Spinoza, Traité tlléologico-politique, chapitre XX
Publié le 11/04/2012
Extrait du document
«Plus on prendra de soin pour ravir aux hommes la liberté de la parole, plus obstinément ils résisteront, non pas les avides, les flatteurs et les autres hommes sans force morale, pour qui le salut suprême consiste à contempler des écus dans une cassette et à avoir le ventre trop rempli, mais ceux à qui une bonne éducation, la pureté des moeurs et la vertu donnent un peu de liberté. Les hommes sont ainsi faits qu'ils ne supportent rien plus malaisément que de voir les opinions qu'ils croient vraies tenues pour criminelles [ .. . ] ; par où il arrive qu'ils en viennent à détester les lois, à tout oser contre les magistrats, à juger non pas honteux, mais très beau, d'émouvoir des séditions pour une telle cause et de tenter n'importe quelle entreprise violente. Puis donc que telle est la nature humaine, il est évident que les lois concernant les opinions menacent non les criminels, mais les hommes de caractère indépendant, qu'elles sont faites moins pour contenir les méchants que pour irriter les plus honnêtes, et qu'elles ne peuvent être maintenues en conséquence sans grand danger pour l'État. «
«
Réponses rédigées
1.
On pourrait formuler la thèse centrale de ce texte en une phrase: c'est
la mise en cause de la liberté d'expression, et non son respect, qui nuit le
plus à l'État.
Comment une telle idée est-elle développée? Il s'agit en fait
d'exposer et de fonder
ce qui peut passer pour un paradoxe : la liberté
d'expression n'est pas
un facteur de trouble ou de division, mais, au
contraire, un facteur
de cohésion et de calme.
Structure du texte
• Dans une première étape (jusqu'à « un peu de liberté » ), Spinoza pose la
nécessité de la liberté d'expression à l'aide d'une sorte de raisonnement
par l'absurde: toute restriction à
celle -ci dresserait contre l'État les hommes
d'esprit libre.
• Dans une deuxième étape, Spinoza rend compte de l'affirmation précé
dente en
se référant à la nature humaine et plus précisément à la caractéris
tique qui sous-tend
sa propension à la révolte : le refus d'accepter toute
disqualification des
«opinions qu'elle croit vraies».
•
Dans une dernière étape, Spinoza souligne l'écart qui se produit entre la
finalité invoquée des lois restreignant la liberté d'expression et leur effet
réel: au lieu de nuire effectivement aux criminels, c'est aux hommes libres
et honnêtes qu'
elles portent préjudice, les incitant par là même à se révolter.
2.
a)
«ceux à qui une bonne éducation, la pureté des mœurs et la vertu
donnent un peu
de liberté » : la liberté dont il s'agit, dans le contexte étudié,
concerne
la capacité de juger et d'exprimer son jugement sans entrave ni
pression extérieure.
Une telle liberté requiert un certain rapport à l'existence
matérielle : l'homme libre ne doit dépendre que de son propre travail pour
s'assurer
le nécessaire, ce qui n'est pas incompatible avec son insertion dans
la division sociale du travail (les tâches des uns et des autres sont complé
mentaires et mutuellement utiles).
Mais surtout, cette liberté repose sur
trois facteurs essentiels :
• la bonne éducation, dans la mesure où elle semble déterminante pour
former la capacité de jugement autonome .
«Bonne », l'éducation ne peut
l'être que
si elle exclut l'endoctrinement, afin de former des hommes «de
caractère indépendant »; le propre d'une telle éducation doit être de rendre
possible, à partir d'une assimilation maîtrisée des connaissances et d'une
formation philosophique adéquate,
le sens critique qui permet à chaque
homme de réfléchir sur
les fondements des pratiques et des représentations,
comme sur
les fins de la vie sociale ;
• la pureté des mœurs désigne ici un art de vivre qui maintient la condition
de possibilité de l'indépendance
de caractère.
Un homme avide, toujours
prisonnier de
ses désirs et incapable de hiérarchiser raisonnablement les
buts qu'il vise, devient vite esclave : son « avidité », sa recherche éperdue de
l'argent, sa gloutonnerie lui ôtent insensiblement toute capacité d'indé-.
»
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