SPINOZA, Éthique, Ve partie, scolie de la proposition XLI
Publié le 14/08/2014
Extrait du document
n Sujet
Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée.
La plupart semblent croire qu'ils sont libres dans la mesure où il leur est permis d'obéir à leurs penchants, et qu'ils abandonnent de leur indépendance dans la mesure où ils sont tenus de vivre selon la prescription de la loi divine. La moralité donc, et la religion, et, sans restriction, tout ce qui se rapporte à la force d'âme, ils les prennent pour des fardeaux qu'ils espèrent déposer après la mort, pour recevoir le prix de la servitude, à savoir de la moralité et de la religion ; et ce n'est pas cet espoir seul, mais aussi et surtout la crainte d'être punis par d'horribles supplices après la mort, qui les poussent à vivre selon la prescription de la loi divine, autant que le permettent leur petitesse et leur âme impuissante. Et si les hommes n'avaient pas cet espoir et cette crainte, s'ils croyaient au contraire que les esprits périssent avec le corps et qu'il ne reste aux malheureux épuisés par le fardeau de la moralité aucune survie, ils reviendraient à leurs naturels, voudraient tout gouverner selon leurs penchants et obéir à la fortune plutôt qu'à eux-mêmes. Ce qui ne me paraît pas moins absurde que si un homme, parce qu'il ne croit pas pouvoir nourrir éternelle¬ment son corps de bons aliments, préférait se saturer de poisons mortels ; ou bien, parce qu'il voit que l'esprit n'est
pas éternel ou immortel, préfère être dément et vivre sans la Raison : absurdité telle qu'elle mérite à peine d'être relevée.
SPINOZA, Éthique, Ve partie, scolie de la proposition XLI,
Garnier-Flammarion, p. 339-340.
Dans cette seconde sous-partie, SPINOZA prend, en quelque sorte, le problème à l'envers. Il fait une hypothèse. Dans la sous-partie que nous avons examinée, le philosophe étudiait la situation réelle des hommes mûs par les deux affections de la crainte et de l'espoir (crainte de la punition-espoir d'une récompense), affections liées à notre servitude et à notre impuissance existentielle, à la faiblesse de notre âme. Dans cette seconde sous-partie, SPINOZA fait l'hypothèse suivante : si le vulgaire n'était pas dirigé et mû par cette joie inconstante (espoir) et cette tristesse inconstante (crainte), s'il ne croyait pas à la survie et s'il pensait que les hommes ne participent pas à l'éternité, alors ce vulgaire
«
Paris-Créteil-Versailles
pas éternel ou immortel, préfère être dément et vivre sans la
Raison : absurdité telle qu'elle mérite à peine
d'être relevée.
• Corrigé
SPINOZA, Éthique, V' partie, scolie de la proposition XLI, Garnier-Flammarion, p.
339-340.
CONSEILS PRATIQUES
• Un admirable texte de SPINOZA qui se trouve dans les
dernières pages de l' Éthique mais qui constitue,
pour vous,
candidats,
un nœud de difficultés et de malentendus.
Que
représentent ces
ljgnes? Elles forment un scolie de la propo
sition XLI de !'Ethique c'est-à-dire une remarque à propos
d'tJne proposition (Nous vous rappelons, en effet, que dans
l' Ethique, SPINOZA procède mathématiquement avec défini
tions, propositions, scolies, etc.
L'ensemble se déroule avec
un appareil mathématique).
La proposition XLI ne vous a
donc pas été présentée mais ceci ne constitue pas un obstacle
majeur.
Vous êtes
normalement en mesure de saisir le sens
de ce passage qui situe
la vraie moralité au niveau le plus
élevé.
Comment clarifier structure et sens de ce texte extrême
ment difficile?
• Ici, le repérage conceptuel paraît posséder la primauté en
ce qui concerne
la tâche de clarification.
Bien entendu, la
ponctuation et les conjonctions jouent un rôle que nous
étudierons plus loin.
Mais il semble qu'il faille d'abord
s'attacher aux concepts ou notions et à leur organisation.
Aussi est-il nécessaire de définir avec soin les termes et
d'examiner leur lien.
Or, ce qui frappe dans le développe
ment, est la place consacrée
aux notions d'espoir et de
crainte.
Elles
structurent toute une grande partie intermé
diaire
partant de «la moralité donc» et allant jusqu'à
«eux-mêmes»..
»
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