sur l'erreur inhérente à l'expérience immédiate (« Les faits sont organisés de manière à produire l'illusion d'un monde extérieur »), éloigne la pensée de l'être et la voue à la déception.
Publié le 21/10/2012
Extrait du document
«
enfin réunis le réel et le rationnel.
Expression d'un besoin scientifique plus
qu'image du réel, l'hypothèse atomiste
est cependant utile, voire nécessaire, en mécanique et en chimie.
Ce « criticisme
scientifique » entraîne Hannequin à
penser que, si l'on veut atteindre la réalité, il faut dépasser l'atome et les données de la science positive, concevoir la monade en dehors de l'espace et du temps.
MILHAUD Gaston (1858-1918) est né à Nîmes.
Il se situe dans la lignée des scientifiques philosophes, tels que Poincaré et Duhem; sans doute est-il plus mathématicien, moins physicien que ce dernier.
Aussi est-ce logiquement qu'il aborde le problème du vrai et du réel, dont l'expérience du fait mathé
matique est un « cas limite » : en effet, dans la démonstration mathéma
tique se trouve le syllogisme le plus
exempt de cercle vicieux, le plus rigoureux,
parce que c'est là que « l'esprit se sent
le plus voisin de ce qui est sa chase propre ».
Proximité que la science tout
entière tente d'imiter lorsqu'il s'agit
de sciences physiques; sciences physiques
et rationnelles dont on ne sait trop quel
est l'élément dominant, du physique ou du rationnel : les faits physiques « ne sont pas des données devant les
quelles il n y ait place que pour la soumission »; l'esprit humain possède,
d'une certaine manière, une liberté
créatrice qui donne à la science à la fois valeur de contingence et valeur
d'universalité : la rencontre d'un esprit
fécond et d'un fait, telle est l'invention
scientifique.
Milhaud, tout en ana(ysant le phénomène logique qu'est la consti
tution d'une science, opère la critique des déviations illégitimes de la science,
quand elle veut atteindre à la dignité
d'une métaphysique : ces déviations
sont constituées par les systèmes déter ministes de Taine et de Spencer.
Il les
attaque, non pas en métaphysicien, comme Boutroux, comme Lachelier, mais en logicien : un déterminisme métaphy
sique d'inspiration scientifique provient
d'une
méconnaissance totale de ce qu'est le véritable déterminisme scientifique.
Le déterminisme est, par dijinition, un postulat de l'esprit scientifique, cherchant à « lier par une relation de quantité deux phénomènes, les plus simples qu'on
imagine ».
Ce déterminisme postulé,
fécond, est contingent cependant, au titre même d'œuvre de l'esprit.
Gaston Milhaud est l'auteur de: Essais sur les conditions et les limites de la certitude logique ( 1894) ; Le Rationnel (1898); Les philosophes
géomètres de la Grèce ( 1900) ; Le positivisme et le progrès de l'esprit ( 1902)
DUHEM Pierre-Maurice-Marie (1861-1916) Né à Paris, mort à Cabrespine.
Il est de fait que la « logique », à cette époque, prend une place de plus en plus
grande dans la recherche philosophique :
soit sous la forme de l'épistémologie
(épistémologie contemporaine dont Brunschvicg, Bachelard, Gonseth sont des représerotants), soit sous la forme de
logique mathématique (Reichenbach) ou physique (Heisenberg).
On sait le retentissement de la relativité dans la
pensée philosophique, comment la philo
sophie avait en quelque sorte prijiguré une découverte strictement scientifique.
La critique des sciences a donc une double fonction, familière au philosophe :
critique et recherche des principes des sciences, critique et recherche des rapports que peut entretenir la science avec les procédés les plus généraux de la pensée; double mouvement dont l'un est spécifique
et spécialisé, l'autre unificateur, qu'il conclue à la ressemblance ou à la diffé rence.
P.
Duhem se situe à l'origine de ces recherches; il esquisse une théorie de l'expérience physique (La théorie
physique, son objet et sa structure 1906); il examine d'autre part, d'une
manière historique, les deux conceptions de la théorie physique, l'une s'insérant dans un univers déterminé d'avance, rebelle aux faits nouveaux, l'autre se pliant aux apprentissages de synthèses
incessamment renouvelées (Système du Monde, Histoire des doctrines cos
mologiques de Platon à Copernic,
1913-1917, 5 vol.).
L'expérience physique est tout autre
chose que la simple constatation d'un fait; elle n'est pas, dira Bachelard
plus tard, le «pléonasme de l'expérience »; elle est « l'observation précise d'un groupe de phénomènes accompagnée de l'interprétation de ces phénomènes; cette interprétation substitue aux données con crètes réellement recueillies par l'obser
vation des représentations abstraites et symboliques qui leur correspondent, en vertu des théories admises par l'obser
vateur ».
