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Suis-je dans mon corps comme un pilote dans son navire " ?"

Publié le 16/07/2005

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De même, le navire en question, livré à lui-même, n'aurait aucune utilité, et dériverait au gré des flots, sans pouvoir atteindre une destination précise. Telles sont les déterminations essentielles suggérées par l'analogie. Jusqu'à quel point celle-ci est-elle éclairante ? Quelles en sont les limites, voire les inadéquations ? L'enjeu de la question est décisif pour la réflexion philosophique, notamment en raison de ses implications éthiques. Les philosophes grecs s'interrogeaient sur les troubles qui affectent l'homme, et la meilleure façon de les maîtriser : Épicure, entre autres, et les stoïciens, se demandaient comment promouvoir la sérénité de l'âme, dans son rapport au corps. Descartes, quant à lui, formulait la difficulté de concevoir à la fois l'union de l'âme et du corps et leur réelle distinction, éprouvée notamment dans la conscience réflexive. À l'horizon de ce type de problème, la liberté humaine, entendue comme maîtrise de soi et autonomie de la volonté. C'est en déployant, dans un premier temps, toutes les implications de l'analogie proposée qu'on pourra esquisser le type de rapport qu'elle suggère entre le corps et le moi-sujet. Dans un second temps, une mise à l'épreuve de cette conception sera envisagée à partir d'une réflexion sur ses présupposés éventuels.

« corps fasse partie intégrante de ma destinée, je sais bien que je ne peux pas m'identifier à lui que je suisencore, autre chose.

Bien des faits le montrent: il m'arrive d'oublier mon corps aux instants de concentrationextrême.

Je peux me sentir plus jeune que je ne suis.

Si on m'amputait un membre, je ne cesserais pas d'êtremoi-même. "Tant que nous aurons le corps associé à la raison dans notre recherche et que notre âme seracontaminée par un tel mal, nous n'atteindrons jamais complètement ce que nous désirons et nous disonsque l'objet de nos désirs, c'est la vérité.

Car le corps nous cause mille difficultés par la nécessité où noussommes de le nourrir; qu'avec cela des maladies surviennent, nous voilà entravés dans notre chasse auréel.

Il nous remplit d'amours, de désirs, de craintes, de chimères de toute sorte, d'innombrablessottises, si bien que, comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser.Guerres, dissensions, batailles, c'est le corps seul et ses appétits qui en sont cause; car on ne fait laguerre que pour amasser des richesses et nous sommes forcés d'en amasser à cause du corps, dont leservice nous tient en esclavage.

La conséquence de tout cela, c'est que nous n'avons pas de loisir àconsacrer à la philosophie.

Mais le pire de tout, c'est que, même s'il nous laisse quelque loisir et que nousnous mettions à examiner quelque chose, il intervient sans cesse dans nos recherches, y jette le troubleet la confusion et nous paralyse au point qu'il nous rend incapables de discerner la vérité." PLATON Introduction. « Le corps est un tombeau » : jouant sur la similitude des deux mots en grec, Platon exprime ainsi le dualisme profond entre l'âme et le corps.

Exprimé à travers diverses métaphores, l'exil de l'âme dans le corps est ici évoqué très directement par un violent réquisitoire.

Le corps nous cause bien des soucis,est à l'origine des guerres et nous empêche de philosopher, ou en tout cas de le faire correctement.Nous étudierons ces reproches en tâchant à la fois de les rattacher à la pensée de Platon et de nous demander comment on peut les recevoir aujourd'hui. Étude ordonnée et intérêt philosophique. Le texte s'ouvre sur un constat désolant : pas question d'atteindre la vérité proprement dite tant quenous aurons un corps, donc durant notre vie sur terre.

Notre âme, dit Platon , a contemplé autrefois les Idées du bien, du beau, du vrai, et doit pour les retrouver faire un effort de réminiscence; mais ce travailest perturbé par le corps, d'emblée identifié à un « mal ».

La violence du qualificatif ne peut quesurprendre un lecteur moderne peu habitué à dénigrer le corps et surtout habitué à des étudesneurologiques tendant à ramener l'activité intellectuelle à des processus corporels.

Pourtant le dualisme de l'âme et du corps est très présent chez Platon et marque fortement toute la tradition philosophique. L'objet de nos désirs, dit Platon , c'est la vérité, qu'il nomme un peu plus loin « le réel ».

Deux points doivent ici être précisés.Tout d'abord, la vérité évoquée ici est l'Idée de la vérité en soi et pour soi, dont toutes les vérités quenous pouvons connaître ici bas ne sont que des reflets partiels et dégradés.

La vérité est comme le soleilde l'allégorie de la caverne alors que la réalité terrestre n'est en fait qu'un jeu d'ombres dont il fautsavoir s'éloigner par abstractions successives.Ensuite, Platon dit que « nous » recherchons la vérité.

Désigne-t-il par là seulement les philosophes ? Non sans doute : toutes les âmes ont, plus ou moins enfouis en elles, la nostalgie de l'inconditionné, ledésir du beau, du bien et du vrai.

Mais beaucoup se trompent sur l'objet réel de leur désir.

C'est pourquoinul n'est méchant volontairement : ceux qui font le mal ne savent pas vraiment ce qu'ils veulent.Il n'est pas utile de passer en revue le détail des maux dont nous accable le corps, depuis la nécessitéde le nourrir jusqu'aux passions en passant par la maladie.

La critique de Platon peut nous paraître excessive dans la mesure où le souci pour le corps peut également réjouir l'âme ; l'amour par exemplepeut manifester une union étroite entre le désir corporel et une communauté spirituelle ou intellectuelle.Et pourtant l'exemple de la maladie permet de bien comprendre ce que veut dire Platon : la douleur est intolérable parce qu'elle est en nous comme une présence étrangère.

C'est bien notre corps qui souffremais par là même il nous devient en quelque sorte étranger, il ne nous est plus soumis.

Dans les passionscomme la peur, nous disons également que nos jambes se dérobent « malgré nous ».

Enfin, une migrainepeut affecter considérablement nos capacités de réflexion et de discernement.

Ce qui peut choquer c'estque la critique ne soit pas compensée par un éloge du corps; mais les maux que déplore Platon ne sont pas étrangers à notre propre expérience.

Montaigne reprendra largement ce thème de la puissance desémotions corporelles, par exemple de l'imagination, et de la faiblesse de l'intellect face à ces passions.Après avoir cité les maux dont le corps accable l'âme, Platon franchit un degré en lui attribuant la responsabilité des guerres, destinées à assouvir ses appétits.

Ici on peut se demander si l'argument estvraiment plausible : les causes des guerres sont multiples, et on trouve parmi elles non seulement lavolonté de puissance, mais le prestige de l'idée de puissance, ou des constructions idéologiques.

Il n'estpas certain que l'on puisse vraiment attribuer au corps l'origine de ces représentations.

Le problème dumal humain atteint sa profondeur précisément lorsqu'il faut reconnaître que ceux qui ont fait le malsavaient ce qu'ils faisaient.L'aboutissement de ce réquisitoire peut faire sourire tant il semble que Platon tienne l'impossibilité de philosopher pour plus grave encore que les guerres.

Le terme de « loisir », qu'il emploie ici, est très. »

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