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Si nous désirons être libres, qu'est-ce qui nous en empêche ?

Publié le 27/02/2005

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On peut ou bien accepter cette contrainte de manière pessimiste et essayer de se ménager une liberté très partielle, ou bien modifier notre rapport à la contrainte pour acquérir un point pouvoir sur soi-même, ce que proposent par exemple les ascétismes antiques, à commencer par le stoïcisme. Ce sont deux voies de réponses possibles au sujet. Références utiles : Kant, Fondements de la métaphysique des moeursFreud, Cinq leçons sur la psychanalyseRousseau, Du contrat social Textes à utiliser : Spinoza, Lettre 58 à G.H. Schuller « J'appelle libre une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature ; contrainte, celle qui est déterminée par une autre chose à exister et à agir d'une certaine façon déterminée. Dieu, par exemple, existe librement bien que nécessairement parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature. De même aussi Dieu se connaît lui-même librement parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature. De même aussi Dieu se connaît lui-même et connaît toues choses librement, parce qu'il suit de la seule nécessité de sa nature, que Dieu connaisse toutes les choses. Vous le voyez bien, je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret mais dans une libre nécessité. »Epictète, Manuel « Les choses qui dépendent de nous sont libres par leur nature, rien ne peut les arrêter, ni leur faire obstacle ; celles qui n'en dépendent pas sont faibles, esclaves, dépendantes, sujettes à mille obstacles et à mille inconvénients, et entièrement étrangères.

Etre libre, c'est, si on le définit spontanément, exercer sa liberté, avoir un rapport au monde caractérisé par cette liberté, en un mot, faire ce que l'on veut comme on le veut. Cette liberté peut se définir de plusieurs manières : ce peut être une liberté de mouvement, une absence de contraintes physiques, mais aussi une liberté de pensée, une liberté de ne pas être touché par certaines choses, de se détacher des contraintes du monde. Donner une définition unique de la liberté est difficile : il faudra faire varier la définition en fonction du propos.  « Désirer être libre « est une expression qui mérite d'être interrogée : le désir implique en effet généralement l'idée d'un manque : si nous désirons être libres c'est que nous ne considérons pas comme libres, c'est que nous trouvons que quelque chose nous empêche d'être libres, et le sujet présuppose que cet empêchement n'est pas résorbé par le désir de liberté.  Il s'agit finalement de confronter le désir de la liberté à la réalité des possibilités d'exercice de la liberté, et, plus précisément, de repérer l'endroit où cet exercice se trouve contraint ou empêché, pour pouvoir enfin éventuellement résoudre et dépasser cet empêchement.    Par quoi notre liberté peut-elle être empêchée ? Faut-il chercher cet empêchement dans des contraintes extérieures (lois, systèmes politiques – mais que dire alors des théories qui font des systèmes politiques les conditions d'exercice d'une liberté moyenne pour tous ? - ; confrontation à la liberté et à la volonté des autres ? ou, simplement, incapacité, par exemple, incapacité physique, à faire certaines choses ?) ou dans des contraintes intérieures (et alors on peut adopter le point de vue de la psychanalyse, par exemple : nous sommes empêchés d'exercer une pleine liberté sur le monde, mais d'abord sur nous-mêmes, à cause de névroses inconscientes) ? Dans les deux cas, comment résorber cet empêchement ?  On peut ou bien accepter cette contrainte de manière pessimiste et essayer de se ménager une liberté très partielle, ou bien modifier notre rapport à la contrainte pour acquérir un point pouvoir sur soi-même, ce que proposent par exemple les ascétismes antiques, à commencer par le stoïcisme. Ce sont deux voies de réponses possibles au sujet.

« Lorsque Sartre affirme que les Français n'ont jamais été aussi libres que sousl'occupation allemande, sa formule apparemment paradoxale indique quel'exercice de la liberté suppose qu'elle rencontre des résistances l'obligeant àse préciser par des prises de position, des choix relatifs à la réalité d'unesituation particulière.

La liberté, autrement dit, ne saurait se prouver ous'éprouver de façon abstraite et dans le vide.

On pourrait à son proposparodier Kant : comme la colombe, elle ne prend son envol que grâce à larésistance de ce qui paraissait d'abord l'empêcher d'être.

On pourrait utilisercette métaphore de la colombe pour aussi montrer notre rapportinconséquent à la loi.

La colombe, dans son vol, éprouve la résistance de l'airet elle se plaît à imaginer qu'elle volerait bien mieux et bien plus haut sans cetobstacle: elle ignore que sans l'air, elle ne volerait pas du tout et que cequ'elle ressent comme un empêchement est aussi une condition de possibilitémême de son vol.Nous aussi nous plaisons à imaginer une vie sans règles, au-delà des lois:suppression des impôts, de la police, du code de la route, etc.

Ce faisant,nous sommes aussi écervelés que la colombe, car nous oublions que sans cescontraintes, notre prétendue liberté n'existerait plus.

Nous ressentons commeun obstacle ce qui en réalité est une condition d'exercice de nos actions.

Queserait en effet ma sécurité sans les forces de l'ordre ? que serait monexistence sans protection sociale que je finance par mes impôts ? Jamais nousn'avons été aussilibres que sousl'occupationallemande.(Situations, III) Sartre ne prétend nullement que l'occupation allemande auraitété propice à la liberté politique.

C'est de la liberté au sensmétaphysique du terme qu'il s'agit ici.

Être libre c'est êtrecapable de dire non, de refuser une situation.

L'occupationallemande est un de ces moments de notre histoire où notreattitude avait une pleine signification.

Accepter c'était êtrecomplice, refuser, devenir résistant c'était risquer la torture etla mort.

C'est donc une de ces situations limites où les choixne peuvent qu'être authentiques.

La liberté ne se mesure pasdans les situations sans risque mais dans celles où notreresponsabilité et ses conséquences sont pleinementengagées. Désirer être libre n'a de sens que si le désir devient volonté.

Cette dernière suppose une mise en oeuvreauthentique, c'est-à-dire de travailler relativement à un donné.

C'est précisément lorsque celui-ci paraît d'abord encontradiction avec la liberté qu'il peut provoquer des décisions réelles à travers lesquelles elle se réalise. Si l'on veut assurer la possibilité de cette conquête, il importe de prouver la possibilité même d'une liberté quiéchappe au déterminisme.

Autrement dit, la question est de savoir si l'on peut dépasser la simple preuvepsychologique de la liberté pour véritablement fonder sa certitude.

On peut répondre par l'affirmative à cettequestion en mettant en évidence, avec Kant (Critique de la raison pratique), la certitude de la libertétranscendantale.

La conscience de la loi morale, comme fait de la raison même, implique en effet cette libertétranscendantale.

En d'autres termes, la liberté est une donnée certaine de la nature humaine que l'on peut prouverindirectement à partir de la conscience morale: si la raison dit «tu dois», elle dit nécessairement en même temps «tupeux».. »

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