Elle ne se sépare pas d'un
arrière-monde, qui est ce réseau théorique explicatif de l'expérience.
Si l'expérience
implique la théorie, la théorie implique une « Weltanschauung » métaphysique ou physique : c'est le propos du grand ouvrage : le Système du monde de Platon à Copernic.
VAIHINGER Hans (1852-1933) né à Nehren, est l'auteur de : Kom mentar zur Kritik der reinen Ver nunft ( 1892); Die Philosophie des Ais Ob (19II) et a marqué de son nom les Kantstudien depuis 1896.
Spécialiste fort averti du Kantisme,
Vaihinger en transforme le sens pour opérer la fusion du criticisme et d'une
manière d'élan vital.
Si, selon l'ortho
doxie kantienne, les conditions de possi
bilité d'une physique et d'une mathé
matique sont autant
de nécessités qui se retrouvent dans la physique et la
mathématique constituées, ces nécessités
deviennent, chez Vaihinger, de spiri
tuelles ou d'intellectuelles, vitales.
Le
propre de la pensée est une adaptation au milieu, une attention à la vie, qui
s'accomplit, non par la saisie du réel, mais grâce à l'invention de fictions, avouées ou inavouées ( « fictions » dont Husserl fera la critique, puisque ces « fictions » ont leur évidence propre
et non, comme le voudrait Vaihinger,
l'irréalité caractéristique du « comme si »).
La pensée adaptative, dont le propre est de prévoir, n'atteint pas le réel (alors que chez Bergson, l'intdli-
gence, bien qu'elle soit d'origine adapta
tive, se découvre apte à la connaissance de la matière inerte et inapte à la connais sance de la vie) : sitôt dépassé le stade des sensations, l'objet (qui chez Kant
était = X}, la causalité, l'atome
sont autant de fictions.
Les mathé
matiques, plus honnêtement, avouent
la quantité irrationnelle, imaginaire.
Fiction, l'homo oeconomicus, fiction, la
statue de Condillac.
Mais fiction dont on ne se sépare pas aussi aisément que de l'hypothèse, puisqu'elle est le gage de notre adaptation au réel.
L'erreur
est plus échec qu'erreur, la progression, une subtilité de plus en plus grande de l'esprit devant une réalité « de fer », qu'il faut « tourner » par l'invention de fictions.
Et de fictions qui sont des signes de rien.
Doctrine qui s'oppose au pragmatisme, puisqu'elle n'est pas une recherche de la vérité, et qui se nomme elle-même « idéalisme positiviste », « irrationalisme idéaliste ».
MEYERSON Emile (1859-1933) né à Lublin (Pologne), mort à Paris,
est l'auteur de Identité et Réalité (1908) ; De l'explication dans les
sciences (1921) ; La déduction relativiste (1925) ; Du chemine ment de la pensée (1931).
La critique des sciences devient, chez Meyerson,
véritable épistémologie : c'est-à-dire une étude critique des diverses sciences, de leurs principes et de leurs hypothèses, qui
permet de déterminer leur origine logique comme leur valeur objective.
Meyerson,
sur ce point, construit une véritable phi
losophie, qui s'appuie à la fois sur le principe d'identité, pris au sens physique,
et sur le principe de causalité, pris au sens explicatif.
Ces deux principes lo
giques prennent une signification quasi
ontologique, au-delà du légalisme et du conventionalisme qui, à cette époque, semblent le dernier mot de la science et le seul aspect des choses que l'homme
puisse atteindre.
Lorsque la science est dijinie par la saisie de « rapports », c'est une illusion que de croire connaître deux termes différents liés par ce rapport: le rapport en fait est une tentative d'iden
tification, de réduction de l'autre au même, de l'hétérogène à l'homogène;
la recherche des causes n 'est que le développement d'une identité dans le temps: une causalité paifaite, à la
limite superposerait la cause à l'effet,
dans l'égalité absolue de l'action et de la réaction; le paradoxe du mouvement
est dénonçé sur un mode qui ne peut que rappeler Aristote ou Leibniz : il est le développement d'une définition essentielle, développement dont la nécessité n'existe que dans le monde sub-lunaire.
L'effort de la science tente d'éliminer le divers, le temps, la qualité (principes d'inertie
et de conservation); le principe d'identité
devient un idéal vers lequel la raison, comme le sens commun, tend sans qu'il puisse jamais être intégralement réalisé, le principe de causalité « n'est que le principe d'identité appliqué au temps ».
Il est des obstacles à cet effort d'identifi
cation : principe de Carnot, finalité appa rente, qualité.
Mais le problème méta physique de la détermination du réel n'est pas traité par Meyer son; il veut.
»
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