Spinoza Peut-on dire que la liberté est d'abord la reconnaissance de la nécessité ?
Publié le 16/03/2006
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Dans cette lettre à Schuller, Spinoza rappelle la doctrine de la liberté que nous trouvons par ailleurs exposée dans l'Éthique. Il affirme notamment comment sa conception de la liberté se concilie avec sa philosophie de la nécessité universelle, et par là s'oppose à la théorie populaire du libre arbitre. Il reprend la critique du libre arbitre que vous retrouverez au livre Il de l'Éthique (scolie de la proposition XXXV) et au livre III (scolie de la proposition II).
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Spinoza: J'appelle libre, quant à moi, une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature ; contrainte, celle qui est déterminée par une autre àexister et à agir d'une certaine façon déterminée.
Dieu, par exemple, existelibrement bien que nécessairement parce qu'il existe par la seule nécessité desa nature.
De même aussi Dieu se connaît lui-même librement parce qu'ilexiste par la seule nécessité de sa nature.
De même aussi Dieu se connaît lui-même et connaît toutes choses librement, parce qu'il suit de la seulenécessité de sa nature que Dieu connaisse toutes choses.
Vous le voyezbien, je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret mais dans unelibre nécessité.Mais descendons aux choses créées qui sont toutes déterminées par descauses extérieures à exister et à agir d'une certaine façon déterminée.
Pourrendre cela clair et intelligible, concevons une chose très simple : une pierrepar exemple reçoit d'une cause extérieure qui la pousse, une certainequantité de mouvement et, l'impulsion de la cause extérieure venant à cesser,elle continuera à se mouvoir nécessairement.
Cette persistance de la pierredans le mouvement est une contrainte, non parce qu'elle est nécessaire, maisparce qu'elle doit être définie par l'impulsion d'une cause extérieure.
Et ce quiest vrai de la pierre il faut l'entendre de toute chose singulière, quelle que soitla complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une cause extérieure à existeret à agir d'une certaine manière déterminée.Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, pense et sachequ'elle fait effort, autant qu'elle peut, pour se mouvoir.
Cette pierre assurément, puisqu'elle a conscience de soneffort seulement et qu'elle n'est en aucune façon indifférente, croira qu'elle est très libre et qu'elle ne persévèredans son mouvement que parce qu'elle le veut.
Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder etqui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui lesdéterminent.
Un enfant croit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s'il est poltron,vouloir fuir.
Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu'ensuite, revenu à la sobriété, il aurait voulutaire.
De même un délirant, un bavard, et bien d'autres de même farine, croient agir par un libre décret de l'âme etnon se laisser contraindre.
Avez-vous compris l'essentiel ?
1 À quoi est due l'illusion humaine de la liberté pour Spinoza ?2 En quoi consiste la vraie liberté pour Spinoza ?3 Quelle conception de la liberté Spinoza réfute-t-il ?
Réponses:
1 - À l'ignorance des causes qui déterminent les pensées et les actions humaines.2 - Elle consiste à agir en fonction de sa nécessité propre, ce qui pour l'homme signifie être conscient des causes.3 - La liberté de la volonté fondant la liberté de choix ou « libre arbitre «, thèse défendue par Descartes.
(Introduction)
Dans cette lettre à Schuller, Spinoza rappelle la doctrine de la liberté que nous trouvons par ailleurs exposée dansl'Éthique.
Il affirme notamment comment sa conception de la liberté se concilie avec sa philosophie de la nécessitéuniverselle, et par là s'oppose à la théorie populaire du libre arbitre.
Il reprend la critique du libre arbitre que vousretrouverez au livre Il de l'Éthique (scolie de la proposition XXXV) et au livre III (scolie de la proposition II).
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Pour ma part je qualifie de libre une chose...
je place la liberté non dans un libre décret mais dans une librenécessité.Dans ces premières lignes on trouve la définition de la liberté spinoziste (qui au sens plein ne s'applique qu'à Dieu) etla mise en relation de ce concept de liberté avec les concepts de contrainte et de nécessité.Ces concepts ne sont pas nouveaux.
Spinoza les trouve, bien élaborés, dans la philosophie scolastique quidistinguait deux formes de liberté : la liberté par absence de contrainte (libertas a coactione) qui est le fait d'agirindépendamment des causes extérieures et la liberté par absence de nécessité (libertas a necessitate) qui supposela contingence, (l'absence de toute cause nécessitante).
Cette liberté définie par absence de nécessité c'est lelibre arbitre absolu que Guillaume d'Occam, Duns Scot, Descartes lui-même attribuaient à Dieu (Dieu aurait tout créépar une décision transcendante et arbitraire : Il aurait pu faire que 2 + 2 ne soit pas égal à 4 et que ce soit pourl'homme un devoir de le haïr !).
La pensée populaire et moralisante attribue à l'homme aussi le libre arbitre.
Telhomme qui a tué par exemple aurait pu, tout en étant le même homme, avec les mêmes idées, les mêmes passions,s'abstenir de tuer.
L'acte présumé libre échapperait donc à tout déterminisme intérieur comme à tout déterminismeextérieur.
II échapperait au déterminisme de ma nature propre comme aux contraintes extérieures.
L'acte libresupposerait la contingence, l'absence de nécessité (est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être), l'acte libre.
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