui te, c’est qu’il vit sa
situation et ses projets au lieu de les subir ; il est conscient de ce qu’il fait, par opposition à ce qui est en
soi.
L’exist ence e st donc subje ctive, elle est celle d’un sujet consci ent d e lui -m ême.
L’homme n’ existe pas à la manière des choses natu relles comme l’h erbe qui se développe
conformément à des lois qu’ elle n’a pas choisie (lois d e la nature), mais il n’e xiste pas non plus à la
manière des objets fabriqués.
Ce stylo bleu dont on se sert existe évidemm ent.
Mais avant d’exister il a
été conçu par un ingénieur.
Construit selon un modèle et pour un usage de ce stylo qui a été une idé e,
autrement dit une « esse nce », une nature avant d’être une existenc e.
Mais l’homme existe, c’est -à -dire au
sens fort d’ ex- sister, d’ être un ê tre tou jours en avant de lui -m ême.
Il est cet être qui a pour nature de ne
pas être, il est « rie n » avant d’être jeté dans des situations historiqu es singulières.
Ma su bjectivité, ma
personnalité n’est pas const ruite sur un archétype dessiné au préala ble et pour une finalité précise et
déterminée.
Tous l es obj ets sont relatifs à l’usage qu e l’homme en fait, mais il n’est pas l’objet ni l’outil
de personne.
Le stylo est pour l’écrivain, non l’écrivain pour l e stylo.
L’existence est donc « absurde » sans signification préétablie , ce qui n’acc rédite pas une pe nsée
pessimiste d e la vie.
Bie n au contraire, pour Sartr e, la vie n’est ni laide ni cruelle comm e ch ez
Schopenhaue r.
Absurde (absurdum, ce qu’on ne pe ut ent endre d’ emblé e) doit ê tre compris au sens
logique : non réductible par la raison.
« Les existants apparaissent , dit Sartre, se laiss ent r encontrer mais
on ne peut jamais les déduire.
» Sartre lie la négation de l’essence d e l’homme à ce lle de Dieu.
Ce qu’il
ent end dire c’est qu’il n ’y a pas un Di eu créateur, artisan, il nie ainsi le Dieu de Leibniz qui conçoit
d’abord dans son entendem ent l’ess ence d e l’homme et cré e e nsuite par un acte de sa divine volonté
l’espè ce humaine, conforme à l’esse nce préalablement conçue.
Ainsi le concept d’homme, dans l’esprit de
Dieu est assimilable au concept de stylo dans l’esprit d e l’ingéni eur qui le produit.
Notons que le Dieu
rej eté par Sa rtre est aussi bien l e Dieu -horloger d e Voltaire que le Dieu C réateur de Leibniz.
L’homme n’ayant reçu aucune essence préétablie sera t el qu’il se sera fait.
L’ exist entialisme est
donc outre une pe nsée de la liberté absolue, mais aussi une philosophi e de là joie, pu isque rien ne nous
déte rmine intérieure ment et extérieur em ent.
Assurém ent, tout homme est en « situation ».
Il a un corps, un
passé, des amis, des obstacles devant lui, d es problèm es existentiels au xquels il est constamment
confronté.
Mais ces situations dans l esqu elles l’homm e e st jeté n’en dét ermin ent pas sa conduite.
Par
exemple , le dét ermi nism e prét end (Sartre pense à Spinoza s’inscrivant dans une nécessitarisme) que l es
ge ns opprimés se sont révoltés parce qu’ils étaient dans des circonstances intolérables.
L’ existentialiste
remarque qu’aucune situation n’est en soi intolérable, elle le devi en t parc e qu’un projet de révolte lui a
conféré un sens.
On aurait pu ave c un autre projet considérer la situation comme une épreuve sanctifiante,
comme l’oc casion bénie de s e purifi er et d’ offrir se s souffrances à Dieu.
En projetant des int entions, l es
visées d’avenir sur la situation actuelle, c’ est le sujet qui librem ent transforme celle -ci en motif d’action.
C e sont donc l es projets libr es qui assign ent un sens aux circonstances.
Le monde ne prend de
signification que par référ ence aux projets , il n’ est jamais que le miroir d e ma lib erté absolu e.
Ce
« dépassem ent, cet « échappement », des situations présent es par un pro-je t à venir, c’est ce que Sartre.
»
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