Spinoza: la raison et l'Etat
Publié le 11/02/2019
Extrait du document
Expliquer le texte suivant :
Si la constitution naturelle des hommes leur faisait désirer avec le plus d’ardeur ce qui tend à leur plus haut intérêt, toute intervention expresse, en vue de faire régner la concorde et la bonne foi, serait superflue. Mais telle n’est pas la pente habituelle de la nature humaine, on le sait. L’État doit donc être organisé nécessairement de manière que tous, gouvernants et gouvernés - qu’ils agissent de bon ou de mauvais gré - n’en mettent pas moins leur conduite au service du salut général. En d’autres termes, il faut que tous, par force et par nécessité si ce n’est spontanément, soient contraints de vivre selon la discipline de la raison. Pour que soit atteint ce résultat, le fonctionnement de l’État sera réglé de telle sorte, qu’aucune affaire important au salut général ne soit jamais confiée à un seul individu, présumé de bonne foi. Car l’homme le plus vigilant est cependant assujetti au sommeil, par intervalles, le plus fort et le plus inébranlable est sujet à faiblir ou à se laisser vaincre, aux moments précis où il aurait besoin de la plus grande énergie.
Spinoza
Ce qu’apporte une telle conversion, c’est la possibilité de vivre « selon la discipline de la raison ». La formule permet d’en préciser la portée : il s’agit, grâce à l’organisation de l’État, de transformer des hommes indisciplinés parce que déterminés par le sensible et la passion, en êtres disciplinés et rationnels. C’est donc l’État qui permet que l’aspect rationnel de l’homme l'emporte sur son versant passionnel (ce dont Hegel se souviendra) : l’universalité se substitue à la particularité ou singularité, et fait que se manifeste le salut général, ou que les citoyens prennent tous conscience de ce qui constitue « leur plus haut intérêt » - qui s’oppose par définition à ce qu’il y de « bas » dans l’intérêt seulement privé.
«
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Pièges à éviter
- lnurile de réciter toutes les théories de l'État que l'on connaît : elles
· ne concernent même pas le thème de cet extrait.
- Il n'est pas davantage nécessaire de rappeler tous les auteurs parta
geant avec Spinoza une conception peu optimiste de la nature humaine, ni
de discuter des degrés possibles de cette conception.
- Ne pas passer trop rapidement sur les deux dernières phrases du
texte, qui en constituent tout autre chose qu'un simple détail.
CORRIGÉ
[Introduction] Les critiques formulées à l'égard de l'État sont si fréquentes qu'on en
viendrait presque à se demander si l'homme ne serait pas plus heureux en
vivant en dehors de ses contraintes.
Qu'est-ce donc qui le rend néces
saire ? La réponse de Spinoza est sans ambiguïté : l'État doit être organisé
en raison de l'incapacité des hommes à s'intéresser spontanément au bien
commun.
C'est parce que leur «constitution naturelle» ne les porte pas
vers leur plus haut intérêt qu'il faut instaurer un État qui les contraigne
tous à être au service du « salut général ».
[1.
La " constitution naturelle » des hommes]
« On sait », selon Spinoza, que la « pente habituelle de la nature
humaine » n'est pas bien orientée.
Cette allusion à l'expérience commune
autorise le philosophe à ne pas détailler les buts ou intentions de cette
« pente naturelle »: il peut se contenter d'indiquer qu'ils ne servent pas le
plus haut intérêt des hommes, c'est-à-dire la concorde et la bonne foi.
Au
lecteur d'en déduire a contrario que, spontanément, l'homme semble
animé en priorité par des intérêts individuels ou égoïstes, qu'il est volon
tiers belliqueux ou agressif, et de mauvaise foi : ni la vérité ni la paix
civile ne font partie de ses préoccupations immédiates.
Des hommes agissant ainsi en fonction de leur seul intérêt privé ne peu
vent vivre harmonieusement, puisque les intérêts privés se contredisent
sans cesse.
Mais ils ne peuvent être amenés à modifier leur attitude que
par une contrainte, extérieure à chacun et commune à tous.
C'est pourquoi
il faut organiser l'État de telle façon que tous réorientent leur conduite
pour servir le «salut général >> - expression qui peut être à double sens :
ce salut concerne aus.si bien leur capacité à survivre ensemble que la qua
lité de leur « âme >>.
Spinoza insiste sur l'idée que cette réorientation doit
être effectuée par tous les membres de l'État, quel que soit leur statut
apparent, qu'ils se comptent au nombre des« gouvernants >> ou des « gou-.
»
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