Suis-je dans mon corps comme "un pilote en son navire" ?
Publié le 17/01/2022
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Ni la radicale distinction cartésienne ni les avancées en biologie du cerveau n'éclairent en principe l'action réciproque de l'esprit sur le corps, et du corps sur l'esprit. Or, de la conscience que j'ai d'être le pilote de mon corps ne s'ensuit pas nécessairement que cette conscience soit effectivement la cause de mes actions. Cette impression peut être l'effet d'une illusion, car l'accès privilégié par lequel j'ai conscience d'une vie intérieure est irréductible aux relations qu'entretiennent entre eux les corps matériels. Ce dont nous aurions conscience comme volonté ou intention ne serait que le corrélat mental de l'enchaînement matériel des causes, qui suffiraient à expliquer, de l'extérieur, toutes nos actions. Je serais ainsi dans mon corps comme un navire sans barre dans un océan, conscient de ce qui m'entoure mais incapable de modifier le cours implacable (les nécessités physiques.Que l'on postule une vision interactionniste (Descartes), matérialiste (la biologie moderne), ou épiphénoméniste, l'esprit apparaît toujours autrement que comme la cause séparée des actions corporelles, idée suggérée par la métaphore du « pilote en son navire «. Cette métaphore semble bien pourtant correspondre à l'idée que le sens commun se fait de l'esprit. S'il s'agit là d'une illusion, il nous faut alors tenter maintenant d'expliquer pourquoi elle nous induit en erreur.On ne peut concevoir un esprit qui « habite et pilote « le corps qu'à la condition de poser le corps et l'esprit comme des réalités distinctes. La formulation du sujet : « dans mon corps « suppose implicitement une réparation des substances; or, cette séparation ne nous est pourtant jamais accessible, dans quelque expérience, mentale ou physique, que ce soit.
Alors que le capitaine d'un navire le commande sans lui être physiquement lié, mon esprit dépend de mon corps, même s'il prétend s'en servir comme un instrument. Dois-je dire que j'ai un corps ou que je suis mon corps? L'homme est-il d'abord chair ou esprit?
Introduction
- I. Le sens de la comparaison en jeu dans le sujet et la thèse cartésienne du dualisme de l'âme et du corps
1. Le primat de l'âme, de la pensée et de la conscience
2. Le corps machine
3. Le pouvoir de dominer ses passions.
- II. Réhabilitation du corps : « On ne sait pas tout ce que peut le corps « (Spinoza)
1. La puissance inconnue du corps
2. Renversements :
a. renversement du dualisme au profit du parallélisme de l'âme et du corps
b. dévalorisation de la conscience
Conclusion
«
mortel et lui donnèrent pour véhicule le corps tout entier » (70a).
Cette conception métaphysique des rapports de l'âme et du corps pose d'emblée une inégalité entre ces deuxsubstances qui composent l'homme.
L'âme qui habite le corps mortel est en même temps son principe d'animation.
Lecorps est donc conçu comme une chose inerte en lui-même, une matière que l'âme (en latin, anima) vient « animer».
Sans l'âme qui l'habite, mon corps ne saurait ni se mouvoir, ni se diriger.
De même, sans un pilote, un navire nesaurait ni se mettre en mouvement ni se diriger vers une destination précise.
Cette fonction d'animation que l'âmeassure dans son corps est donc semblable à celle que le pilote assure dans son navire, une fonction qui, d'une partassure le mouvement du corps et du navire et qui, d'autre part, décide de la direction à donner à ce mouvement ducorps et du navire.
L'âme gouverne son corps, le dirige, l'oriente comme un pilote gouverne son navire.
Leur fonctiond'animation est alors en même temps une fonction de commandement : le corps comme le navire sont soumis auxordres de l'âme et du pilote, qui sont deux instances de décision.
Cette inégalité se traduit donc par la liberté del'âme et la servitude du corps.
Le corps est soumis aux décisions de l'âme, comme le navire est soumis auxdirectives du pilote.
