Spinoza, Traité théologico-politique: La liberté d’expression peut-elle être sans limites ?
Publié le 22/09/2018
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Comme le libre jugement des hommes est tout à fait divers et que chacun pense à lui seul tout savoir, et qu’il est impossible que tous pensent également la même chose, et parlent d’une seule voix, ils ne pourraient vivre en paix si chacun n’avait pas renoncé au droit d’agir selon le seul décret1 de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir selon son propre décret que l’individu a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite personne ne peut, sans danger pour le droit du pouvoir souverain, agir à rencontre du décret de celui-ci, mais il peut totalement penser et juger, et par conséquent aussi s’exprimer, à condition cependant qu’il se contente de parler et d’enseigner, et de défendre son opinion par la seule Raison, sans introduire par la ruse, la colère et la haine, quelque mesure contraire à l’État qui ne ressortirait que de l’autorité de son propre vouloir.
Spinoza, Traité théologico-politique
1. décret: décision.
• « droit d’agir selon son propre décret » : on pourrait remplacer cette expression par le « droit d’agir selon son bon plaisir », ou encore par le « droit naturel ». À l’état de nature en effet, c’est-à-dire préalablement à toute institution politique, l’homme suit son instinct et va où son désir le porte. Il agit à sa guise. Ses intérêts entrent donc immanquablement en conflit avec ceux des autres. Afin de vivre ensemble en paix, il est donc nécessaire de renoncer aux plaisirs uniquement particuliers au profit du bien commun, de passer du droit naturel au droit civil . Ce transfert est le meilleur lorsqu’il est guidé par la raison. Une telle société est alors une société d’hommes libres : « ...j’appelle libre un homme dans la mesure où il vit sous la conduite de la Raison » (Traité politique, II).
• «pouvoir souverain» : c’est celui auquel on a transféré son droit d’agir selon son bon plaisir. Le pouvoir souverain est le dépositaire et le gardien des lois et de la sécurité de tous.
• « État » : c’est la forme politique de la société. Il s’accomplit pour Spinoza dans la démocratie. Car « la fin de l’État est la liberté » c’est-à-dire la possibilité, pour les hommes « d’user d’une raison libre » (Traité théo-logico-politique, chap. 20). De là la défense, dans le texte, du « droit de raisonner et de juger ».
«
conflit avec ceux des autres.
Afin de vivre ensemble en paix, il est donc
néce ssaire de renoncer aux plaisirs uniquement particuliers au profit du
bien comm un, de pas ser du droit naturel au droit civil .
Ce transfert est le
meilleur lorsqu'il est guidé par la rai son.
Une telle société est alors une
socié té d'hommes libres : « ..
.j 'app elle libre un homme dans la mes ure où
il vit sous la conduite de la Raison » (T rai té politi que, Il).
o «p ouvoir souverain » : c' est celui auquel on a transf éré son droit
d' agir selon son bon plaisi r.
Le pouvoir souverain est le déposita ire et le
gardien des lois et de la sécurité de tous.
o «État » : c' est la forme politique de la soci été.
Il s'accomplit pour Spi
noza dans la démocrati e.
Ca r «l a fin de l'É tat est la liberté » c'e st-à-d ire
la pos sibilité, pour les hommes «d'user d'une raison libre » (T rai té théo
log ico-po litique, chap.
20) .
De là la déf ense, dans le texte, du «droit de
raisonner et de juger ».
• Intérêt philosophique du texte
L' intérêt du texte est de résoudre un conflit complexe .
Ca r Spinoza
définit d'un côté la sou veraineté de l'É tat comme absolue (comment,
sinon, faire respect er la loi ?) et de l'autre, il soutient que la but de l'État
est la liberté .
Or comment peut-on être à la fois soumis et libre ? En dis
tinguant les acte s des paroles et des pensées.
En s'associa nt aux autres par un contrat, l'individu doit en effet renon
cer partiellement à sa liberté d'action : il ne peut plus faire justice lui
même, dérober son bien à autrui en toute impunité, etc.
Mais il con serve
tout entière sa liberté de juger et de s'exprimer.
L'État doit préserver et
fa vori ser cette liberté, pour le bien des citoyens mais aussi pour le sien,
puisque ses institutions deviennent le fru it de l'activité rationnelle et que
la Rai son favori se l'entente des homm es.
C'est là la contradiction du des
potisme : un État n'est jamais aussi fort que lorsqu 'il est légitime, et il ne
peut être légitime pour tous que s'il est fondé rationnellement.
L'État le
plus puissant n'est donc pas celui qui censure et baillonne, mais celui qui
fa vori se l'expr ession et sait l'entendre.
• Problématique de la question 3
La liberté d'expr ession doit-elle pour autant être sans limites ? On peut
dist inguer, à la suit e de Kant, des bornes de fait et des limites de droit,
forg ées par la rai son.
La liberté d'expre ssion devrait en ce cas s'étendre
jusq u'où s'étend la raison et non au-delà.
Certains principes, comme le
respect de la dignité de la personne d'autrui, pourraient alors venir la
stopper.
Jusqu'où la liberté d'expre ssion peut et doit-elle alors s'étendre,
pour être fructueu se et légitime ?.
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- « Non seulement cette liberté [de juger] peut être accordée sans danger pour la piété et la paix de l'État, mais même on ne pourrait la supprimer sans détruire la paix de l'État et la piété. » Spinoza, Traité théologico-politique, 1670. Commentez cette citation.
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