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SPINOZA: «On dirait qu'ils conçoivent l'homme dans la nature comme un empire dans un empire...»

Publié le 14/01/2004

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SPINOZA: «On dirait qu'ils conçoivent l'homme dans la nature comme un empire dans un empire...»
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« blâme pas un chien parce qu'il a la rage on ne blâme pas la pierre parce qu'elle tombe quand on la lâche : on tentede comprendre, par les causes, pour prévenir et pour guérir.

Il doit en aller de même pour les passions, cesprétendus vices de la nature humaine Les passions « reconnaissent certaines causes par où elles sont clairementconnues, et ont certaines propriétés aussi dignes de connaissance que les propriété d'une autre chose quelconque».L'erreur des moralistes provient donc de ce qu'ils reconnaissent que toutes les choses dans la nature sont soumisesà des lois sauf l'homme, que tout phénomène a une cause sauf dans le cas des actions humaines.

Ils pensent doncque l'homme est « un empire dans un empire ».Ces moralistes ont donc une conception erronée de la liberté.

Parlant des passions, ils « semblent traiter non dechoses naturelles qui suivent les lois communes de la nature, mais de choses qui sont hors de la nature [...] Ilscroient en effet que l'homme [...] a sur ses actions un pouvoir absolu.

» La religion et la tradition philosophique fontde l'homme une exception dans la nature en affirmant que sa volonté est libre, qu'il peut décider en toute autonomiede ses actes.

Cette exception ne se justifie pas : c'est une illusion.

Et cette illusion nous amène à détester l'hommeau lieu de le comprendre, voire de l'aider.On comprend alors le programme de Spinoza : « Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas louer, ne pas blâmer, maiscomprendre.

»Pour Spinoza, l'homme ne naît pas libre, mais il peut le devenir.

C'est la compréhension qui libère.

Pour donner unexemple anachronique et caricatural, les moralistes seraient des hommes se lamentant parce que les hommes nesavent pas voler, et qui attribueraient cette incapacité à une nature vicieuse : l'attitude d'un spinoziste consisteraità chercher la loi de la pesanteur et à inventer l'avion.Si Spinoza s'oppose à la morale, il ne faut pas oublier que son ouvrage essentiel s'intitule L'Éthique.

Il ne s'agit pasde tout justifier, ni de se désintéresser de toutes règles d'action, de toute vie en commun, de tout jugement.Mais la morale à laquelle s'oppose Spinoza découle, on l'a vu, d'une méconnaissance de l'homme et de ses actionsd'une part, et d'autre part des jugements de valeur allant parfois jusqu'au mépris de l'homme, du pécheur, dupassionné.

La morale ne m'explique ni ce dont je souffre, ni les causes de ma «maladie ».

Par contre, elle mecondamne, et m'impose des normes.

Voilà où est le Bien, voilà où est le Mal.

Impuissante à expliquer, la moraleréussit merveilleusement bien à culpabiliser l'être humain : elle impose des normestranscendantes : Bien et Mal, ne dit pas comment les suivre, et condamne l'homme qui y déroge.L'éthique spinoziste consiste à substituer la compréhension des phénomènes aux jugements et aux condamnations.Il ne s'agit plus d'imposer des normes, mais de permettre à l'homme « d'accroître sa puissance d'agir et de penser »en lui expliquant ce qui lui est utile ou nuisible.

Pour reprendre un mot de Nietzsche, il s'agit « d'être au-delà du bienet du mal et non pas au-delà du bon et du mauvais ».

Pour Spinoza, considérer « l'homme dans la nature comme un empire dans un empire » est une absurdité.

Au lieude croire que l'homme est immédiatement libre, il faut comprendre comment le libérer.

Croire que l'homme aimmédiatement un pouvoir absolu sur ses actions, qu'il est une exception dans la nature (où tout est soumis à deslois) parce qu'il aurait une volonté libre, c'est se condamner à le méconnaître et à le mépriser.

Comprendre quel'homme est une partie de la nature comme une autre, c'est-à-dire que toutes ses actions, même celles qu'il croitvolontaires, s'expliquent par des causes, c'est se donner les moyens de le conduire vers la liberté, vers la plusgrande puissance possible de penser et d'action, vers l'épanouissement.Le programme de Spinoza est étonnamment moderne.

Par son refus de la morale, il s'apparente à Nietzsche.

Par sonsouci de donner à l'homme une maîtrise de lui-même qu'il n'a pas de prime abord, il s'apparente à Freud.

Spinozanous a appris à dissocier la morale de la recherche du bien individuel et collectif.

Il est légitime que sa devise : « Nepas rire, ne pas pleurer, ne pas louer, ne pas blâmer, mais comprendre » soit devenue si célèbre : elle sonne commela première étape de notre libération. SPINOZA (Baruch). Né à Amsterdam en 1632, mort à La Haye en 1677. Il apprit l'hébreu, le latin, le français dans les écoles juives et latines, et travailla dans la maison de commercefamiliale.

Accusé d' « effroyables hérésies », Spinoza échappa de peu à un assassinat en 1656, et fut excommuniéde la synagogue la même année.

Il apprit la taille des instruments d'optique, vendit des verres télescopes pourvivre, et s'initia à la philosophie de Descartes.

Il constitua un cercle d'études près de Leyde, travailla intensémentde 1663 à 1670, et acquit une réputation considérable.

En 1670, il s'installa à La Haye, partageant sa vie entre laméditation philosophique et la taille des verres pour microscopes.

Il fut chargé en 1673 d'une mission secrète auprèsdu prince de Condé et du maréchal de Luxembourg.

Sa position devint ensuite de plus en plus difficile.

Il se rendit àAmsterdam, mais renonça à s'y établir.

En 1676, il reçut de nombreuses visites de Leibniz, qui niera plus tard l'avoirrencontré.

Malade, il mit de l'ordre dans ses manuscrits, en brûla peut-être.

Il mourut paisiblement et fut enterrédans la fosse commune.

Un don anonyme permit la publication intégrale (le ses manuscrits.

— Il professa un grandlibéralisme en politique et se montra rationaliste dans les questions religieuses.

Malgré un certain nombre d'ouvrages,on peut dire que Spinoza fut l'homme d'un seul livre : l'Ethique.

Le caractère géométrique de ce livre permet dedéfinir la pensée métaphysique de Spinoza à l'aide de ses propres définitions : « Par cause de soi, j entends ce dont. »

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