Suggérer, persuader, convaincre

« DISSERTATION : Suggérer, persuader, convaincre.

I.

Quelques remarques philologiques. A.

On dit : suggérer quelque chose à quelqu'un. Persuader quelqu'un de quelque chose. Convaincre quelqu'un de quelque chose. La construction de « persuader » et celle de convaincre » sont semblables, celle de suggérer est originale.

Lecomplément direct désigne un objet plus important que le complément indirect : la suggestion fait passer l'idéesuggérée avant la personne à qui l'on suggère; l'effort pour persuader ou pour convaincre font passer la personnede l'interlocuteur avant la chose dont on veut le persuader ou le convaincre. B.

On dit : des suggestions, des convictions, mais persuader ne s-'emploie qu'au singulier. Une suggestion ou des suggestions, c'est le contenu de ce qu'avance celui qui suggère. Une conviction ou des convictions, c'est le contenu de pensées de celui qui est convaincu. La persuasion, c'est l'acte même de persuader, et derrière cet acte la force, la puissance, la faculté de persuader. On vérifie une seconde fois que dans la suggestion, ce qui compte, essentiellement, c'est la chose suggérée.

Dansla conviction c'est l'esprit de celui qui est convaincu.

Dans la persuasion, la personne de celui qui veut persuaders'engage. II.

Traits communs aux trois actes. Dans les trois cas, il s'agit de l'influence d'un esprit (ce mot étant pris au sens le plus large) sur un autre. Aucun des termes n'implique l'établissement de la certitude dans l'esprit de l'interlocuteur.

La suggestion peut êtrerepoussée ou ne pas s'épanouir dans l'esprit où on a voulu l'introduire.

La conviction est proche de la certitude, maisil reste un degré de doute théorique possible.

« Je suis convaincu de votre succès », ce n'est pas : « Je suis sûr devotre succès.

» Réussir à persuader, c'est obtenir un assentiment intime qui n'est pas certitude logique. A.

Croyance de celui qui suggère, convainc, persuade : — Celui qui suggère avance une opinion, n'affirme pas qu'elle soit la vérité : « une timide suggestion ». — Celui qui s'efforce de convaincre est en général convaincu lui-même de la vérité de ce qu'il avance. — Il arrive qu'on persuade au profit de l'erreur, reconnue comme telle au moment même où on s'efforce depersuader. B.

Engagement de celui qui suggère, convainc, persuade: Celui qui suggère ne s'engage pas;ceux qui persuadent ou cherchent à convaincre ne cachent pas leur désir d'emporter l'adhésion. III.

A quoi s'adressent, dans l'interlocuteur, ceux qui suggèrent ou cherchent à convaincre, ou cherchent àpersuader : Persuader, c'est viser l'interlocuteur à l'étage du sentiment, le sentiment étant la zone la plus intellectualisée del'affectivité.

Zone intellectualisée, donc aussi plus docile à l'action de la volonté que les zones purementtendancielles. Convaincre, c'est toucher dans l'interlocuteur la raison : pour convaincre, on utilise le raisonnement.. »