Suffit-il d'être doué pour être artiste ?
Publié le 27/02/2005
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POUR DÉMARRER Est-ce assez d'avoir des dispositions naturelles et des aptitudes innées, un génie « naturel pour être artiste, c'est-à-dire producteur d'une oeuvre d'art, ensemble de signes et de matériaux mis en forme par un esprit créateur et suscitant un plaisir désintéressé ? L'art est-il, au fond, synonyme de dons, de savoir-faire inné et de production géniale ? CONSEILS PRATIQUES Quel est le sens de la création artistique ? Prenez en compte l'aspect de production géniale « (cf. Kant) mais aussi le travail et la technique, l'application et le métier, valorisés par Nietzsche, en particulier. Ne faut-il pas faire descendre talent et génie de leur piédestal ? N'oubliez pas, cependant, que si le génie crée des oeuvres originales, celles-ci doivent également rencontrer l'adhésion des amateurs d'art, c'est-à-dire exprimer réellement la nature humaine universelle. Ace moment, l'artiste réel se manifeste, au point de convergence d'un don original et d'un besoin universel de l'humanité. BIBLIOGRAPHIE KANT, Critique de la faculté de juger, Vrin ou Folio Essais-Gallimard. NIETZSCHE, Humain, trop humain, NRF-Gallimard.
«
conception artistique, un rôle prédominant.
Première partie: "Les artistes...
grâce."
Nietzsche est un grand désillusionniste: dès le début, ses formules donnent à voir, derrière le champ desapparences, le travail psychologique à l'oeuvre.
Nietzsche est un philosophe du soupçon: il jette un regard surles ressorts dissimulés du discours, sur les processus inavoués et cachés.C'est l'artiste, le créateur de beauté, qui est ici soupçonné: n'a-t-il pas intérêt à ce que l'on privilégie lapuissance de son intuition, de sa faculté de voir immédiatement dans le réel, comme si cette intuition était unesorte de lorgnette magique, comme si l'inspiration (sorte d'inspiration surnaturelle) était facteur essentiel dedécouverte ? Pourquoi un intérêt ? Parce que les hommes aiment bien ce qui se présente comme tout fait etachevé.
Le travail et la création sans cesse réitérée ne sont pas toujours agréables à saisir.
En effet, l'idée del'oeuvre d'art, à savoir le modèle dynamique de la pensée aboutissant à la constitution d'un ensemble organiséde signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté, semble surgir spontanément à partir d'une puissancesurnaturelle ("la grâce") et dès lors cela dissimule les laborieux efforts de l'intellect.
D'où l'avantage de l'artiste,si le public croit à cette immédiateté surnaturelle.
Contre les mythes mensongers, il faut rétablir la vérité.
Deuxième partie: "En vérité...
oeuvre."
Qu'il s'agisse, contre les illusions ou les ressorts cachés du discours de rétablir ce qui est, c'est bien ce quemontre l'expression "en vérité": c'est un processus complexe que Nietzsche dévoile.L'imagination, la faculté psychique inventive, ne cesse pas, dans le cas de l'artiste, du créateur de l'oeuvred'art, mais aussi du penseur, celui qui s'applique à engendrer de nouvelles idées, de créer des thèmes souventmédiocres.
Toutefois, c'est le jugement, faculté par laquelle on pose judicieusement des rapports entre lesnotions, qui, quand il est rendu tranchant et pénétrant, répudie le mauvais et décide, faisant ainsi les vraischoix.
L'exemple de Beethoven est ici donné à l'appui.
La grande oeuvre est le fruit de brouillons, de ratures,d'essais répétés, de sueur et de labeur.Tandis que le vrai créateur rejette et choisit, l'artiste de second ordre va se fier à la fonction du passé quireproduit et il demeure au niveau de l'improvisation artistique, à savoir de ce qui est composé sur-le-champ etsans préparation réelle, à la hâte, à l'emporte-pièce, pourrait-on dire.
Si nous comparons ce travail hâtif àl'idée, au dynamisme spirituel et au modèle véritable de la pensée, modèle correspondant à un effort et à unetension intellectuel, quelle différence ! D'un côté, la grande oeuvre et, de l'autre, le bas niveau de laréalisation: l'en deçà de l'oeuvre.
Ainsi l'artiste médiocre multiplie-t-il les travaux rapides alors que le génieoeuvre sans cesse.
B - LA QUÊTE D'UN IDÉAL
Le don est nécessaire et non suffisant : le génie requiert de la patience, une fréquentation des artistes du passé etune exigence de qualité, une ambition sans laquelle l'art n'aboutit qu'à des réalisations de faible envergure.Une éthique de l'art sous-tend le travail des grands artistes et les guide vers des sommets inaccessibles aux artistesmineurs.Le génie est aussi subordonné à une maîtrise technique, qui n'implique pas nécessairement la virtuosité mais uneconnaissance approfondie des moyens de réaliser l'idée qui est à la base de la création.
C - LA SINGULARITÉ DE L'ARTISTE
Enfin, si le don ne suffit pas, c'est aussi parce que l'artiste authentique se caractérise par une certaine sensibilité,une relation originale à la réalité qui sont le résultat d'une histoire personnelle, non réductible au don ou à latechnique.Il n'y a pas d'art sans un état d'esprit opposé à l'utilitarisme dominant, une recherche de la beauté qui distinguel'artiste du commun des mortels et lui confère un statut social et psychologique à part.
Le terme « art » a pendant toute l'Antiquité et le Moyen Age, simplement désigné la forme de la productionartisanale.Ainsi, Platon oppose la « theôria », connaissance purement contemplative, au savoir-faire lié à la productionmatérielle (« technè »).
Cette dernière concerne la production et se définit comme création:« Ce qui, pour quoi que ce soit, est cause de son passage de la non-existence à l'existence, est, dans tous lescas, une création; en sorte que toutes les opérations qui sont du domaine des arts sont des créations, et quesont créateurs tous les ouvriers de ces opérations.» (« LE Banquet »).C'est pourquoi, pour Platon, les artisans sont tous poètes.
En effet, «poésie» signifie étymologiquement«faire», ce qui consiste essentiellement à faire être ce qui n'était pas, c'est-à-dire à créer.Si la technique (ou l'art) est création, elle porte sur le contingent, c'est-à-dire sur ce qui peut aussi bien êtreque n'être pas.
C'est en cela que la technique (ou l'art) s'oppose à la science.
Cette dernière porte, en effet,sur des essences idéales, c'est-à-dire éternelles et immuables.
On comprend, dès lors, que Platon,reconnaissant la fonction sociale de la technique, ne lui accorde aucune valeur humaine.
Insensible à la beautéde l'Acropole, il ne semble voir de la beauté que dans la nature (les beaux corps des jeunes garçons), dans lamorale (les belles actions), dans les sciences (mathématiques et philosophie)..
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