Texte de KANT: L'homme est un animal qui, du moment où il vit parmi d'autres individus de son espèce, a besoin d'un maître…
Publié le 02/10/2010
Extrait du document
Parce que nous sommes des êtres de raison, nous savons ce qui est juste et injuste, ce qui est bien et mal : le criminel agit mal, sans doute, mais il le sait parce qu'il porte en lui ce que Kant nomme « la voix de la conscience «, qui le juge, et le condamne. Seulement, il ne suffit pas de savoir que ce que je fais est injuste pour ne pas le faire : le voleur sait qu'il est injuste de voler, qu'un monde où chacun volerait tous les autres sombrerait dans l'absurdité, mais cela ne l'empêche pas de satisfaire son désir de possession en dérobant l'objet qu'il convoite. Alors, un homme peut-il être juste par lui-même ? Comment autrement dit résorber la différence entre le bien qu'il connaît et le mal qu'il fait ?
«
b) Chaque individu souhaite que sa personne et ses biens soient défendus par la loi : là où il y a des lois, il ne suffitplus qu'autrui soit plus puissant que moi pour qu'il ait sur moi tous les droits, y compris celui de vie et de mort.
Nousavons donc tous tendance à souhaiter que la loi nous protège de la violence des autres ; mais lorsque la loi vientnous interdire d'accomplir certains de nos désirs, nous avons également tendance à nous en affranchir.
L'individu aen effet toujours tendance à opposer ses volontés particulières (« je veux ceci »), c'est-à-dire ses désirs, à lavolonté universellement valable, c'est-à-dire au commandement exprimé par la loi, et qui s'impose à tous.
Rien deplus facile, que d'obéir aux lois lorsqu'elles nous arrangent ; en revanche, pour que l'individu respecte la loi quandelle contrarie ses désirs, c'est-à-dire ses intérêts ou volontés particuliers, il faudra le contraindre, il faudra « unmaître qui batte en brèche sa volonté particulière et le force à obéir ».
En d'autres termes, il faut non seulementdes lois aux hommes (ce qu'ils sont tous prêts à admettre), mais il faut aussi une instance qui les fasse respecter,par l'usage de la force s'il le faut – et ce sera le rôle du maître, dépositaire de la force publique, bras armé dela loi.c) Cependant, ce maître qui contraint les hommes à respecter les lois quand ils ne le veulent pas parce qu'ellescontrarient leurs intérêts privés, est lui-même un homme : il a lui-même une double nature, à la fois rationnelle etdésirante.
On peut toujours craindre alors, qu'il tourne le pouvoir à son profit, et ne respecte lui-même la loi quelorsque cela l'arrange.
Or, si ce maître contraint les autres à respecter les lois au nom de l'intérêt général, rien nel'oblige lui-même à les respecter : il faudrait un maître du maître, puis un maître du maître du maître, et ainsi desuite à l'infini, ce qui est impossible.
On ne peut donc qu'espérer trouver un homme assez rationnel pour secontraindre lui-même à respecter les lois qu'il oblige les autres à respecter ; un homme (ou une assemblée) quiserait suffisamment maître de lui-même pour être capable de renoncer à ses désirs, sans y être contraint del'extérieur.
La solution, ce serait donc de trouver un maître qui soit un être purement rationnel ; mais ce serait alorsplus qu'un homme, et c'est là un idéal, en sorte que « la nature nous oblige à ne pas chercher autre chose qu'ànous approcher de cette idée ».
Notre nature en effet, celle d'être raisonnables et désirants, rend impossible dansles faits l'existence d'un homme entièrement maître de lui, qui agirait toujours conformément à ce que la raisonordonne, en faisant à chaque fois abstraction de ses désirs particuliers.
Mais cet idéal a une valeur rectrice : il fautcultiver la raison en nous, apprendre à nous libérer de la puissance du désir, pour nous approcher peu à peu decette idée.
3.
Parce que nous sommes des êtres de raison, nous savons ce qui est juste et injuste, ce qui est bien et mal : lecriminel agit mal, sans doute, mais il le sait parce qu'il porte en lui ce que Kant nomme « la voix de la conscience »,qui le juge, et le condamne.
