Si nous désirons être libre, qu'est-ce qui nous en empêche ?
Publié le 27/02/2005
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Etre libre, c'est, si on le définit spontanément, exercer sa liberté, avoir un rapport au monde caractérisé par cette liberté, en un mot, faire ce que l'on veut comme on le veut. Cette liberté peut se définir de plusieurs manières : ce peut être une liberté de mouvement, une absence de contraintes physiques, mais aussi une liberté de pensée, une liberté de ne pas être touché par certaines choses, de se détacher des contraintes du monde. Donner une définition unique de la liberté est difficile : il faudra faire varier la définition en fonction du propos. « Désirer être libre « est une expression qui mérite d'être interrogée : le désir implique en effet généralement l'idée d'un manque : si nous désirons être libres c'est que nous ne considérons pas comme libres, c'est que nous trouvons que quelque chose nous empêche d'être libres, et le sujet présuppose que cet empêchement n'est pas résorbé par le désir de liberté. Il s'agit finalement de confronter le désir de la liberté à la réalité des possibilités d'exercice de la liberté, et, plus précisément, de repérer l'endroit où cet exercice se trouve contraint ou empêché, pour pouvoir enfin éventuellement résoudre et dépasser cet empêchement. Par quoi notre liberté peut-elle être empêchée ? Faut-il chercher cet empêchement dans des contraintes extérieures (lois, systèmes politiques – mais que dire alors des théories qui font des systèmes politiques les conditions d'exercice d'une liberté moyenne pour tous ? - ; confrontation à la liberté et à la volonté des autres ? ou, simplement, incapacité, par exemple, incapacité physique, à faire certaines choses ?) ou dans des contraintes intérieures (et alors on peut adopter le point de vue de la psychanalyse, par exemple : nous sommes empêchés d'exercer une pleine liberté sur le monde, mais d'abord sur nous-mêmes, à cause de névroses inconscientes) ? Dans les deux cas, comment résorber cet empêchement ? On peut ou bien accepter cette contrainte de manière pessimiste et essayer de se ménager une liberté très partielle, ou bien modifier notre rapport à la contrainte pour acquérir un point pouvoir sur soi-même, ce que proposent par exemple les ascétismes antiques, à commencer par le stoïcisme. Ce sont deux voies de réponses possibles au sujet.
«
Il est donc préférable de comprendre le désir comme la motivation de la conduite, et de l'assimiler ainsi à la volonté.Mais il convient aussi de préciser quelle conception de la liberté se trouve en jeu.Il est clair que si l'on entend par «être libre» la naïve capacité de faire ce que l'on veut quand on veut et comme onveut, les empêchements vont être nombreux: des contraintes simplement biologiques (je ne suis pas libre dem'envoler par la fenêtre) aux lois sociales (je ne suis pas libre de tuer mon voisin) en passant par la présence desautres (je ne suis pas libre de sonoriser toute la rue avec ma chaîne Hi-Fi).
Il faut donc substituer à cette pseudo-liberté une conception plus rigoureuse.
Les philosophes antiques nous proposent par exemple le modèle d'une liberté tout intérieure ou spirituelle contrelaquelle aucun obstacle ne peut surgir; cela suppose un détachement à l'égard des biens concrets, une apathieefficace qui me rend indifférent aux incidents extérieurs et, de façon stoïque, je peux maintenir la liberté de monesprit malgré toutes les formes concevables de l'adversité (souffrance physique, pouvoirs divers, acharnement d'unennemi, plus rien ne compte).
Mais cela implique, outre la différence entre « ce qui dépend de moi et le reste, laconfiance accordée à l'organisation logique du cosmos, et de fait ma liberté n'est rien d'autre qu'une façond'acquiescer absolument à tout ce qui survient.
D'un point de vue contemporain, et par-delà la reprise, chezSpinoza, de la liberté comme connaissance de la nécessité », une telle conception peut sembler trop démunie ducôté de la pratique.
La liberté «moderne» entend s'affirmer, non seulement comme réalité intérieure, mais aussi, oumême davantage, comme actualisée ou réalisée dans des conduites et des actes.De ce point de vue, c'est évidemment le réel, dans son acception la plus large — les autres et la nature — quirisque de faire obstacle à mon «désir» de liberté.
Encore peut-on distinguer deux conceptions différentes de la liberté que je veux affirmer : si j'admets qu'il me resteà exercer des capacités déjà constituées en moi, le réel se présente en effet doté d'un coefficient de résistance àmes actes qui peut ne pas être négligeable.Mais faut-il de la sorte concevoir la liberté comme un donné implicite? N'est-elle pas plutôt — même si je l'affirmecomme Kant à titre de postulat métaphysique — une potentialité qu'il m'appartient toujours d'amener au réel? C'est-à-dire un ensemble de conduites à élaborer, à constituer en fonction des situations que je rencontre.
De ce point devue, la liberté n'est pas déjà faite ou déjà là: elle se confirme dans la diversité de mes réactions, s'élabore à traversla suite des mes actes. Lorsque Sartre affirme que les Français n'ont jamais été aussi libres que sousl'occupation allemande, sa formule apparemment paradoxale indique quel'exercice de la liberté suppose qu'elle rencontre des résistances l'obligeant àse préciser par des prises de position, des choix relatifs à la réalité d'unesituation particulière.
La liberté, autrement dit, ne saurait se prouver ous'éprouver de façon abstraite et dans le vide.
On pourrait à son proposparodier Kant : comme la colombe, elle ne prend son envol que grâce à larésistance de ce qui paraissait d'abord l'empêcher d'être.
On pourrait utilisercette métaphore de la colombe pour aussi montrer notre rapportinconséquent à la loi.
La colombe, dans son vol, éprouve la résistance de l'airet elle se plaît à imaginer qu'elle volerait bien mieux et bien plus haut sans cetobstacle: elle ignore que sans l'air, elle ne volerait pas du tout et que cequ'elle ressent comme un empêchement est aussi une condition de possibilitémême de son vol.Nous aussi nous plaisons à imaginer une vie sans règles, au-delà des lois:suppression des impôts, de la police, du code de la route, etc.
Ce faisant,nous sommes aussi écervelés que la colombe, car nous oublions que sans cescontraintes, notre prétendue liberté n'existerait plus.
Nous ressentons commeun obstacle ce qui en réalité est une condition d'exercice de nos actions.
Queserait en effet ma sécurité sans les forces de l'ordre ? que serait monexistence sans protection sociale que je finance par mes impôts ?
Jamais nousn'avons été aussilibres que sousl'occupationallemande.(Situations, III)
Sartre ne prétend nullement que l'occupation allemande auraitété propice à la liberté politique.
C'est de la liberté au sensmétaphysique du terme qu'il s'agit ici.
Être libre c'est êtrecapable de dire non, de refuser une situation.
L'occupationallemande est un de ces moments de notre histoire où notreattitude avait une pleine signification.
Accepter c'était êtrecomplice, refuser, devenir résistant c'était risquer la torture etla mort.
C'est donc une de ces situations limites où les choixne peuvent qu'être authentiques.
La liberté ne se mesure pasdans les situations sans risque mais dans celles où notreresponsabilité et ses conséquences sont pleinementengagées.
Désirer être libre n'a de sens que si le désir devient volonté.
Cette dernière suppose une mise en oeuvreauthentique, c'est-à-dire de travailler relativement à un donné.
C'est précisément lorsque celui-ci paraît d'abord en.
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