Sommes-nous dans le temps comme nous sommes dans l'espace ?
Publié le 26/03/2004
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Introduction
Un constat : nous disons "Pierre est né avant moi", "Jean est mort après Jacques"; "nous sommes au milieu del'année" ; on parle de temps plus "court" ou plus "long", etc.
Ainsi, pour parler du temps, utilisons-nous desexpressions propres à l'espace : avant, après, au milieu, etc.
Le temps semble donc être pour nous une sorted'espace dans lequel nous évoluerions.
Le problème est cependant de savoir si une telle conception est légitime.
Sommes-nous sûrs en effet que le tempssoit une réalité objective extérieure à nous, comme il nous semble que l'est l'espace ? Le temps a-t-il une réalitéhors de notre représentation ? Sommes-nous réellement dans le temps comme nous sommes dans l'espace ?
1.
Un temps et un espace hors de nous
a) Un temps et un espace absolus
Pour la conscience commune, le temps comme l'espace sont des sortes de milieux ou de cadres parfaitementindépendants des phénomènes s'y déployant, et qui existeraient en l'absence même de tout corps comme de toutchangement.
Une telle vue se retrouve chez un Newton.
Ce dernier en effet, qui voyait dans le temps comme dans l'espace dessortes d'attributs divins, posait un temps absolu, s'écoulant uniformément, ainsi qu'un espace absolu Une telleconception fut aussi longtemps celle de la science qui s'identifia avec cette physique newtonienne dontl'universalité, comme on Mit, devait attendre Einstein pour être remise en cause.
Ainsi, selon ces deux conceptions (l'une commune, l'autre savante) de l'espace et du temps, nous serions biendans le temps comme nous serions dans l'espace.
b) Le temps et l'espace dépendent des corps
Pourtant, ce temps et cet espace absolus qui seraient des milieux en soi, nous ne les percevons jamais : nous nepercevons toujours que des objets corporels et des changements affectant ces objets.
L'espace et le temps nepeuvent être saisis indépendamment du monde matériel.
Ainsi Aristote fait-il observer que le temps est inséparable du mouvement.
Pour percevoir le temps, il estnécessaire de percevoir du changement.
Mais comme le temps n'est pas le mouvement, il est «quelque chose dumouvement» (Physique, 219 a).
Lié à l'étendue par l'intermédiaire du mouvement, il est caractérisé par «l'antérieuret le postérieur».
En distinguant l'antérieur et le postérieur, nous distinguons des phases dans le mouvement, nousle déterminons en enfermant un intervalle entre des instants.
Ainsi le temps n'est rien d'autre que le mouvementdéterminé par des instants.
«Voici en effet ce qu'est le temps.
Par conséquent, là où il n'y a pas de mouvement, dechangement, il n'y a pas de temps.» Semblablement, pour Aristote, l'espace est l'intervalle entre les corps, et il n'ya pas d'espace là où il n'y a point de corps (par exemple au-delà de la sphère des étoiles, limite de l'univers).
Mais, dès lors, Aristote se pose «la question embarrassante de savoir si, sans l'âme, le temps existerait ou non ;car, s'il ne peut y avoir rien qui nombre, il n'y a rien de nombrable, par suite pas de nombre ; car est nombre ou lenombre ou le nombrable.
Mais si rien ne peut par nature compter que l'âme, et dans l'âme, l'intelligence, il ne peut yavoir de temps sans âme, sauf pour ce qui est du sujet du temps, comme si par exemple on disait que le mouvementpeut être sans âme» (id.
223 a).
Ainsi, sans que l'on soit véritablement en présence d'une théorie subjectiviste dutemps (puisqu'il place le temps dans le sujet qu'il conçoit comme réel et qui est le mouvement) Aristote fait-il un pasdans cette direction.
C'est ce qu'avait observé Plotin qui proteste : «Et puis pourquoi le temps n'existe-t-il pasavant qu'il y ait une pensée qui le mesure à moins qu'on aille dire qu'il est engagé par la pensée ?» (Ennéades, III,9).
C'est en effet ce qu'avancera d'une certaine manière Kant.
2.
Kant : des formes a priori de la sensibilité
a) Une conception proprement révolutionnaire
La théorie kantienne de l'espace et du temps, exposée dans la Critique de la raison pure (1781), constitue unevéritable révolution.
Selon Kant, en effet, l'espace et le temps n'existent pas en soi ni ne sont des déterminationsobjectives inhérentes aux choses elles-mêmes, mais constituent des formes pures de notre intuition, des formes apriori de notre sensibilité, c'est a dire qu'ils sont ce à travers quoi nous appréhendons nécessairement la réalité, lesconditions obligées de notre expérience du monde.
L'espace et le temps appartiennent à notre manière de percevoirla réalité, et ils ne sont rien on dehors de nous : les choses en soi (que Kant appelle les «noumènes») ne sont nidans l'espace ni dans le temps, mais nous ne pouvons les percevoir, en tant que «phénomènes», qu'à travers cessortes de prismes de notre humaine sensibilité que sont l'espace et le temps..
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