Seulement, il ne suffit pas de savoir que ce que je fais est injuste pour ne pas le faire :le voleur sait qu'il est injuste de voler, qu'un monde où chacun volerait tous les autres sombrerait dans l'absurdité,mais cela ne l'empêche pas de satisfaire son désir de possession en dérobant l'objet qu'il convoite.
Alors, un hommepeut-il être juste par lui-même ? Comment autrement dit résorber la différence entre le bien qu'il connaît et le malqu'il fait ? Dans notre texte, Kant pose que la présence d'un tiers terme, le maître, est nécessaire : en quelquesorte, il revient au maître de nous obliger à être libres, en nous libérant de la puissance de nos désirs.
Ne peut-onposer au contraire que l'homme est capable d'être à lui-même son propre maître ? Ou faut-il désespérer del'impuissance de notre raison à contenir notre nature désirante ?Que serait un homme juste par lui-même ? Un homme qui serait capable à chacun de ses actes d'écouter la raison,et non ses désirs, un homme qui respecterait tout naturellement la loi sans avoir à y être contraint.
Or cela estcertain : même si nous savons par exemple qu'il est mal de recourir à la violence pour nous débarrasser d'un ennemi,c'est sans doute plus la crainte d'une sanction que le pur amour de la loi qui retient notre bras.
On peut certesimaginer un homme qui n'ait « ni Dieu ni maître », c'est-à-dire qui n'ait pas besoin qu'on le contraigne pour agirrationnellement : telle était précisément l'espérance des anarchistes.
Ceux-là voulaient que l'homme devienne assezmaître de lui-même pour ne plus avoir besoin d'être surveillé ; selon Kant cependant, un tel homme est un idéal quine sera jamais atteint, parce qu'il appartient à notre nature d'avoir des désirs, et que nous avons naturellementtendance à y céder, quitte à ne pas respecter les lois.Mais même en admettant qu'un tel homme soit possible, alors il ne serait en fait pas non plus juste par lui-même :de même que nous ne parlons notre langue que parce que nous l'avons apprise, de même nous ne sommes capablesde résister à nos désirs que parce qu'une longue discipline a fortifié notre volonté.
Tout naturellement, l'enfant nesupporte pas la frustration, et c'est l'éducation qui peu à peu va cultiver en lui la raison, en lui apprenant à ne pastoujours céder à ses désirs.
C'est l'éducation en effet qui fait comprendre à l'enfant qu'il n'est pas libre quand ilaccomplit ses désirs, puisque ces désirs s'imposent à lui sans qu'il les choisisse ; c'est l'éducation qui lui apprend quela liberté véritable, c'est d'être capable de leur résister, et donc de se soumettre à la loi générale.
Comme le disaitRousseau, « l'impulsion au seul appétit est esclavage, l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté » : sil'homme n'est pas et ne peut pas être juste par lui-même, cela ne signifie pas qu'il aura toujours besoin qu'unecontrainte extérieure s'exerce sur lui ; cela signifie, plus profondément, que nous ne sommes pas hommes par nous-mêmes, que c'est l'éducation qui fait de nous des hommes, autrement dit, que notre liberté et notre responsabilitémorale ne nous sont pas données à la naissance, mais qu'elles sont des conquêtes sur nous-mêmes.
On peut en cesens s'accorder avec la thèse kantienne : on peut espérer que par l'éducation et une longue culture de la raison,l'obéissance à la loi devienne de plus en plus facile, et l'homme de plus en plus soucieux de justice ; et si un hommequi serait juste et respectueux des lois sans jamais y être forcé est un idéal, cet idéal doit nous conduire à faire cequ'il faut pour le rendre possible, et non à désespérer.Sujet désiré en échange :rousseau.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L'homme est un animal qui a besoin d'un maître... Kant. Commentez cette citation.
- explication de texte kant : existe-t-il un maître qui n'a pas besoin d'un maître qui lui est donc supérieur?
- L'Homme et l'animal par rapport au texte de Kant
- Explication du texte de Kant : « Chez l’homme ... » (extr. de l’Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique)
- L’homme veut la concorde, mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce, elle veut la discorde. Kant