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Spinoza: Une société, garantie par les lois

Publié le 15/03/2019

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spinoza

Une société, garantie par les lois et par le pouvoir de se conserver, s'appelle cité, et ceux qu'elle défend de son droit, citoyens ; par où l'on comprend aisément qu'il n'y a dans l'état naturel rien qui soit bien ou mal de l'avis unanime; puisque chacun, dans l'état naturel, ne veille qu'à son utilité, et décide du bien et du mal selon son tempérament et en n'ayant pour règle que son utilité, et que personne ne l'oblige à obéir à une loi, que lui seul. Et, par suite, dans l'état naturel le péché ne peut se concevoir ; mais bien dans l'état civil, où il est décidé d'un commun accord de ce qui est bien et de ce qui est mal, et où chacun est obligé d'obéir à la cité. Et donc le péché n'est rien d'autre que la désobéissance, qui pour cette raison est punie par le seul droit de la cité, et au contraire l'obéissance est comptée au citoyen comme un mérite, parce qu'on le juge par là même digne de jouir des commodités de la cité.

 

Spinoza

Lorsque nous affirmons que quelqu'un \"fait le mal\" notre jugement ne se réfère donc pas seulement aux lois en vigueur. Il ne se réfère pas toujours à une intuition morale du bien : nous ne sommes pas toujours capables de dire quelle action devrait être accomplie à la place de celle que nous condamnons, mais nous affirmons avec force que cette action ne devrait pas être accomplie, que l'état de fait suscité par l'action ne devrait pas être. C'est d'ailleurs à ce sentiment, qui demande à être approfondi pour lui-même, que renvoie le terme de << péché >> employé par Spinoza et dont la consonance religieuse contraste avec la seule référence à l'obéissance ou à la désobéissance aux lois de la société.

spinoza

« le modèle par excellence de toute pensée rigoureuse.

Il commence ainsi par une définition et en déduit une série de conséquences articulées très claire­ ment ( > ).

La définition est celle de la cité et des citoyens, son concept principal celui du droit.

La première conséquence, rétroactive si l'on peut dire, vaut pour l'état de nature : il ne comporte aucune loi.

D'où l'on peut déduire que la notion de péché n'y existe pas.

De cette nouvelle étape on peut donc à nouveau déduire que c'est avec la société et ses conventions qu'apparaissent le bien et le mal, le péché et la bonne action, facteurs de l'obéissance et de la désobéissance aux normes de la cité.

2.a.

Explication littérale: si l'on définit le péché comme un acte de transgression, comme l'action de se détourner du bien pour choisir le mal, il ne peut y avoir de péché que s'il y a une connaissance du bien et du mal.

Or comme dans l'état de nature une telle connaissance ne peut exister puisque les seuls impératifs sont ceux de la survie, la notion de péché n'y aurait aucun sens.

La seule notion plausible dans l'état de nature est celle d'erreur ou d'im­ prudence, qui désigneraient des actes nuisibles pour la conservation de soi.

Commentaire philosophique : en proposant cette thèse, Spinoza fait preuve d'audace à l'é gard des autorités religieuses : selon les théologies monothéistes, le péché ne consiste pas à désobéir à une loi de la société mais à Dieu lui-même : le péché consiste à se détourner de Dieu.

Comme Dieu est éternel et peut être connu de tout homme, le péché est indépendant de toute structure sociale.

L'affirmation de Spinoza s'oppose donc à une vision théologique du bien et du mal.

b.

L'obéissance est le signe d'une contribution à l'équilibre du système social.

Spinoza a rappelé au début du texte que le citoyen se définit comme l'indi vidu protégé par le droit de la cité ; l'in dividu protégé par la cité mais agissant contre elle en désobéissant à ses règles fait preuve d'un comporte­ ment parasitaire nuisible à la conservation du systèm e; l'idée est donc que la société ne dispense pas protection et avantages de façon totalement gra­ tuite, mais en échange d'un comportement conforme à son intérêt bien compris.

3.Le sujet de discussion porte sur la limite entre le droit et la morale.

Pour bien comprendre la question, il faut se rappeler que les lois définissent en général non pas le bien et le mal, mais le juste et l'injuste ; le bien et le mal appartiennent plus au registre moral et religieux qu'au registre juridique.

On tâchera de trouver, pour appuyer la discussion, des exemples d'actions qui ne sont pas interdites par la loi et qui pourtant peuvent être condamnées. »

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