Technique et nature humaine
Publié le 21/01/2020
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[II. Technique et maîtrise de la nature]
Les premières techniques font ainsi partie de ce qui affirme l’existence humaine dans un univers culturel, face à la nature brute.
Il est dès lors « logique » que le développement ultérieur des techniques favorise à la fois la structuration sociale — soit la façon dont l’humanité se pense elle-même — et la maîtrise de la nature — soit la façon dont l’humanité pense ce qui est en dehors d’elle-même. Dans les sociétés traditionnelles ou « primitives », la spécialisation technique qu’exigent certains travaux confère un statut particulier et entraîne la division de la société en groupes distincts : dans bon nombre d’ethnies africaines, les forgerons sont ainsi « sacrés », et les forges situées à l’écart du village, parce que leur activité implique une relation avec les « esprits » du feu et de la terre, laquelle se révélerait dangereuse pour l’individu « normal » qui s’y trouverait exposé.
«
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CORRIGÉ26
seulement la condition d'une partie de l'humanité ? Cette question est tout
autre que l'habituelle réflexion sur l'éventuel impact moral du progrès
technique ; elle est aussi plus fondamentale.
[I.
Technique et humanisation]
Dans notre univers,.
la technique est présente depuis si longtemps
qu'elle paraît presque aller de soi - au point qu'on ne s'intéresse guère à
ses premières manifestations.
Mais la technique n'a pas toujours existé :
elle a été mise au point progressivement - des premiers outils aux
ordinateurs les plus performants.
Et l'on peut commencer par souligner
combien ses formes initiales ont participé à l'humanisation elle-même.
L'animal ignore l'outil durable - et l'on peut admettre que la conser
vation de l'outil est un des éléments qui indiquent la rupture de l'homme
relativement à son animalité première.
Conserver un outil, c'est en effet
prévoir sa réutilisation, et donc se projeter dans l'avenir et ne plus être
bloqué dans le présent : un tei rapport à la temporalité est spécifiquement
humain.
Les premiers outils interviennent très tôt dans le travail et dans son
organisation : les pierres éclatées, puis polies, soulignent un souci d'obte
nir des résultats de plus en plus précis, et donc satisfaisants.
L'habileté
humaine n'est pas une donnée initiale (pas plus que la conscience ou le
langage) : elle s'élabore peu à peu, en relation dialectique avec les possi
bilités offertes par les techniques élémentaires.
Le maniement d'un outil
habitue à certains gestes, qui gagnent ainsi en efficacité, et celle-ci
demande des outils plus performants.
On retrouve ainsi très logiquement à propos de la technique les
remarques de Marx à propos du travail en général : elle développe bien
dans l'homme des «facultés qui y sommeillent» et l'entraîne sur la voie
d'une humanisation de mieux en mieux affirmée.
En termes bergsoniens,
l'homme estfaber avant d'être sapiens.
Le symbole immédiat de la séparation par rapport à la nature est
d'ailleurs inscrit dans le corps humain lui-même : dans sa classification
des techniques, Marcel Mauss commence par placer les « techniques du
corps», qui, au-delà des postures acquises, modifient l'aspect «naturel»
du corps humain par des tatouages, des scarifications, des cosmétiques,
des coiffures, etc.
Et l'on a pu noter que cette enculturation du corps est
particulièrement importante puisqu'elle signifie l'appartenance à l'huma
nité « véritable » - comme le prouvent les déboires des ethnologues qui,
parce que leur peau est dans son état d'origine, risquent de n'être perçus
qu'à la façon d'animaux par les autochtones (cf.
à ce propos le témoi
gnage de Lévi-Strauss).
129.
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