L'âme peut décider d'être vertueuse en résistant aux tentations de son corps, en luttant contreles passions de son corps qui pourraient être nuisibles, comme le pilote peut décider de la destination de son navireen luttant « contre vents et marées », contre les intempéries auxquelles le navire est exposé et qui pourraient êtrefatales.
Cette explication analogique suffit-elle à rendre compte de la complexité des rapports qui lient l'âme et le corps carenfin, quand je fais, par exemple, l'expérience physiologique de la douleur, la souffrance ressentie ne m'indique-t-ellepas que je ne suis pas seulement comme « un pilote en son navire » ?
Descartes (Méditations métaphysiques, VI) refuse cette image traditionnellede l'« habitation », d'abord parce que l'âme ne peut être en un lieu : esprit etcorps sont, pour lui, des réalités hétérogènes parce que intrinsèquementdifférentes.
Il les nomme des substances, c'est-à-dire des sujets permanents,qui existent par eux-mêmes, et sont les supports de tous les changements.L'âme est substance pensante, le corps substance étendue, c'est-à-direoccupant un espace.
Cette distinction radicale rend impossible touteincantation de l'âme.
Pourtant, l'âme est bien unie au corps d'une certainemanière, puisque la pensée, par la volonté, agit sur le corps ; mais cetteunion est plus intime qu'un simple « pilotage ».
En effet, le corps agit autant sur l'âme que l'âme sur le corps ; si mon espritn'était qu'un pilote, qu'un guide pour mon corps, il ne lui serait pas lié de tellemanière, par exemple, qu'il puisse souffrir avec lui, et par lui : l'esprit et lecorps interagissent.
Cependant, dans la philosophie cartésienne, la natureexacte de l'interaction entre ces deux réalités hétérogènes - maisintrinsèquement et réciproquement liées - reste bien mystérieuse.
Depuis l'époque de Descartes, la science, dans son développement, a tentéde résoudre ce mystère en expliquant la motricité du corps sans faireintervenir la notion d'esprit.
La médecine, puis la biologie moléculaire ont misen évidence les relations liant les phénomènes physiologiques à des causes chimiques ou à des micro-processus électriques localisés dans le cerveau.
Selon cette conception, le corps, dans sacomplexité, suffit à s'autoexpliquer.
Si l'on peut assigner à chaque mouvement de mon corps une cause qui n'estautre que mon corps lui-même, la question se résout en proposant l'image d'un navire assez perfectionné pour sepasser de pilote.Pourtant, si cette explication semble pouvoir rendre compte du mouvement des corps des êtres vivants les plusprimitifs, ou des fonctions corporelles sur lesquelles je n'exerce aucun contrôle, comme la respiration ou la digestion,elle ne permet de comprendre ni les actions volontaires, ni la conscience intentionnelle qui les accompagnenécessairement.
Aussi loin qu'on puisse remonter dans la découverte d'une cause physique cachée, le problème seposera toujours de savoir comment s'articulent états d'esprit et actions qui en découlent.
Ni la radicale distinctioncartésienne ni les avancées en biologie du cerveau n'éclairent en principe l'action réciproque de l'esprit sur le corps,et du corps sur l'esprit.
Or, de la conscience que j'ai d'être le pilote de mon corps ne s'ensuit pas nécessairement que cette conscience soiteffectivement la cause de mes actions.
Cette impression peut être l'effet d'une illusion, car l'accès privilégié parlequel j'ai conscience d'une vie intérieure est irréductible aux relations qu'entretiennent entre eux les corpsmatériels.
Ce dont nous aurions conscience comme volonté ou intention ne serait que le corrélat mental de l'enchaînementmatériel des causes, qui suffiraient à expliquer, de l'extérieur, toutes nos actions.
Je serais ainsi dans mon corpscomme un navire sans barre dans un océan, conscient de ce qui m'entoure mais incapable de modifier le coursimplacable (les nécessités physiques.
Que l'on postule une vision interactionniste (Descartes), matérialiste (la biologie moderne), ou épiphénoméniste,l'esprit apparaît toujours autrement que comme la cause séparée des actions corporelles, idée suggérée par lamétaphore du « pilote en son navire ».
Cette métaphore semble bien pourtant correspondre à l'idée que le sens.
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