Sommes-nous responsables de notre manque de volonté ?
Publié le 27/02/2005
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2.
Comment ma volonté pourrait-elle m'être étrangère?
A.
Je prétends me délivrer de ma responsabilitéSi la volonté me manque, je ne peux pas pour autant mettre en cause cette dernière : je manque de volonté, jemanque à ma volonté davantage que ma volonté ne me manque.
Ma volonté, c'est d'une certaine façon moi-même: prétendre que ma volonté m'a manqué est avant tout une une manière contradictoire de tenter d'échapperà ma responsabilité; je ne suis pas libre de renoncer à ma liberté, ma volonté me suit malgré moi.
Le manque de volonté n'est qu'un prétexte que j'allègue afin de me décharger de ma propre responsabilité.
On pourra rapprochercette idée de l'exemple de l'évanouissement que donne Sartre dans L'Être et le Néant: l'évanouissement n'est pourcelui qui fuit ses responsabilités qu'un moyen d'exprimer cette fuite, celui qui s'évanouit veut toujours d'unecertaine façon cet évanouissement.
B.
Je ne suis pas ce que je crois êtrePlus précisément, si ma volonté peut me manquer, c'est parce qu'elle ne dépend pas de moi comme d'une causetransparente à elle-même.
Lorsque je dis «je veux», c'est tout mon être qui veut, et je ne suis pas toujoursconscient de ce que je suis.
Le sujet de la volonté n'est pas un monarque absolu qui pourrait prendre les décrets deson choix, ni un Dieu dont la volonté s'accomplit dès lors qu'il la formule.
Je suis aussi ce que mes goûts, mesconnaissances, mon passé, mon caractère font de moi, je ne peux jamais vouloir purement et simplement, quasiabstraitement.
Ma volonté et mon existence sont insérées dans une situation réelle, un monde de faits.
C.
Je ne peux pas connaître la liberté de ma volontéAntérieurement même à cette question se pose celle de la liberté de ma volonté : je ne sals comment je puisvouloir, parce que je ne peux en aucune façon connaître le libre arbitre qui rend possible ma volonté libre.
Je nepeux déterminer l'origine de ma volonté, je ne l'aperçois que comme puissance agissante dont le principe medemeure nécessairement caché.
La liberté, cause immédiate de ma volonté, en est posée comme une condition quireste inatteignable.
3.
Le bon usage de la volonté
A.
La volonté doit être éduquéeSi le principe de ma volonté est en moi sans toutefois être à madisposition, je peux néanmoins tenter de porter remède à mon manque de volonté par une culture de celle-ci quipuisse m'en donner le bon usage.
C'est le sens de l'ascèse stoïcienne telle que nous l'a livrée Épictète dans sesEntretiens et son Manuel: la volonté peut s'éduquer, se cultiver par un exercice, conformément à la nature et à ladestination de ma volonté.
B.
La volonté doit suivre un principeEn ce sens, il faut que la volonté suive des principes pour pouvoir s'accomplir pleinement.
Car livrée à elle-même,non éclairée, la volonté peut manquer de rectitude dans les fins qu'elle se propose.
«On veut toujours son bien, maison ne le voit pas toujours», écrit Rousseau au chapitre III («Si la volonté générale peut errer») du livre Il du Contratsocial.
Ces principes que suit la volonté peuvent en effet lui être extérieurs et se constituer d'éléments empiriques:la volonté est alors condamnée, selon Kant, à dépendre de principes externes, à ne pas être libre et autonome.Seule la raison pratique peut donner une autonomie à la volonté, c'est-à-dire la faculté de n'obéir qu'à sa propre loi,en la soumettant à la loi morale.
C.
La volonté doit se vouloir elle-mêmeSoumise à une loi qui lui est propre, la volonté, affranchie par là même de toute entrave qui pourrait l'aliéner, peutainsi, pleinement libre, se vouloir elle-même, c'est-à-dire vouloir la liberté.
Le bon usage de ma volonté est en effetcelui qui lui donne pour fin la liberté: ma volonté ne peut plus me manquer dès lors que, délivrée de toutedétermination extérieure, elle ne prend pour fin que la liberté..
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