Suffit-il de savoir pour pouvoir ?
Publié le 17/01/2022
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Socrate est en quelque sorte le patron des philosophes, au point que l'on appelle « présocratiques « les penseurs antérieurs, comme si Socrate était l'origine de notre calendrier philosophique, à la façon dont Jésus-Christ l'est de notre ère. Or, Socrate, que l'on considère encore aujourd'hui comme « le plus pur penseur de l'Occident « (Heidegger), est un personnage qui n'a rien écrit, dot toute l'activité s'est concentrée sur le dialogue avec ses concitoyens. Les renseignements que nous avons concernant sa vie et sa pensée proviennent donc essentiellement de ses deux principaux disciples, Xénophon et surtout Platon. La déclaration de Socrate : « Je sais que je ne sais rien « est une pièce centrale de son procès. Ce procès, qui allait voir la condamnation à mort de l'homme « le plus sage et le plus juste «, n'est pas seulement resté comme un exemple du courage de l'homme face à la mort, comme un exemple du juste injustement persécuté. Il n'a pas seulement alimenté les parallèles avec la fin de Jésus ; il a signé le divorce entre la philosophie et la politique. Qu'une cité comme Athènes, démocratique et respectueuse des lois, ait pu commettre un pareil crime, une telle injustice, cela allait détourner Platon de la politique, et plus fondamentalement entraîner la conviction que : - les affaires humaines et notamment la politique sont indignes et de peu de prix. - Puisqu'antagonisme il y a entre le philosophe et la cité, et que la dernière persécute le premier, il n'y aurait de cité bien organisée et de philosophie possible dans la paix « que quand les philosophes seront rois et les rois philosophes «. On trouve la phrase étudiée dans le contexte suivant : Socrate explique que l'un de ses amis était allé à Delphes demander à l'oracle s'il y avait un homme plus sage que Socrate, et la réponse fut non. Socrate se trouve alors confronté au sens des paroles du dieu, car, s'il ne se croit pas lui-même sage, il ne peut remettre en cause les paroles d'Apollon.
Le savoir permet l'action et la domination. L'ignorance n'est qu'impuissance. Par exemple, savoir chasser permet à l'homme de se nourrir. Les progrès des sciences et techniques montrent que l'homme peut étendre son pouvoir sur les choses. Comme le disait Descartes, le savoir nous rend "comme maitres et possesseurs de la nature". Mais, pouvoir nécessite un acte de volonté. Le savoir peut entraver l'action. L'ignorance n'interdit pas l'audace. De plus, bien souvent le savoir découle de l'action même. C'est en forgeant que l'on devient forgeron dit le dicton populaire...
- I) Il suffit de savoir pour pouvoir.
a) L'ignorance paralyse l'action.
b) Qui dit savoir dit pouvoir.
c) Sans savoir, nulle maîtrise de la nature.
- II) Il ne suffit pas de savoir pour pouvoir.
a) Le savoir est savoir de ce que l'on ignore.
b) Il faut répondre à des situations urgentes.
c) Le savoir conduit à l'indétermination.
.../...
«
mode d'alimentation des plantes etc.
Tout cela dans le but de pouvoir s'approprier la faculté de faire sespropres récoltes, en quantité suffisante et dans des endroits qui lui conviennent.
L'homme doit doncconnaître les règles de la nature et s'y conformer pour pouvoir utiliser la nature à son avantage.
Ainsi,obéir, n'est ce pas suivre des règles strictes et sans échappatoire possible? L'homme doit obéir à lanature, suivre ses modes de fonctionnement pour pouvoir ensuite l'utiliser, la maîtriser selon son gré.C'est donc par la technique, comme le soutient Descartes, que l'homme se rend maître et possesseur de la nature.
Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637),Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.
Ils'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de latechnique et de leurs rapports, apte à nous rendre « commemaître et possesseurs de la nature ».
Descartes n'inaugure passeulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, dela domination technicienne du monde.Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de laphilosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avecsa compréhension antérieure.
Dans le « Discours de la méthode »,Descartes polémique avec la philosophie de son temps et dessiècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme uneréappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote.Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à laphilosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une «philosophie pratique ».
La philosophie spéculative désigne lascolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, levoir sur l'agir.
Aristote et la tradition grecque faisaient de lascience une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre butque de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.
La vie activeest conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux.Descartes subvertit la tradition.
D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie», d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit desobjets de connaissance.
Avec le cartésianisme, un idéal d'action, de maîtrise s'introduit au coeur mêmede l'activité de connaître.La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une «philosophie pratique ».
« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices quiferaient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'ytrouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé [...] »La nature ne se contemple plus, elle se domine.
Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerteà l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ».Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement,celle de la technique.
Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'estqu'elle peut s'appliquer dans une technique.
La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine,elle devient une science appliquée.D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers denos artisans ».
Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».
Iln'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.
On connaît commeon agit ou on transforme, et dans un même but.
La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offertà l'action de l'homme, dans son propre intérêt.
Connaître et fabriquer vont de pair.D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournitla nature.
La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement,artificiellement la nature.Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement unenature désenchantée est encore le nôtre.Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître etpossesseur de la nature ».
« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.
Cependant,l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient («possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »).Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiterl'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.
C'est ce qu'a fait lamétaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.
Ce quirelève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.
De même en assimilant lesanimaux à des machines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.
Précisons enfin que l'époquede Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à êtredésacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber.Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination techniciennede la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.
La «philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».
Le corpshumain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science..
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