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Sous quelles formes le passé revit-il dans le présent ?

Publié le 15/09/2014

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A l'opposé, le souvenir proprement dit, ce que BERGSON appelait la mémoire-souvenir. Installé consciemment dans mon présent — par exem­ple, aujourd'hui 4 octobre 1944, à 9 h. 30, occupé à rédiger cette disser­tation pour le baccalauréat de Philosophie-Lettres — je me vois peinant, en juin dernier, à un travail analogue, pour l'examen de Mathématiques élémentaires. Des images de ce passé voltigent devant les yeux de mon esprit : je revois l'amphithéâtre de la Faculté des Sciences où je com­posais

« LA MÉMOIRE H7 D'ailleurs, il est bien douteux que dans nos rêves nous éYoquions le passé pour le revivre.

Sans doute, les souvenirs alimentent le rèYe, cl nous sommes bien souvent capables d'expliquer le déclenchement de la fonction onirique par le retour à la conscience endormie d'une impres­ sion récemment enregistrée.

Mais si les données de la mémoire entrent dans nos rêves comme éléments, l'imagination transforme ces données avec une liberté telle que le produit constitue une création nouvelle.

Nos rêves réalisent donc des situations tout à fait originales, et il ne faut pas chercher en eux une reproduction du passé.

Ainsi, le rêve ne vérifie pas deux caractéristiques essentielles au fait psychique ·dont nous cherchons les diverses formes : ce n'est pas dans le présent qu'il nous fait vivre et ce qn 'il nous fait vivre avec une telle intensité ce n'est pas le passé.

A l'opposé, le souvenir proprement dit, ce que EERGSO'.'! appelait la mémoire-souvenir.

Installé consciemment clans mon présent - par exem­ ple, aujourd 'lrni 4 octobre i94.4, à \J h.

30, occupé à rédiger cette disser­ tation pour le baccalauréat de Philosophie-Lettres - je me vois peinant, en juin dernier, à un travail analogue, pour l'examen de Mathématiques élémentaires.

Des images de ce passé voltigent devant les yeux de mon esprit : je revois l'amphithéâtre de la Faculté des Sciences où je com­ posais, le professeur _à barbe poivre et· sel qui présidait, quelques candi­ dats dont la tête ou quelque détail vestimentaire m'avait frappé ...

:ois ce passé, je me le représente : je ne le Yis pas.

Ces images ·1ui m'en reviennent défilent devant moi ou restent fixées à je ne sais quel fond mystérieux : elles ne s'intègrent pas dans ma vie réelle.

Ma vie réelle, c'est le présent : cette dissertation à mettre sur pied d'ici une heure; ce serait, plutôt que le passé, l'm·enir que je prévois ou celui 1ue je rêve - ! 'Ecole Polytechnique, puis les constructions navales - car c'est vers lui que s'avance le présent, tandis qu'il s'éloigne constamment du passé.

Le passé est bien mort.

C'est parce qu'il est fixé dans une immobilité cadavérique que nous en conservons des souvenirs précis.

Ces souvenirs constituent un retour du passé dans le présent : ils ne nous font pas revivre le passé; à strictement parler, nous ne vivons que le présent.

~ous ne pouvons donc pas compter parmi les évocations faisant revivre le passé dans le présent, les souvenirs qui n'en sont que la représentation.

Nous voilà donc, semble-t-il, enfermés dans cette alternative : ou bien l'évocation du passé le fait revivre, mais alors elle constitue une évasion hors du présent; ou bien, elle nous laisse dans le présent et, dans ce cas, elle nous donne du passé une représentalion qui ne le fait pas revivre.

A ce compte, le passé ne revivrait jamais rlans le rm 1scnt.

• • * Or, les faits sont contraires à cette conclnsion.

Sans doute, la revi­ Yiscence parfaite est impossible : aucune de nos minutes ne reproduira jflmais exactement une autre minute des années écoulées.

Il ne nous en :irriYe pas moins, sans quitter le présent, d'évoquer un moment du passé :l\·ec quelque chose de cette chaleur que donne la vie.

C'est que dans les pages qui précèdent nous nous en sommes tenus à ! 'examen des cas extrêmes : d'une part, l'inconscience totale du présent. »

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